ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Deuxième chambre

Audience publique du 23 mars 2017

Pourvoi : n° 078/2015/PC du 08/05/2015

Affaire :   AXA Assurances Côte d’Ivoire SA

                       (Conseils : La SCPA SORO, BAKO et Associés, Avocats à la Cour)

 

                                  Contre

 

               1) La Société Trans Tour Voyages

                    (Conseil : Maître Binta BAKAYOKO, Avocat à la Cour)

 

                2) Madame KETEKOU épouse ABLE Yéblé Doris Josiane

 

Arrêt N° 101/2017 du 27 avril 2017

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième Chambre, a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 27 avril 2017 où étaient présents :

 

Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE,                                    Président

Namuano Francisco DIAS GOMES,                                        Juge,

Djimasna N’DONINGAR,                                                    Juge,

Diéhi Vincent KOUA,                                                        Juge,

César Apollinaire ONDO MVE,                                              Juge, rapporteur

et Maître Jean Bosco MONBLE,                                            Greffier,

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n° 078/2015/PC du 08 mai 2015 et formé par La SCPA SORO, BAKO & Associés, Avocats à la Cour, à Abidjan- Cocody Les II Plateaux, Rue des Jardins, Villa 2160, 28 BP 1319 Abidjan 28, au nom et pour le compte d’ AXA Assurances Côte d’Ivoire, dont le siège est à Abidjan-Plateau, Avenue Abdoulaye FADIGA, 01 BP 378 Abidjan 01, dans la cause qui l’oppose à la société Trans Tour Voyages ayant son siège à Abidjan-Plateau, 19 Avenue Delafosse, Immeuble La Pointe, 22 BP 1450 Abidjan 22, assistée de Maître Binta BAKAYOKO, Avocat à la Cour, à Abidjan-Plateau, Avenue Chardy, Immeuble Chardy, 8ème étage, 04 BP 2244 Abidjan 04, et à Madame KETEKOU épouse ABLE Yéblé, demeurant à Abidjan-Cocody Riviera,en cassation du jugement n°2933 rendu le 29 décembre 2014 par le Tribunal de commerce d’Abidjan, dont le dispositif est libellé ainsi qu’il suit :

« Statuant publiquement, contradictoirement, en premier et dernier ressort ;

Déclare la société Trans Tour Voyages irrecevable en ses demandes relatives au paiement de dommages et intérêts ;

La déclare par contre recevable en ses autres demandes ;

Reçoit la société AXA Assurances côte d’Ivoire en son action en intervention forcée ;

Constate la non-conciliation des parties ;

Ordonne la jonction des procédures RG 2168/2014 et 2933/2014 ;

Dit la société Trans Tour Voyages partiellement fondée en son action ;

Condamne la société AXA Assurances Côte d’Ivoire à lui payer la somme de vingt-six millions deux cent soixante mille cent Francs (26.260.100 FCFA) ;

Déboute la société Trans Tour Voyages du surplus de sa demande ;

Condamne la société AXA Assurances Côte d’Ivoire aux dépens (…) » ;

 

La demanderesse invoque au soutien de son recours en cassation les deux moyens tels qu’ils figurent dans sa requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur César Apollinaire ONDO MVE, Juge ;

 

Vu le Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu que par lettre n°0362/2016/G2 du 05 avril 2016, reçue le 07 avril 2016 et restée sans suite, le Greffier en Chef de la Cour a signifié le recours à Madame KETEKOU épouse ABLE Doris par l’entremise de son conseil ; que le principe du contradictoire ayant été observé, il échet d’examiner l’affaire ;

 

Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que par exploit du 18 juillet 2014, la société Trans Tour Voyages, se fondant sur un protocole d’accord signé le 19 septembre 2011, en vertu duquel elle a livré des billets d’avions à la société AXA Assurances Côte d’Ivoire, assignait celle-ci devant le Tribunal de commerce d’Abidjan, en paiement de sommes représentant diverses factures ; que contestant la créance alléguée, la société AXA découvrait que le protocole susvisé était signé par dame KETEKOU, son employée qui n’avait jamais reçu mandat à telles fins ; qu’alors et par exploit du 02 octobre 2014, la société AXA à son tour assignait, en intervention forcée, dame KETEKOU devant le Tribunal de commerce d’Abidjan qui rendait le jugement objet du présent pourvoi ;

