ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Deuxième Chambre

Audience Publique du 27 janvier 2005

POURVOI N° : 086/2003/PC du 23/10/2003

 

AFFAIRE : Société Générale de Banques en COTE D’IVOIRE dite SGBCI

          (Conseils : SCPA KONATE, MOISE-BAZIE & KOYO, Avocats à la Cour)

contre

          Société Générale de Travaux Routiers Agricoles

            et Constructions dite GETRAC

                 (Conseils : Maîtres BOURGOIN & KOUASSI, Avocats à  la Cour)

ARRET N°008/2005 du 27 janvier 2005         

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.),  de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 27 janvier 2005 où étaient  présents :

 

Messieurs Antoine Joachim OLIVEIRA,            Président

Doumssinrinmbaye BAHDJE,                        Juge

Boubacar DICKO,                                      Juge, rapporteur

et  Maître ASSIEHUE Acka,                            Greffier ;

 

Sur le renvoi en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire Société Générale de Banques  en COTE D’IVOIRE dite SGBCI contre Société Générale de Travaux Routiers Agricoles et Constructions dite GETRAC, par Arrêt n°397/03 du 03 juillet 2003 de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE,  chambre judiciaire, formation civile, saisie d’un pourvoi initié le 04 avril 2002 par la SCPA KONATE, MOISE-BAZIE et KOYO, Avocats à la Cour, demeurant 12, ancienne route de Bingerville, rue 32, vieux Cocody, 01 BP 3926 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la Société Générale de Banques en COTE D’IVOIRE, enregistré sous le n°02-128 CIV du 04 avril 2002,en cassation de l’Arrêt n°1015 rendu le 20 juillet 2001 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

En la forme : Vu l’Arrêt ADD n°844 du 08/6/2001 ayant déclaré recevable l’appel de la société GETRAC ;

Vu l’ordonnance de clôture de la mise en état en date du 13/7/2001 ;

Au fond : Annule le jugement entrepris ;

Evoquant

Déclare caduque l’ordonnance querellée en vertu de l’article 7 de l’Acte uniforme portant recouvrement simplifié de créance ;

Met les dépens à la charge de la SGBCI. » ;

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO ;

Vu les dispositions des articles13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que se disant créancière de la Société Générale de Travaux Routiers Agricoles et Constructions dite GETRAC à qui elle déclare avoir octroyé en 1989 un prêt d’un montant de 85.000.000 francs CFA, la Société Générale de Banques en COTE D’IVOIRE dite SGBCI, à l’effet de recouvrer ledit prêt, a saisi le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan d’une requête aux fins d’injonction de payer dirigée à la fois contre GETRAC, débitrice principale, et les époux ROSEMBLUM-Monsieur Simon ROSEMBLUM et Madame ROSEMBLUM Arlette Cohen- cautions personnelles et solidaires de GETRAC pour paiement de la somme totale de 89.862.910 francs CFA représentant, selon elle, « le découvert en compte et les impayés et encours du compte à moyen terme » ; que par Ordonnance n°6896/99 en date du 17 novembre 1999, le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan faisait droit à la requête susindiquée ; que par exploit en date du 08 décembre 1999, GETRAC formait opposition à l’ordonnance précitée devant le Tribunal de première instance d’Abidjan et par Jugement n°468/CIV B2 en date du 26 juin 2000, ledit Tribunal déclarait l’opposition recevable mais mal fondée et restituait à l’Ordonnance n°6896/99, son plein et entier effet ; que par exploit en date du 06 juillet 2000, GETRAC ayant relevé  appel, la Cour d’appel d’Abidjan, par Arrêt n°1015 en date du 20 juillet 2001, après avoir ordonné des mesures d’instruction préalable, annulait le jugement entrepris et, évoquant, déclarait en substance “caduque l’ordonnance querellée…” ; que par exploit en date du 14 avril 2002,  la SGBCI s’est pourvue en cassation devant la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE contre l’arrêt précité ; que  ladite Cour, par Arrêt n°397/03 en date du 03 juillet 2003, s’est dessaisie du dossier de la procédure au profit de la Cour de céans ;

 

Sur le deuxième moyen                        

Vu l’article 7 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

 

