ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Audience Publique du 18 avril 2002

Affaire :  HALAOUI ISSAM RACHED

              (Conseils : SCPA KANGA-OLAYE et Associés,

                 Avocats à la Cour)

     Contre

                 La Compagnie Industrielle de Diffusion et d’Engineering

       dite CIDE SARL

                (Conseil : Maître YAO Michel, Avocat à la Cour)                                

ARRET N°  014/2002 du  18 avril 2002

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ( C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires ( O.H.A.D.A ) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 18 avril 2002 où étaient présents :

 

Messieurs      Seydou BA,                         Président

Jacques M’BOSSO,               Premier Vice-président, rapporteur

Antoine Joachim OLIVEIRA,    Second Vice-président

Doumssinrinmbaye BAHDJE,     Juge

Maïnassara MAIDAGI,             Juge

Boubacar DICKO,                            Juge

 

et  Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef ;

 

Sur le pourvoi formé par la SCPA KANGA-OLAYE et Associés, Avocats à la Cour, Boulevard Général De Gaulle, Immeuble CORNICHE, Escalier A, 9ème étage, porte 93, 04 B.P. 1975 Abidjan 04, agissant au nom et pour le compte de Monsieur HALAOUI ISSAM Rached,  Entrepreneur de nationalité libanaise demeurant à Abidjan, Banco-Andokoa, 04 BP. 465 Abidjan 04, dans la cause qui l’oppose à la Compagnie Industrielle de Diffusion et d’Engineering, SARL dite CIDE, dont le siège social est à Abidjan, Biétry, Zone 4C, 08 BP. 2407 Abidjan 08, ayant pour conseil Maître YAO Michel, Avocat à la Cour, à Abidjan, y demeurant au Plateau 27, Boulevard Angoulvant, immeuble Clozel, 08 B.P. 1097 Abidjan 08,en cassation de l’Arrêt n° 986 du 30 juillet 1999 de la Cour d’Appel d’Abidjan dont le dispositif est le suivant :

 

« EN LA FORME :

 

Déclare la Société CIDE et HALAOUI ISSAM Rached recevables en leurs appels principal et incident relevé du jugement civil n°70/Civ 4 rendu le 1er février 1999 par le Tribunal d’Abidjan ;

 

AU FOND :

 

Déclare la Société CIDE bien fondée en son appel principal ;

 

En conséquence,

 

  • Infirme en toutes ses dispositions ledit jugement
  • Statuant à nouveau ;
  • Déboute HALAOUI ISSAM Rached de toutes ses demandes ;
  • Le déboute également de son appel incident mal fondé » ;

 

Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation, tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur Jacques M’BOSSO, Premier Vice-Président ;

 

Vu les articles 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu que l’examen des pièces du dossier de la procédure révèle que Monsieur HALAOUI ISSAM Rached, propriétaire de biens immobiliers, a, par l’entremise de son mandataire, Monsieur DAHER Mohamed, conclu le 08 avril 1993 avec la Compagnie Industrielle de Diffusion et d’Engineering dite CIDE Sarl, en quête de locaux commerciaux, un bail par lequel il a donné en location à celle-ci un hangar couvert et des bureaux sis à Abidjan, Biétry, Zone 4C, pour servir à l’exploitation d’activités industrielle et commerciale ; que le bail ainsi conclu avait une durée de deux ans allant du 1er juin 1993 au 31 mai 1995 et comportait une clause de reconduction tacite ainsi libellée : « il sera renouvelé par tacite reconduction d’année en année, sauf dénonciation par l’une ou l’autre des parties sous préavis de trois mois avant chaque échéance » ; qu’à l’expiration de ce premier contrat et nonobstant sa clause de reconduction tacite, les deux parties ont conclu le 15 juin 1995 un second contrat de bail d’une égale durée de deux ans allant du 1er juin 1995 au 31 mai 1997 et comportant une clause de reconduction tacite identique à celle du premier contrat ; que le 12 mai 1998, HALAOUI ISSAM Rached notifia par exploit d’huissier à la CIDE Sarl prise en la personne de son représentant légal Patrick DEBARD la déchéance de son droit au renouvellement du bail pour n’en avoir pas demandé le renouvellement par acte extra-judiciaire au plus tard trois mois avant l’expiration de celui-ci comme le prescrivent les articles 91 et 92 de l’Acte uniforme portant sur le Droit commercial général ; que cette notification de la déchéance de la CIDE de son droit au renouvellement du bail fut suivie d’une sommation, à elle faite, d’avoir à libérer les lieux loués tant de ses biens que de tous occupants de son chef ; qu’en réponse, le représentant légal de la CIDE se déclara « surpris de cette sommation de libérer brutalement un local commercial sans préavis mettant ainsi par voie de conséquence 25 personnes en chômage par arrêt d’activité et la société en grosses difficultés financières » ; que le 05 juin 1998, à la requête de HALAOUI ISSAM Rached, une assignation fut servie par Maître BONI BILE Viviane, huissier de justice, à la CIDE avec citation à comparaître le 15 juin 1998 à 8 heures du matin devant le Tribunal de Première Instance d’Abidjan saisie d’une action en expulsion de la CIDE et en condamnation de celle-ci à payer au requérant une indemnité d’occupation calculée sur la base des loyers dus jusqu’à son départ définitif des lieux loués ; qu’advenue l’audience du 1er février 1999 du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, celui-ci, statuant en matière civile, a, par décision contradictoire, fait  droit à la requête de HALAOUI ISSAM Rached en jugeant que la CIDE est déchue de son droit au renouvellement du bail et en prononçant l’expulsion de celle-ci des lieux qu’elle occupe tant de ses biens que de tous occupants de son chef ; que le jugement ainsi rendu fut signifié le 26 avril 1999 à la CIDE, laquelle interjeta appel par acte d’appel valant premières conclusions en vue de voir ledit jugement infirmé en toutes ses dispositions ; que par Arrêt n° 986 du 30 juillet 1999, dont pourvoi, la Cour d’appel d’Abidjan accéda aux conclusions d’appel de la CIDE ;

