ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Deuxième Chambre

Audience Publique du 03 juillet 2008

Pourvoi : n° 002/2004/PC du 15 janvier 2004

Affaire : Société METALUX SARL

                (Conseils : Maîtres Mamadou Tounkara, Baber Gano et Mohamadou Traoré,

                        Avocats à la Cour)

                                   contre

      Cheick Basse

                (Conseils : Etude « Youba », Avocats à la Cour)         

ARRET N°032/2008 du 03 juillet 2008

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 03 juillet 2008 où étaient présents :

 

Messieurs Antoine Joachim OLIVEIRA,          Président                                                   Doumssinrinmbaye BAHDJE,                         Juge, rapporteur

Boubacar DICKO,                                      Juge

et  Maître Paul LENDONGO,                          Greffier en chef  ;

 

1°) Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire Société Métalux SARL représentée par Monsieur Mamadou SOW contre Monsieur Cheick Basse, par Arrêt n° 287 du 15 décembre 2003 de la Cour Suprême du Mali, Chambre judiciaire, formation civile, saisie d’un pourvoi initié par Acte n° 161 fait au greffe le 23 mai 2003 par Maître Mahamadou TRAORE, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de la Société Métalux SARL représentée par son gérant, Monsieur Mamadou SOW, laquelle société ayant son siège social à Bamako, dans la cause l’opposant à Monsieur Cheick BASSE ayant pour Conseil l’étude « Youba », immeuble Mama Ouleye, route de Koulikoro Djélibougou, Rue 303, porte 121, B.P. 705 Bamako ; en cassation  de l’Arrêt n° 132 rendu le 23 mai 2003 par la Cour d’appel de Bamako et dont le dispositif est le suivant :

 

« Contradictoirement,

En la forme : Reçoit l’appel interjeté ;

Au fond : Infirme l’ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau :

Constate que suivant acte extrajudiciaire en date du 15 janvier 2002, Cheik BASSE a notifié à l’intimé sa décision de résilier le bail les liant pour compter de juin 2002 ;

Ordonne alors l’expulsion de Mamadou SOW de tous occupants de son chef ;

Met les dépens à la charge de l’intimé » ;

 

2°) Sur le pourvoi enregistré à la même date du 15 janvier 2004 au greffe de la Cour de céans sous le même numéro 002/2004/PC et formé par maîtres Mamadou TOUNKARA, Avocat à la Cour (SCP DOUMBIA-TOUNKARA BP E 151) ; Baber Gano, Avocat à la Cour (Cabinet SEYE) ; Mahamadou TRAORE, Avocat à la Cour, 1095, Avenue de la Nation, Bamako-Coura, BP. 3130, élisant domicile en l’étude de Maître Fadika Coulibaly Fatou, SCPA « Paris Village », 11, Rue Paris Village, 01 B.P. 5796 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la Société Métalux SARL ayant son siège social à Bamako et représentée par Monsieur Mamadou SOW, son gérant, dans la cause l’opposant à Monsieur Cheick BASSE, ayant pour conseil l’étude « Youba », immeuble Mama Ouleye, route de Koulikoro Djélibougou, Rue 303, porte 121, B.P. 705 Bamako,en cassation  du même Arrêt n° 132, rendu le 23 mai 2003 par la Cour d’appel de Bamako tel que mentionné ci-dessus.