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué un défaut de base légale résultant de l’absence, de l’insuffisance, de l’obscurité ou de la contrariété des motifs en ce qu’après avoir annulé le jugement entrepris, la Cour d’appel, statuant par évocation, a motivé sa décision en ces termes : « Considérant qu’en l’espèce, l’ordonnance querellée n’a pas été signifiée aux époux ROSEMBLUM alors que l’article 7 du Traité OHADA susvisé indique que la notification de celle-ci doit être faite à chacun des débiteurs par acte extrajudiciaire et ceci à l’initiative du créancier » ; qu’il est évident, selon la requérante, que la Cour d’appel s’est contentée d’affirmer que l’ordonnance querellée n’a pas été signifiée aux époux ROSEMBLUM sans dire en quoi celle-ci ne l’a pas été puisqu’il apparaît clairement de l’acte de signification en date du 24 novembre 1999 que ladite décision a été signifiée ; qu’il s’agit, selon la requérante,  d’allégations inexactes avancées par la Cour sans motif privant ainsi sa décision de base légale ; que s’appuyant sur cette fausse déduction, selon la requérante, la Cour tire la conséquence que « l’alinéa 2 dudit article précise que la décision est non avenue à défaut de signification dans les trois mois de sa date. Qu’il s’ensuit que l’ordonnance critiquée est caduque pour non respect des dispositions de l’article susvisé » ; qu’une fois de plus, toujours selon la requérante, la Cour d’appel se complait dans une affirmation gratuite lorsqu’elle retient que l’ordonnance est non avenue à défaut de signification alors qu’elle lui reproche seulement de n’avoir pas été signifiée aux époux ROSEMBLUM et non à GETRAC ; qu’il ne pouvait en être autrement puisque la signification à GETRAC n’était pas contestée ; que la Cour, qui n’ignorait pas que l’ordonnance querellée avait été signifiée à GETRAC, ne pouvait valablement dire qu’elle est caduque pour défaut de signification dans les trois mois de sa date ; qu’en l’espèce, l’ordonnance a été rendue le 05 novembre 1999 et signifiée le 24 novembre 1999 c’est-à-dire dans les trois mois de sa date et ce, dans le strict respect des dispositions de l’article 7, alinéa 2, de l’Acte uniforme susvisé ; qu’en déclarant caduque l’ordonnance querellée alors que celle-ci a été signifiée deux semaines seulement après qu’elle ait été rendue, la Cour n’a pas donné de base légale à sa décision ; que celle-ci est d’autant plus privée de base légale qu’elle n’est pas motivée, la Cour ne disant pas en quoi l’ordonnance n’est pas signifiée ; qu’il échet en conséquence d’accueillir le moyen et de casser l’arrêt attaqué ;

 

Attendu que l’article 7 de l’Acte uniforme susvisé énonce : « Une copie certifiée conforme de l’expédition de la requête et de la décision d’injonction de payer délivrée conformément aux dispositions de l’article précédent est signifiée à l’initiative du créancier à chacun des débiteurs par acte extrajudiciaire.

 

La décision portant injonction de payer est non avenue si elle n’a pas été signifiée dans les trois mois de sa date. » ;

 

Attendu en l’espèce qu’ayant annulé le Jugement n°468/CIV B2 rendu le 26 juin 2000 par le Tribunal de première instance d’Abidjan, la Cour d’appel d’Abidjan, évoquant, a déclaré caduque l’Ordonnance d’injonction de payer n°6896/99 rendue le 17 novembre 1999 par le Président du tribunal de première instance d’Abidjan aux motifs que ladite ordonnance « n’a pas été signifiée aux époux ROSEMBLUM alors que l’article 7 [ de l’Acte uniforme susvisé] indique que la notification de celle-ci doit être faite à chacun des débiteurs par acte extrajudiciaire et ceci à l’initiative du créancier. Que l’alinéa 2 dudit article précise que la décision est non avenue à défaut de signification dans les trois mois de sa date. Qu’il s’ensuit que l’ordonnance critiquée est caduque pour non respect des dispositions de l’article susvisé » ;

 