 

SUR LES DEUX MOYENS REUNIS :

 

Vu les articles 91 et 92 de l’Acte uniforme susvisé ;

 

Attendu qu’il est fait grief à l’Arrêt attaqué d’avoir fait une mauvaise interprétation aussi bien de la clause du contrat de bail litigieux relative à la durée de celui-ci, que des articles 91 et 92 de l’Acte uniforme portant sur le Droit commercial général qui traitent des conditions d’acquisition et de déchéance du droit au renouvellement du bail commercial, en ce que la Cour d’appel d’Abidjan a motivé sa décision d’infirmation en toutes ses dispositions du jugement ayant prononcé la déchéance de la CIDE de son droit au renouvellement du bail et ordonné son expulsion des lieux loués en faisant observer que le bail litigieux comportait une clause de reconduction tacite, sauf dénonciation dans un délai de trois mois avant chaque échéance et, dans la mesure où le bail, arrivé à expiration le 31 mai 1997, n’a pas été dénoncé par l’une ou l’autre des parties trois mois avant son terme, il s’est donc trouvé renouvelé jusqu’à l’échéance du 31 mai 1999, alors que, selon le requérant, cette clause de renouvellement par tacite reconduction d’année en année voulait dire renouvelable chaque année, ce qui ramenait l’échéance du bail tacite du 1er juin 1997 au 31 mai 1998 ;

 

Attendu qu’il résulte de l’examen des pièces du dossier de la procédure que le requérant HALAOUI ISSAM Rached et la CIDE ont conclu successivement deux contrats de bail à durée déterminée ; que le premier contrat, conclu pour une durée de deux ans allant du 1er juin 1993 au 31 mai 1995, comporte une clause de reconduction tacite ainsi libellée : « il sera renouvelé par tacite reconduction d’année en année, sauf dénonciation par l’une des parties sous préavis de trois mois avant chaque échéance » ; qu’à l’expiration de ce premier contrat et nonobstant sa clause de reconduction tacite, les deux parties ont signé un nouveau contrat de bail d’une égale durée de deux ans allant du 1er juin 1995 au 31 mai 1997 et comportant une clause de reconduction tacite identique à celle du premier contrat ; que conformément à cette clause et à cause de la non dénonciation de ce second bail par l’une ou l’autre des parties trois mois avant son échéance, celui-ci s’est trouvé tacitement reconduit pour une durée qui fait l’objet de contestation ; que le litige opposant le requérant à la CIDE est ainsi né de l’interprétation divergente donnée par chacune des parties à l’expression «….tacite reconduction d’année en année », l’une la considérant comme signifiant renouvelable chaque année et l’autre, comme voulant dire renouvelable pour une durée égale à celle du contrat, objet de la reconduction ;

 

Attendu qu’il est de principe que lorsque les termes des conventions ne sont pas clairs et précis et qu’il y a doute sur leur signification, doute traduit en l’espèce par l’interprétation divergente donnée par chacune des parties à la clause litigieuse, les juges du fond ont le pouvoir de rechercher la commune intention des parties aussi bien dans les termes employés par elles que dans tout comportement ultérieur de nature à la manifester ; que c’est dans l’exercice de ce pouvoir que la Cour d’appel d’Abidjan, en considérant le sens dans lequel la commune volonté des parties s’était déjà exprimée à travers les deux premiers contrats écrits, a estimé que le contrat arrivé à expiration et non dénoncé par l’une ou l’autre des parties trois mois avant son échéance était reconduit jusqu’au 31 mai 1999 ;

 

Attendu qu’en tout état de cause, quelle que soit l’interprétation retenue, le bail conclu entre les parties pour une durée de deux ans, à échéance du 31 mai 1997, a été prorogé jusqu’au 31 mai 1999 par l’application de la clause de tacite reconduction ; qu’en effet, si l’on considère que le renouvellement par tacite reconduction couvre une période de deux années, ce renouvellement prenant effet à compter du 1er juin 1997 arriverait à échéance le 31 mai 1999, et si l’on considère que la reconduction ne devrait couvrir qu’une période d’une année, le contrat de bail ayant été tacitement reconduit le 1er juin 1997 pour l’échéance du 31 mai 1998 a fait tacitement l’objet d’une nouvelle reconduction allant du 1er juin 1998 au 31 mai 1999 pour n’avoir été dénoncé par aucune des parties dans le délai prévu par le contrat, en l’occurrence trois mois avant l’échéance du 31 mai 1998 ; qu’en conséquence, la Cour d’appel n’a pas eu tort d’avoir retenu que le bail était renouvelé jusqu’au 31 mai 1999, même si elle ne s’est pas prononcée de manière explicite sur la durée de la période de chaque tacite reconduction ; que dès lors, ne peut s’appliquer à la CIDE la déchéance du droit au renouvellement du bail prévu par l’article 92 de l’Acte uniforme susvisé qui, au demeurant, ne saurait entraîner automatiquement l’expulsion du preneur payant régulièrement le loyer et respectant les clauses et conditions du bail, contrairement à ce que semble croire le premier juge ; qu’il s’ensuit que les moyens n’étant pas fondés, le pourvoi doit être rejeté ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

  • Rejette le pourvoi de Monsieur HALAOUI ISSAM Rached ;
  • Condamne le requérant aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

 

 

 

 Le Président

Le Greffier en chef