 

Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête de pourvoi en cassation annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE ;

 

Vu les dispositions des articles 13,  14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu que l’affaire, objet du renvoi devant la Cour de céans et du pourvoi devant la même juridiction est la même puisque concernant les mêmes parties et ayant le même objet : la cassation de l’Arrêt n° 132 de la Cour d’appel de Bamako du 23 mai 2003 ; qu’il convient par conséquent de joindre les deux dossiers pour être statué par une seule et même décision ;

 

Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure que par acte en date du 08 janvier 1999, la Société Métalux SARL, prise en la personne de son gérant, Monsieur Mamadou SOW, a contracté un bail à usage commercial avec Monsieur Cheick Basse, représenté par Monsieur Fodé BASSE ; que le bail a été conclu pour une durée de trois ans, renouvelable par tacite reconduction, et moyennant un loyer mensuel de 60.000 francs CFA ; que ledit contrat étant arrivé à expiration le 04 juin 2002, le 19 juillet 2002, Monsieur Cheick Basse, représenté par Monsieur Fodé BASSE, a saisi le Président du Tribunal de la Commune III du District de Bamako, Juge des référés, aux fins d’expulser la Société Métalux SARL de ses locaux ; que par Ordonnance de référé n° 138/PTPI III du 29 juillet 2002, le susnommé a été débouté de sa demande ; que le 17 décembre 2002, il a introduit une autre demande devant le même juge et tendant aux mêmes fins : l’expulsion de la Société Métalux SARL représentée par son gérant, Monsieur Mamadou SOW ; qu’à nouveau, le même juge l’a débouté de toutes ses demandes suivant Ordonnance n° 06 en date du 13 janvier 2003 ; que par acte n° 07 du  13 janvier 2003, Maître Salif SANOGO pour Monsieur Cheick Basse, a relevé appel de ladite ordonnance ; que le 23 mai 2003, la Chambre des référés de la Cour d’appel de Bamako, par Arrêt n° 132, a infirmé l’ordonnance entreprise et ordonné l’expulsion de Monsieur Mamadou SOW du fond litigieux ; que ce dernier s’est pourvu en cassation contre ledit arrêt devant la Cour Suprême du Mali qui, à son tour, s’est dessaisie du dossier de l’affaire au profit de la Cour de céans, laquelle a été ensuite directement saisie du même recours par Monsieur Mamadou SOW lui-même ;

 

Sur la première branche du moyen

 

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 91 de l’Acte uniforme portant sur le Droit commercial général en ce que, la Cour d’appel a manqué d’inspiration en accédant à la demande d’expulsion de la Société Métalux qui a pour gérant Monsieur Mamadou SOW, demande présentée par Monsieur Cheick Basse ; que ladite société ayant exploité les locaux loués depuis plus de deux ans, ne devait être perturbée de cette manière dans la réalisation de ses objectifs ; qu’en réservant donc une suite favorable à la demande d’expulsion faite par Monsieur Cheick Basse, l’arrêt incriminé a violé la loi et mérite de ce fait d’être cassé ;

 

Mais attendu qu’aux termes de l’article 91 de l’Acte uniforme portant sur le Droit commercial général, « le droit au renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée est acquis au preneur qui justifie avoir exploité conformément aux stipulations du bail, l’activité prévue à celui-ci, pendant une durée minimale de deux ans » ; que l’article 92 du même Acte uniforme prescrit que « Dans le cas du bail à durée déterminée, le preneur qui a droit au renouvellement de son bail, en vertu de l’article 91 ci-dessus, peut demander le renouvellement de celui-ci par acte extrajudiciaire, au plus tard, trois mois avant la date d’expiration du bail. Le preneur qui n’a pas formé sa demande de renouvellement dans ce délai est déchu du droit au renouvellement du bail » ; qu’en l’espèce, il ressort des écritures que la Société Métalux SARL représentée par Monsieur Mamadou SOW, son gérant, a exploité les locaux à lui loués pendant plus de deux ans et avait, de ce fait, droit au renouvellement du bail, conformément à l’article 91 suscité ; que cependant, en application de l’article 92 susénoncé, il appartenait au preneur de demander le renouvellement du bail, par acte extrajudiciaire, trois mois avant la date d’expiration dudit bail ; que pour ne l’avoir pas fait, il se trouve déchu de son droit au renouvellement du bail ; qu’en considération de ce qui précède, la Cour d’appel, qui a ordonné l’expulsion de la Société Métalux SARL dont le gérant est Monsieur Mamadou SOW des locaux loués n’a, en rien, violé l’article 91 suscité ; d’où il suit que cette branche du moyen doit être rejetée, parce que non fondée ;