Attendu que si aux termes de l’alinéa 1 de l’article 7 susénoncé de l’Acte uniforme susvisé, la décision d’injonction de payer est signifiée à l’initiative du créancier à chacun des débiteurs par acte extrajudiciaire, il ressort toutefois de l’alinéa 2 du même article que ladite décision ne peut être déclarée non avenue ou caduque que si elle a été signifiée hors le délai que cet alinéa a fixé ; que ce n’est donc pas le défaut de signification de la décision à un débiteur mais plutôt l’inobservation du délai susévoqué qui est sanctionnée de caducité par la disposition précitée ; qu’il s’ensuit qu’en considérant que « l’ordonnance critiquée est caduque pour non respect de l’article [7]susvisé » au motif que celle-ci « n’a pas été signifiée aux époux ROSEMBLUM » alors, d’une part, que figure pourtant au dossier de la procédure un exploit en date du 24 novembre 1999 de Maître KOUAME BOUSSOU Joséphine, Huissier de justice près la Cour d’appel et le Tribunal de première instance d’Abidjan agissant à la requête de la SGBCI, dont les mentions font apparaître que ladite ordonnance a été signifiée aux susnommés en leur domicile, alors, d’autre part, qu’elle ne précise pas en quoi la caducité qu’elle a prononcée était en l’occurrence caractérisée quant au respect du délai de signification fixé à l’alinéa 2 de l’article 7 de l’Acte uniforme susvisé et  alors, par ailleurs, qu’elle ne précise pas davantage en quoi ladite ordonnance devait être signifiée aux époux ROSEMBLUM lesquels, quoique codébiteurs et cautions personnelles et solidaires de GETRAC, débitrice principale, n’étaient ni appelants ni parties jointes à l’instance d’appel initiée uniquement par cette dernière, la Cour d’appel, en statuant comme elle l’a fait, n’a pas légalement justifié sa décision ; qu’il échet en conséquence de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le premier  moyen ;

 

Sur l’évocation

Attendu que par exploit en date du 06 juillet 2000, la Société Générale de Travaux Routiers Agricoles et Constructions dite GETRAC a relevé appel du Jugement n°468/CIV B2 rendu le 05 juin 2000 par le Tribunal de première instance d’Abidjan et dont le dispositif est ainsi conçu : « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en premier ressort :

 

  • Déclare l’opposition recevable mais mal fondée ;

 

  • Restitue à l’Ordonnance n°6896/99 du 17/11/99 son plein et entier effet ;

 

  • Condamne la demanderesse aux entiers dépens. » ;

 

Attendu qu’au soutien de son appel, GETRAC a déclaré qu’elle reconnaît avoir bénéficié d’un prêt d’un montant de 85.000.000 de francs CFA de la part de la SGBCI ; qu’elle affirme cependant avoir remboursé intégralement ledit prêt et cela conformément au tableau d’amortissement souscrit avec la SGBCI ; que les échéances devant être réglées par le débit de son compte n°11633078935, au terme convenu dans le tableau d’amortissement dudit prêt, le compte précité avait un solde créditeur de 744.728 francs CFA ; que si ces échéances n’avaient pas été réglées comme le soutient la SGBCI, le solde du compte aurait été débiteur, à l’échéance du prêt, du montant total des échéances impayées, ce qui manifestement n’est pas le cas en l’espèce, les relevés de compte des exercices clos au 30 septembre 1993, 1994 et 1995 faisant respectivement apparaître des soldes débiteurs de 979.841 francs CFA, 1.017.464 francs CFA et 1.261.214 francs CFA au lieu du montant des prétendues échéances impayées qui seraient toujours dues par l’appelante ; que, « de façon tout à fait curieuse et inexplicable », son solde   au 30 septembre 1996 fait apparaître un solde débiteur de 87.926.696 francs CFA qui, selon la SGBCI, serait le montant total des échéances impayées du prêt dont elle a bénéficié en 1989 ; qu’il est surprenant que ce soit quatre ans après la date de règlement de la dernière échéance que son compte soit débiteur des échéances impayées du prêt de 85.000.000 francs CFA ; qu’au demeurant, la SGBCI, qui reconnaît avoir prélevé six échéances aux dates convenues sur ledit compte, tente d’expliquer ce décalage par le fait qu’il aurait été convenu entre elles que le compte précité sur lequel les échéances du prêt seraient débitées devrait fonctionner uniquement en situation créditrice ; que la preuve de cet accord n’est pas rapportée ; qu’il ressort clairement des relevés de comptes des années 1992, 1993, 1994 et 1995, qu’elle a intégralement réglé les échéances du prêt à elle accordé puisque les prétendues échéances n’apparaissent pas sur les relevés de cette période ; qu’en tout état de cause, le Tribunal aurait dû tenir compte des échéances dont le montant s’élève à la somme de 17.406.721 francs CFA que la SGBCI a reconnu avoir prélevé ; que par conséquent, il plaira à la Cour d’appel de rétracter purement et simplement l’ordonnance d’injonction de payer n°6896/99 ; que si, par extraordinaire, la Cour concluait qu’elle n’avait pas remboursé l’intégralité de sa dette, elle dira cependant que la procédure d’injonction de payer ne peut être utilisée pour en assurer le recouvrement car les conditions de l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ne sont pas réunies ; qu’en effet, les parties avaient convenu que le remboursement des échéances du prêt se ferait par le débit du compte n°11633078935 qui est un compte courant ; que la particularité du compte courant réside dans le fait que c’est à la clôture de celui-ci que le solde est réglé par les parties ; que la clôture du compte courant se fait selon un formalisme bien établi, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée par la partie qui prend l’initiative de la clôture du compte ; que la SGBCI a certes produit des relevés de compte mais ne rapporte nullement la preuve de la clôture du compte courant sur lequel devaient être débitées les échéances du prêt ; que le compte courant n’ayant pas été clôturé, le montant cumulé des échéances impayées du prêt, bien qu’ayant une cause contractuelle, n’est pas une créance certaine, liquide et exigible et ne peut donc être poursuivie selon la procédure de recouvrement simplifiée de créance et notamment par la voie de l’injonction de payer ; que le Tribunal, en faisant droit à la requête aux fins d’injonction de payer de la SGBCI, a méconnu l’article 1er de l’Acte uniforme précité ; que cette ordonnance doit être rétractée purement et simplement ; qu’il  y a lieu d’infirmer le jugement querellé et rétracter l’ordonnance n°6896/99 du 17 novembre 1999 pour violation de l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

