ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Deuxième Chambre
Audience Publique du 11 décembre 2008
Dossier n° 013/2006/PC du 09 mars 2006
Affaire : -Société SIACIC
(Conseil : Maître Michel TSALA, Avocat à la Cour)
-Liquidation CIM-Congo
(Conseil : Maître Simon Yves TCHICAMBOUD, Avocat à la Cour)
-Compagnie Congolaise des Ciments
(Conseil : Maître Claude COELHO, Avocat à la Cour)
contre
Société CIM-Congo SA
(Conseil : Maître Claude Joël PAKA, Avocat à la Cour)
ARRET N°058/2008 du 11 décembre 2008
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 11 décembre 2008 où étaient présents :
Messieurs Antoine Joachim OLIVEIRA, Président
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge, rapporteur
Boubacar DICKO, Juge
et Maître MONBLE Jean Bosco, Greffier ;
Sur le pourvoi reçu et enregistré au greffe de la Cour de céans sous le numéro 013/2006/PC du 09 mars 2006 et formé par les avocats désignés ci-dessus agissant au nom et pour les comptes des sociétés suivantes :
-Société SIACIC, 86, Avenue Général de Gaulle, Pointe Noire (immeuble Marrok) ;
-Liquidation CIM-Congo, 86, Avenue Général de Gaulle, Pointe-Noire ;
-Compagnie Congolaise des Ciments SA, siège social sis à l’immeuble CNSS, Avenue Général de Gaulle, Pointe Noire, dans une cause opposant ces dernières à la société CIM-Congo SA, ayant pour conseil Maître Claude Joël PAKA, Avocat à la Cour, Avenue Charles de Gaulle, immeuble Unicongo, 1er étage, Pointe Noire,en cassation de l’Arrêt n° 30 rendu le 28 février 2006 par la Cour d’appel de Brazzaville et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en référé, en premier et en dernier ressort ;
En la forme : Reçoit la SA CIM-Congo en son action, de même que la liquidation CIM-Congo et la Compagnie Congolaise des Ciments dite 3C en leur intervention volontaire ;
Au fond :
-Fait défenses à exécution provisoire du Jugement rendu le 27 décembre 2005 par le Tribunal de commerce de Brazzaville et ayant désigné un organe liquidateur de la SA CIM-Congo à la requête de la liquidation SIACIC ;
-Met les dépens à la charge de la liquidation SIACIC, la liquidation CIM-Congo, la Compagnie Congolaise des Ciments dite 3C » ;
Les requérantes invoquent à l’appui de leur pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure que le Tribunal de commerce de Brazzaville, au Congo, sur saisine de la liquidation SIACIC, aux fins de prononcer la dissolution de la société CIM-Congo a, statuant à bref délai comme l’exige l’article 223 de l’Acte uniforme relatif au Droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, prononcé, conformément aux réquisitions du Ministère public, la dissolution de la société CIM-Congo ; que ledit Tribunal, par Jugement n° 700 du 27 décembre 2005, a retenu trois causes de dissolution :
1°) la sortie de l’actionnaire Etat congolais du capital de CIM-Congo matérialisée par une correspondance du 21 février 2005 adressée à son coactionnaire, justifiant ainsi la mésentente entre eux ;
2°) la perte des silos à ciment, actif essentiel à la réalisation de l’objet social de la société CIM-Congo ;
3°) la perte de moitié de son capital et la non tenue dans les délais d’une réunion à l’effet de se prononcer sur la dissolution anticipée ou non de la société ;
Attendu que selon les requérantes « la dissolution de la société CIM-Congo ayant été prononcée le 27 décembre 2005, celle-ci a, nonobstant les dispositions précitées de l’article 224 de l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales, relevé appel et déposé une requête spéciale aux fins de défense à exécution, prétextant que la décision susénoncée aurait été rendue en violation des droits de la défense, occultant le fait que le ministère public, garant de l’ordre public, présent à l’audience et ayant pris des réquisitions orales allant dans le sens de la dissolution de CIM-Congo, n’a pas relevé le moyen dont se prévaut aujourd’hui CIM-Congo pour contester sa mise en dissolution ; que c’est ainsi que la Cour d’appel de Brazzaville, saisie par CIM-Congo, par requête spéciale aux fins de défense à exécution a, par décision en date du 28 février 2006, fait défense à exécution, faisant fi des dispositions pertinentes de l’Acte uniforme précité ; que cet arrêt encourt donc la cassation pour les moyens qui seront développés ci-après » ;
Attendu que la société CIM-Congo SA défenderesse au pourvoi qui a régulièrement reçu la signification du recours en cassation devant la Cour de céans, n’a produit aucun mémoire ; qu’il convient dès lors de statuer en l’état ;
Sur le premier moyen
Attendu que le pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les articles 212 et 224 de l’Acte uniforme relatif au Droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique « en ce qu’en cause d’appel, les requérants ont soulevé l’irrecevabilité de la requête spéciale de CIM-Congo ; que d’une part, ils ont relevé le moyen selon lequel aux termes de l’article 212 de l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales, « ni la société, ni les tirés ne peuvent, pour se soustraire à leurs engagements, se prévaloir d’une irrégularité dans la nomination ou dans la révocation du liquidateur dès lors que celle-ci a été régulièrement publiée » ; d’autre part, ils ont soutenu que selon l’article 224 de l’Acte uniforme précité, les « pouvoirs du Conseil d’Administration de l’Administrateur général ou des gérants prennent fin à dater de la décision de justice qui ordonne la liquidation de la société » ; que la Cour d’appel n’a pas répondu à ces conclusions et est passée outre les dispositions précitées dont l’application ne pouvait que rendre irrecevable la requête déposée par Maître Claude Joël PAKA pour le compte de CIM-Congo agissant sur poursuites et diligences de son Administrateur général ; qu’en ne répondant pas à la question de droit posée sur la recevabilité du recours de la société CIM-Congo sur le fondement des dispositions précitées du droit communautaire, la décision de la Cour d’appel devra être cassée sur ce premier moyen » ;