 

Sur la deuxième branche du moyen

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 94 du même Acte uniforme susvisé en ce que les juges de la Cour d’appel ont ordonné l’expulsion de la Société Métalux SARL dont le gérant est Monsieur Mamadou SOW, en violation dudit texte qui dispose que « le bailleur peut s’opposer au droit au renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée en réglant au locataire une indemnité d’éviction ; que pour n’avoir pas obligé le propriétaire des locaux loués à verser au locataire une indemnité d’éviction, l’arrêt incriminé a fait preuve d’une « très grave légèreté » et mérite d’être cassé pour cela ;

 

Mais attendu, d’une part, que la requérante qui n’a pas engagé en temps opportun la procédure du droit au renouvellement du bail se trouve déchu du droit de réclamer une indemnité d’éviction ; que, d’autre part, c’est après avoir souverainement apprécié les éléments du dossier que les juges d’appel ont ordonné l’expulsion de la Métalux SARL dont le gérant est Monsieur Mamadou SOW des locaux loués ; qu’il suit que cette branche du moyen doit également être rejetée parce que non fondée ;

 

Sur la troisième branche du moyen

Attendu que le pourvoi reproche à l’arrêt déféré d’avoir violé l’article 101, alinéas 2 et 3 de l’Acte uniforme portant sur le Droit commercial général en ce qu’il est ainsi motivé : « Considérant que par un acte extrajudiciaire en date du 15 janvier, Cheick Basse a notifié à l’intimé sa décision de résilier le bail les liant pour compter de juin 2002 ; qu’il y a lieu dès lors d’infirmer l’ordonnance entreprise et statuant à nouveau ordonner l’expulsion de Monsieur Mamadou SOW tant de sa personne que de tous les occupants de son chef » ; que cette façon de faire, selon le requérant, viole l’article 101 susmentionné, « car il ressort de l’acte de mise en demeure servi à Monsieur Mamadou SOW, que le bailleur manifestait simplement son intention de ne pas renouveler le contrat de bail ; que cette mise en demeure est contraire à l’article 101 susmentionné et fait que l’arrêt querellé, manquant de base légale, doit être cassé » ;

 

Mais attendu qu’aux termes de l’article 101 susmentionné, « le preneur est tenu de payer le loyer et de respecter les clauses et conditions du bail ; qu’à défaut de paiement du loyer ou en cas d’inexécution d’une clause du bail, le bailleur pourra demander à la juridiction compétente la résiliation du bail et l’expulsion du preneur, et de tous occupants de son chef, après avoir fait délivrer, par acte extrajudiciaire, une mise en demeure d’avoir à respecter les clauses et conditions du bail » ; que ledit texte ne peut s’appliquer que si l’une des parties contractantes ne respecte pas les clauses et conditions du bail, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ; d’où il suit que le moyen tiré de la violation de l’article 101 de l’Acte uniforme susvisé est inopérant et que la Cour d’appel, en ordonnant l’expulsion de la Société Métalux SARL ayant pour gérant Monsieur Mamadou SOW des locaux loués, n’a pas violé la loi ; qu’en conséquence, cette branche du moyen doit également être rejetée, parce que non fondée ;

 

Attendu que la Société Métalux SARL représentée par Monsieur Mamadou SOW, son gérant,  ayant succombé, doit être condamnée aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Rejette le pourvoi formé par Monsieur Mamadou SOW, gérant de la Société Métalux SARL contre l’Arrêt n° 132 rendu le 23 mai 2003 par la Cour d’appel de Bamako ;

Condamne la requérante aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et  an  que dessus et ont signé.

 

 

Le Président

 Le Greffier en chef