 

Attendu que pour sa part, dans ses conclusions en appel en date du 10 octobre 2000, la SGBCI fait observer que GETRAC ne nie ni ne disconvient avoir bénéficié auprès d’elle d’un prêt d’un montant de 85.000.000 francs CFA dont la mise en place s’est effectuée le 27 avril 1989 et pour lequel les deux parties avaient convenu que les échéances seraient réglées par le débit du compte n°11633078935 ; que pour démontrer qu’elle a procédé au remboursement intégral de la somme prêtée, il appartient à GETRAC d’établir qu’elle a régulièrement payé les 36 échéances de 2.911.295 francs CFA chacune tel qu’il ressort de sa demande de crédit à moyen terme  en date du 13 avril 1989, soit en prouvant que le compte précité a été strictement débité desdites échéances comme prévu, soit en prouvant qu’elle a effectué le remboursement par le truchement d’autres moyens de paiement appuyés de justificatifs ; que la charge de la preuve lui incombant en application de l’article 1315 du code civil, elle ne peut se contenter d’assertions non soutenues de justificatifs certains et décisifs ; que la Cour, en tout état de cause, ne peut se satisfaire de simples affirmations et dira qu’elles n’ont aucune force probante ; que d’ailleurs, elle constatera que les justificatifs produits par la banque annihilent les moyens avancés par GETRAC ; qu’en effet, il est constant que la SGBCI a démontré et établi, pièces à l’appui, que le remboursement du prêt n’a pas été effectué ; qu’en tout et pour tout seulement six échéances ont été payées, à savoir les échéances 1, 2, 3, 4, 5 et 14 et que même pour quelques unes, le compte a dû être forcé  c’est-à-dire que l’échéance a été réglée alors que le compte était en position débitrice ; qu’elle prie donc respectueusement la Cour de bien vouloir considérer comme intégralement reprises devant elle ses écritures prises en première instance desquelles il résulte que GETRAC n’a en aucune façon remboursé la totalité du prêt de 85.000.000 francs CFA ; qu’elle est redevable à la banque de la somme principale de 89.862.910 francs CFA représentant le découvert en compte et les impayés et encours du crédit à moyen terme ; que sur le fondement desdites écritures, il échet de confirmer la décision du premier juge portant condamnation de GETRAC et des cautions après avoir constaté que l’appelante n’a pas rapporté la preuve de ses dires ;

 