 

Sur le premier moyen

 

Attendu qu’il est reproché au jugement attaqué de n’avoir pas statué sur la demande de la société AXA Assurances relative à l’intervention forcée de dame KETEKOU ; qu’en effet, la société AXA demandait expressément que cette dame soit appelée à l’instance et être condamnée au paiement des sommes dont le recouvrement est poursuivi, en tant que seule responsable vis-à-vis de la société Trans Tour Voyages ; qu’en ne le faisant pas, le tribunal a, selon le moyen, omis de statuer et exposé sa décision à la cassation ;

 

Mais attendu que relativement à la question, le jugement attaqué énonce, d’une part, que dame KETEKOU agissait dans le cadre de ses fonctions avec les moyens mis à sa dispositions par la société AXA et qu’en raison de ces circonstances, la société Trans Tour Voyages a cru légitimement traiter avec une employée habilitée à cet effet ; que, d’autre part, la reconnaissance formelle de ses méfaits par dame KETEKOU ne peut mettre hors cause la société AXA, dans la mesure où au moment des faits, Trans Tour Voyages ignorait que celle-ci agissait pour son compte ; que par ces motifs, le premier juge a bien statué sur la demande de la société AXA relative à la condamnation de l’intervenante forcée, et l’a rejetée en ne retenant que la seule responsabilité de la société AXA en sa qualité d’employeur ; qu’il ressort donc que le moyen tenant à l’omission de statuer n’est pas fondé et doit être rejeté ;

 

Sur le second moyen pris en ses deux branches réunies

 

Attendu que, dans une première branche, il est reproché au jugement attaqué la violation des articles 234 et 235 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, en ce que, pour rejeter le moyen tiré de la prescription de l’action de la société Trans Tour Voyages, le tribunal a dénié le caractère de vente commerciale aux transactions à l’origine du litige, alors que l’activité principale et prépondérante de la société Trans Tour Voyages consiste à proposer à la vente les billets d’avions des compagnies aériennes ; que, dans une deuxième branche, il est fait grief au jugement attaqué d’avoir violé l’article 1384 du Code civil ivoirien, en ce que le tribunal a fondé la condamnation de la société AXA sur le fait que dame KETEKOU était à son service au moment des faits, alors que le même tribunal a retenu dans ses motifs que dame KETEKOU a reconnu avoir agi dans son propre intérêt, à l’insu de son employeur et a pris l’engagement de rembourser les sommes litigieuses ;

 

Mais attendu, relativement à la première branche, qu’aux termes de l’article 235 susvisé, la réglementation relative à la vente commerciale ne régit pas « …les contrats de fourniture de marchandises dans lesquels la part prépondérante de l’obligation de la partie qui fournit les marchandises consiste dans une fourniture de main-d’œuvre ou d’autres services. » ; qu’en l’espèce, le tribunal, analysant les termes du protocole d’accord du 19 novembre 2011, en a, à bon droit, déduit qu’au regard de la nature des obligations souscrites par la société Trans Tour Voyages, les parties n’étaient pas liées par une vente commerciale et que, conséquemment, la prescription biennale des articles 301 et 302 de l’Acte uniforme du 15 décembre 2010 portant sur le droit commercial général, invoquée par la société AXA, n’était pas applicable en l’espèce ; que la première branche du second moyen mérite donc d’être rejetée ;

 

Attendu que, par rapport à la deuxième branche du moyen, il apparait que le premier juge a suffisamment démontré les fondements de la responsabilité de la société AXA ; qu’il ne s’est pas fondé, comme le prétend la demanderesse au pourvoi, uniquement sur le fait que dame KETEKOU était à son service au moment des faits, mais aussi et surtout des circonstances desquelles il résulte que le tiers a pu légitimement croire que dame KETEKOU agissait en vertu d’un mandat ; qu’aucune référence n’ayant été faite à l’article 1384 du Code civil, il y a lieu dire que la disposition invoquée n’a pu être violée, et rejeter la deuxième branche du moyen ;

 

Attendu qu’aucun moyen n’étant fondé, il convient de rejeter le pourvoi ;

 

Attendu que la société AXA succombant, sera condamnée aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

 

Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;

Rejette le pourvoi formé par la société AXA Assurances Côte d’Ivoire ;

La condamne aux dépens ;

 

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

Le Président

 

Le Greffier