ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Première chambre 

Audience publique du 31 mai 2007

Pourvoi : n° 081/2004/PC du 26 juillet 2004

Affaire : WAGUE BOCAR                  

                           (Conseil: Maître MOBIOT D. GABIN, Avocat à la Cour)

                         contre

               Société Ivoirienne de Ciments et Matériaux en Côte d’Ivoire dite                   

                  SOCIMAT-CI  

                 (Conseils: La SCPA KONAN et FOLQUET, Avocats à la Cour)

ARRET N° 024/2007 du 31 mai 2007

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 31 mai 2007 où étaient présents :

 

Messieurs Jacques M’BOSSO,                       Président

Maïnassara MAIDAGI,                  Juge

Biquezil NAMBAK,                       Juge, rapporteur

 

et Maître  ASSIEHUE Acka,           Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n°081/2004/PC du 26 juillet 2004 et formé par Maître MOBIOT D. GABIN J. M, Avocat à la Cour, demeurant Boulevard Giscard d’Estaing, Immeuble DROCOLOR, Zone 3, Treichville, 1er étage (mezzanine), 05 BP 1392 Abidjan 05, agissant au nom et pour le compte de WAGUE BOCAR, de nationalité mauritanienne, commerçant demeurant à Bouaké, 01 BP 437 Bouaké 01, dans une cause l’opposant à la SOCIMAT-CI, société anonyme, dont le siège social est sis à Abidjan, Boulevard du Port, 01 BP 887 Abidjan 01, ayant pour conseils la SCPA KONAN & FOLQUET, Avocats à la Cour, demeurant 13, impasse Paris Village, 1er étage, Aile gauche, 01 B.P. 8157 Abidjan 01, en cassation de l’Arrêt n° 1022 rendu le 18 juillet 2003 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile, commerciale et en dernier ressort ;

Vu l’arrêt avant dire droit n°705 du 02 juin 2000 ;

Vu les procès-verbaux de mise en état ;

Déclare WAGUE BOCAR mal fondé en son appel ;

L’en déboute ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Condamne l’appelant aux dépens » ;

Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête de pourvoi en cassation annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur le Juge Biquezil NAMBAK ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que par Jugement n° 202 rendu le 17 mars 1999 par le Tribunal de première instance d’Abidjan, WAGUE BOCAR a été condamné à payer à la SOCIMAT-CI la somme de 9.497.210 FCFA qui constituerait le reliquat résultant du règlement partiel des livraisons de ciment effectuées à celui-ci de mars à juin 1987 et de janvier à juin 1988 d’un montant total de 23.699.085 FCFA ; que sur appel de WAGUE BOCAR, la Cour d’appel d’Abidjan a, par Arrêt n°1022 du 18 juillet 2003, dont pourvoi,  confirmé ledit jugement en toutes ses dispositions ;

 

 Sur la compétence de la Cour   

Vu les articles 14, alinéas 1 et 3 du Traité susvisé et 205 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général ;

 

Attendu que la SOCIMAT-CI, défenderesse, soulève in limine litis l’incompétence de la Cour de céans à connaître du présent pourvoi aux motifs, d’une part, que l’article 205 de l’Acte uniforme susvisé renvoie uniquement aux dispositions de droit commun et à la coutume ; que les textes concernant les preuves notamment les articles 1315 et 1332 du code civil ivoirien, censés avoir été violés, ne font pas partie de ceux dont la violation par des juridictions d’appel nationales est portée devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ; que, d’autre part, ledit Acte uniforme est entré en vigueur après la fin des relations commerciales entre les parties, les factures dont le paiement est réclamé datant de mars à juin 1987 et de janvier à juin 1988 ; qu’il s’en déduit que les relations des parties ont été gouvernées par des lois autres que les Actes uniformes ;

 

Attendu que les articles 14, alinéas 1 et 3 du Traité et 205 de l’Acte uniforme susvisés disposent respectivement que « la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage assure dans les Etats parties l’interprétation et l’application commune du présent Traité, des Règlements pris pour son application et des Actes uniformes.

Saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales » et « outre les dispositions du présent Livre, la vente commerciale est soumise aux règles du droit commun. » ;

 

Attendu que le présent pourvoi soulève des questions relatives à la vente commerciale régie par l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général ; qu’aux termes de l’article 205 dudit Acte uniforme, les dispositions du Livre V de celui-ci relatif à la vente commerciale incluent expressément les dispositions du droit interne de tout Etat partie en cas de silence de l’Acte uniforme sur des questions traitées ; que tel est le cas en ce qui concerne les preuves en matière de vente commerciale, lesquelles sont régies notamment en Côte d’Ivoire, Etat partie, par les articles 1315 et 1332 du code civil ; qu’à la date de l’exploit introductif d’instance, à savoir le 23 janvier 1998, l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, entré en vigueur le 1er janvier 1998, avait déjà intégré l’ordonnancement juridique de la Côte d’Ivoire et était applicable de ce fait ; que s’agissant en l’espèce de l’interprétation et/ou de l’application d’un Acte uniforme à la date de l’exploit introductif d’instance, la Cour de céans est compétente pour en connaître conformément aux dispositions susénoncées de l’article 14 du Traité susvisé ; qu’il suit que l’exception d’incompétence soulevée n’est pas fondée et doit être rejetée ;

 

 Sur le moyen unique

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué « un défaut de base légale tenant en l’insuffisance de recherche de tous les éléments de fait qui justifient l’application de la loi » en ce que la Cour d’appel a estimé « que WAGUE BOCAR ne saurait dès lors par de simples dénégations corroborées par aucun commencement de preuve s’opposer au paiement de la somme de 93.497.210 F CFA à lui justement réclamée par la SOCIMAT » alors que, selon le moyen, « l’exposant a produit divers reçus établissant qu’il a payé la somme de 23.311.750 F CFA sur la somme totale réclamée de 23.699.085 F CFA » ; que ce faisant, toujours selon le moyen, « la Cour d’appel a insuffisamment recherché tous les éléments de fait qui justifiaient l’application de la loi et donc la condamnation de l’exposant à la seule somme de 387.335 F et sa décision encourt cassation pour défaut de base légale » ;

 

Mais attendu qu’avant de statuer sur le fond par l’arrêt attaqué, la Cour d’appel d’Abidjan avait, par son Arrêt avant dire droit n° 705 du 02 juin 2002, ordonné la mise en état de « la procédure » ; que ladite mise en état a été constatée par procès-verbal en date du 11 avril 2003 et par une ordonnance de clôture à la même date susdite ; que statuant sur le fond, la Cour d’appel d’Abidjan a considéré « que la mise en état a permis d’établir que les contestations élevées par WAGUE BOCAR à propos aussi bien du montant de la créance à lui réclamée que des pièces justifiant l’existence de celle-ci ne sont pas sérieuses ; qu’en effet, il est apparu que dans ses relations avec la Société SOCIMAT, les bons de livraison, qui étaient émis à sa propre demande, étaient suivis après la livraison des marchandises des factures correspondantes qui lui étaient expédiées par l’intermédiaire des commerciaux et qu’il avait la possibilité de l’en contester s’il estimait qu’elles ne reflétaient aucune livraison réelle ; que par ailleurs, il est établi qu’il avait droit à un relevé des factures retraçant l’état des livraisons de la période concernée ; que connaissant parfaitement les usages en la matière et sachant qu’il avait le droit de réclamer sa facture s’il ne la recevait pas au bout de 60 jours tel que stipulé dans la convention les liant, WAGUE BOCAR ne saurait dès lors par de simples dénégations corroborées par aucun commencement de preuve s’opposer au paiement de la somme de 9.497.210 F CFA à lui justement réclamée » ; qu’ainsi, en déclarant l’appel de WAGUE BOCAR mal fondé après avoir pris au préalable toutes les mesures d’instruction destinées à vérifier la réalité des faits et les preuves, et en confirmant en toutes ses dispositions le jugement entrepris, la Cour d’appel d’Abidjan a suffisamment recherché les éléments de fait qui justifiaient l’application de la loi et donné une base légale à sa décision ; qu’il suit que le moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;

 

 

Attendu que Monsieur WAGUE BOCAR ayant succombé, il échet de le condamner aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Se déclare compétente ;

Rejette le pourvoi formé par Monsieur WAGUE BOCAR ;

Le condamne aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et  an  que dessus et ont signé :

 

 

 

Le Président

Le Greffier