Attendu que la SGBCI fait également observer, sur le moyen de défense de GETRAC relatif à la violation de l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, que ledit moyen est fallacieux en ce que le formalisme que réclame GETRAC a bien été respecté par l’envoi de lettres recommandées avec accusé de réception en date des 06 mars et 11 avril 1991 par lesquelles la banque a dénoncé ses concours et exigé le paiement anticipé de sa dette (découvert en compte, encours et impayés du crédit à moyen terme) ; que la correspondance du 11 avril 1991 apportait des précisions à GETRAC à la suite de la première lettre du 06 mars 1991 ; que leurs termes sont sans équivoques et par leur envoi, la SGBCI entendait bien dénoncer ses concours puisqu’elle mettait GETRAC en demeure de rembourser sous quinzaine les sommes dues, dont le détail était communiqué ; qu’il s’infère des développements qui précèdent que le recours exercé par GETRAC est mal fondé et il convient en conséquence de confirmer la décision querellée ;

 

Attendu que par conclusions en date du 16 novembre 2000 prises en réplique aux écritures de la SGBCI, GETRAC a relevé, à propos du règlement de sa dette, que c’est à tort que son adversaire affirme qu’elle n’en a pas réglé l’intégralité et que seulement six échéances correspondant à la somme de 17.406.721 francs CFA l’auraient été ; qu’à cet égard, précise t-elle, la Cour constatera que le Premier Juge n’a pas fait cas de la reconnaissance par la SGBCI du paiement de ces six échéances et l’a condamné au paiement de la somme totale de 89.862.910  francs CFA décomposée de la façon suivante ainsi que cela ressort de la requête aux fins d’ordonnance d’injonction de payer :

 

  • découvert en compte n°116.330.789.35 :1.936214 francs CFA ;

 

  • impayés et encours du crédit à moyen terme sur le compte n°116.764.151.98 : 87.926.696 francs CFA ;

 

  • Total : 89.862.910 francs CFA ;

 

que la Cour constatera, selon GETRAC, que seul le compte n°116.330.789.35 dont le solde est débiteur de la somme de 1.936.214 francs CFA a été affecté au remboursement du prêt consenti par la SGBCI ainsi que cela figure tant dans la demande de crédit à moyen terme que dans l’acte de caution solidaire et personnelle ; qu’elle conteste tant le solde dudit compte qui correspondait à un découvert que le solde du compte n°116.764.151.98 qui n’a pas été affecté au remboursement du prêt consenti par la SGBCI ; que par ailleurs tant la SGBCI que le premier juge ont estimé qu’elle ne rapportait pas la preuve du paiement de sa dette alors même qu’il ressort des productions de la SGBCI, notamment du relevé de compte arrêté au 30 septembre 1992, soit à la date d’échéance du prêt, que le compte n°116.330.789.35 affecté au remboursement dudit prêt était seulement débiteur de la somme de 744.728 francs CFA ; que par conséquent la Cour dira et jugera que la dette de la SGBCI a été réglée par elle ainsi que cela résulte du relevé de compte de la SGBCI ;

 

Attendu que relativement à la violation de l’article 1er de l’Acte uniforme susvisé, GETRAC fait observer que les sommes réclamées par la SGBCI correspondent à des soldes de compte courant relatifs à des découverts et encours qui s’élèveraient à la somme de 89.862.910 francs CFA alors que pour obtenir l’ordonnance querellée, la SGBCI fait état d’une convention de prêt portant sur la somme de 85.000.000 francs CFA ; que manifestement, selon elle, la SGBCI a obtenu sa condamnation en ayant déterminé de façon unilatérale ce qu’elle estime être le solde en principal, intérêts et frais de sa créance ; que la Cour dira et jugera que les sommes réclamées par la SGBCI ne sont pas certaines, liquides et exigibles faute d’un arrêté de compte contradictoire permettant d’en déterminer éventuellement le solde en principal, intérêts et frais ; que par conséquent la Cour infirmera le jugement entrepris pour violation des dispositions de l’article 1er de l’Acte uniforme susvisé car, de toute évidence, il y a compte à faire entre les parties ;

 