Attendu qu’aux termes de l’article 212 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du Groupement d’intérêt économique, « L’acte de nomination du liquidateur est publié dans les conditions et délai fixés à l’article 266 du présent Acte uniforme ; la nomination et la révocation du liquidateur ne sont opposables aux tiers qu’à compter de cette publication ; ni la société, ni les tiers ne peuvent, pour se soustraire à leurs engagements, se prévaloir d’une irrégularité dans la nomination ou dans la révocation du liquidateur, dès lors que celle-ci a été régulièrement publiée » ; que l’article 224 du même Acte uniforme dispose : « les pouvoirs du Conseil d’Administration, de l’Administrateur général ou des gérants prennent fin à dater de la décision de justice qui a ordonné la liquidation de la société » ; qu’en application des dispositions qui précèdent, il convient de constater que les pouvoirs des administrateurs pouvant engager la société cessent dès le prononcé de la décision ; qu’il en résulte que c’est à tort que la Cour d’appel de Brazzaville a jugé recevable une requête aux fins de défense à exécution déposée par un mandataire de justice agissant pour le compte de la société mise en liquidation ; que ce faisant, elle a violé les dispositions des articles 212 et 224 précités ; qu’il convient de casser son arrêt et d’évoquer, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le deuxième moyen ;
Sur l’évocation
Attendu que la société CIM-Congo appelante allègue que le 25 décembre 2005, elle a été notifiée par le greffe du Tribunal de commerce de Brazzaville d’une assignation à comparaître à la « diligence du Syndic SIACIC pour s’entendre obtenir la liquidation de la société anonyme CIM-Congo sans délais et désigner un liquidateur pour procéder aux actes de liquidation et assortir la décision à venir de l’exécution provisoire ; que contre toute attente, le Tribunal de commerce de Brazzaville a rendu le jour même à 10 heures sur le siège un jugement réputé contradictoire sans qu’elle puisse présenter ses moyens de défense ; qu’ainsi, l’exécution de cette décision assortie de l’exécution provisoire risque de créer un préjudice commercial irréparable ; qu’il convient donc de faire droit à la requête spéciale aux fins de défense à exécution provisoire sollicitée » ;
Attendu qu’en réplique, le syndic liquidateur de la SIACIC conclut à l’irrecevabilité de la requête spéciale sur le fondement de l’article 212 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ; qu’il précise qu’à compter de la publication de l’acte de nomination du liquidateur ni la société, ni les tiers ne peuvent se soustraire à leurs engagements, se prévaloir d’une irrégularité dans la nomination ou dans la révocation du liquidateur ;
Attendu que la liquidation CIM Congo, intervenante volontaire sollicite, qu’il soit déclaré irrecevable l’action en défense à exécution provisoire du jugement de liquidation, en application de l’article 224 de l’Acte uniforme susmentionné disposant que les pouvoirs du conseil d’Administration, de l’administrateur général ou des gérants prennent fin à dater de la décision qui ordonne la liquidation de la société ; qu’après la décision de liquidation, la société anonyme CIM Congo ne peut engager une quelconque action, seule réservée aux actionnaires ;
Attendu également que la Compagnie Congolaise des Ciments dite 3C, intervenante volontaire, a d’abord conclu sur le bien fondé de son intervention volontaire et, par application des dispositions de l’article 217 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif qui dispose que les décisions rendues en matière de redressement judiciaire ou de liquidation de biens sont exécutoires par provision nonobstant l’opposition ou l’appel, demande à la Cour d’appel de ne pas faire droit à la requête spéciale ;
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux sur le fondement desquels l’arrêt attaqué a été cassé, il y a lieu de constater que la Cour d’appel de Brazzaville n’a pas répondu aux conclusions des demanderesses au pourvoi, fondées sur la violation des articles 212 et 224 de l’Acte uniforme relatif au Droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ; de dire et juger que la décision contre laquelle a été exercée la défense à exécution sortira son plein et entier effet ;
Attendu que la Société CIM-Congo SA ayant succombé, doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’Arrêt n° 30 rendu le 28 février 2006 par la Cour d’appel de Brazzaville ;
Evoquant ;
Dit que le Jugement n° 700 rendu le 27 décembre 2005 par le Tribunal de commerce de Brazzaville sortira son plein et entier effet ;
Condamne la société CIM-Congo SA, défenderesse au pourvoi, aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé.
Le Président
Le Greffier