Sur le règlement intégral par GETRAC du prêt octroyé par la SGBCI

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure et notamment de « la demande de crédit à moyen terme » en date du 13 avril 1989 de GETRAC que celle-ci a obtenu de la SGBCI un prêt d’un montant de 85.000.000 francs CFA remboursable, suivant le tableau d’amortissement convenu entre les deux parties, en 36 mensualités de 2.894.788 francs CFA chacune du 05 juin 1989 au 05 mai 1992 et par prélèvement sur le compte n°116.330.789.35 de la bénéficiaire ; que si selon la SGBCI dans le cadre du remboursement de ce prêt, GETRAC ne lui a, en tout et pour tout, réglé que 06 mensualités, ce qui fait que cette dernière reste toujours lui devoir les 30 autres dont la SGBCI a chiffré le montant à 89.862.910 francs CFA, GETRAC soutient au contraire avoir procédé au paiement de la totalité du montant dudit prêt ; qu’à cet égard toutefois, à l’instar de la SGBCI, elle n’a versé au dossier de la procédure aucun justificatif susceptible de contredire les relevés de compte fournis par son adversaire et sur lesquels d’ailleurs elle se réfère alors même que se prétendant libéré, il lui incombait de justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ; qu’au demeurant, de l’examen des relevés précités, il apparaît bien que non seulement ce sont 06 mensualités qui ont pu être prélevées sur le compte bancaire que GETRAC a affecté au règlement du prêt mais aussi la position régulièrement débitrice dudit compte qui a constitué un obstacle au remboursement, lequel ne peut être effectif, contrairement aux assertions de GETRAC sur ce point, que lorsque le solde du compte est créditeur ; que ceci se trouve du reste conforté par la lettre en date du 06 mars 1991 de la SGBCI dans laquelle celle-ci déplorait déjà « …de constater que depuis plusieurs mois, [le] compte n°116.330.789.35  n’enregistre plus de versement et présente à ce jour dans [ses] livres un solde débiteur… » ; qu’il s’ensuit que c’est vainement que GETRAC affirme avoir intégralement réglé le prêt à elle octroyé par la SGBCI et il échet en conséquence de faire droit à la demande de celle-ci relative au paiement par GETRAC de la somme de 89.862.910 francs CFA ;

 

Sur la demande de GETRAC relative à la rétractation de l’Ordonnance d’injonction de payer n°6896/99

Attendu qu’il ressort de l’examen ci-dessus du moyen de cassation retenu que l’ordonnance d’injonction de payer susvisée n’étant pas caduque et que par ailleurs GETRAC restant toujours devoir à la SGBCI le montant que celle-ci réclame, la demande de rétractation de ladite ordonnance présentée par GETRAC n’est pas fondée et doit être rejetée ;

 

Sur la violation de l’article 1er de l’Acte uniforme susvisé

Attendu que GETRAC prétend que le montant cumulé des échéances impayées du prêt, bien qu’ayant une cause contractuelle, n’est pas une créance certaine, liquide et exigible et ne peut être poursuivie par la voie de l’injonction de payer motifs pris de ce que, d’une part, son compte n°11633078935 affecté au remboursement dudit prêt est un compte courant qui n’a pas été clôturé alors que la particularité d’un tel compte résiderait dans le fait que c’est à sa clôture que le solde est réglé par les parties, et, d’autre part, que la SGBCI a chiffré à 89.862.910 francs CFA le montant de ses créances alors que pour obtenir l’ordonnance querellée, elle s’est prévalue d’une convention de prêt portant sur une somme de 85.000.000 francs CFA ; que ce faisant, la SGBCI a obtenu sa condamnation en ayant déterminé de façon unilatérale le solde en principal, intérêts et frais de sa créance ;

 

Attendu en l’espèce que, d’une part, GETRAC n’indique pas en quoi son compte n°11633078935 est un compte courant bancaire ; que, d’autre part, pour ce qui est du montant de la créance de la SGBCI, elle ne saurait valablement soutenir que celui-ci a été calculé de façon unilatérale dès lors qu’elle était, par différentes lettres d’avertissement de la banque, informée de la détermination et de l’évaluation dudit montant et qu’elle avait de ce fait la possibilité de réagir et de le contester ; qu’il suit que le moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;

 

Attendu que de ce qui précède, il échet de débouter GETRAC de toutes ses demandes, fins et conclusions et de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

 

Attendu que GETRAC ayant succombé, doit être condamnée aux dépens ;

 

 

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse l’Arrêt n°1015 rendu le 20 juillet 2001 par la Cour d’appel d’Abidjan ;

Evoquant et statuant sur le fond,

Confirme le Jugement n°468/CIV B2 rendu le 26 juin 2000 par le Tribunal de première instance d’Abidjan ;

Déboute la Société Générale de Travaux Routiers Agricoles et Constructions dite GETRAC de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Condamne la Société Générale de Travaux Routiers Agricoles et Constructions dite GETRAC aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

Le Président

Le Greffier