ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Audience Publique du 15 juillet 2004
Pourvoi : n°035/2003/PC du 24 mars 2003
AFFAIRE : FADIGA Nadiani
(Conseils : SCPA DADIE-SANGARET & Associés, Avocats à la cour)
Contre
BANK OF AFRICA COTE D’IVOIRE dite BOA-CI
(Conseil : Maître Jean François CHAUVEAU, Avocat à la Cour)
ARRET N° 029/2004 du 15 juillet 2004
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 15 juillet 2004 où étaient présents :
Messieurs Seydou BA, Président
Jacques M’BOSSO, Premier Vice-président, rapporteur
Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-président
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Biquezil NAMBAK, Juge
et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 24 mars 2003 et formé par la SCPA DADIE-SANGARET & Associés, Avocats à la Cour, agissant au nom et pour le compte de Mademoiselle FADIGA Nadiani, de nationalité ivoirienne, Employée à la Bank Of Africa COTE D’IVOIRE en abrégé BOA-CI à Abidjan, y demeurant, immeuble BOA, angle Avenue Terrasson de Fougères et rue Gourgas, 01 BP 4132 Abidjan dans la cause qui l’oppose à la Bank Of Africa COTE D’IVOIRE en abrégé BOA-CI, Société anonyme au capital de 2 milliards de francs CFA, dont le siège social est à Abidjan Plateau, Angle avenue Terrasson de Fougères et rue Gourgas, immeuble BOA, 01 BP 4132 Abidjan 01 ayant pour conseil Maître Jean-François CHAUVEAU, Avocat à la Cour à Abidjan, y demeurant au 29, boulevard Clozel, Abidjan Plateau, immeuble « le TF4770 », 2ème étage, 01 BP 3586 Abidjan,en cassation de l’Arrêt n°1158 rendu le 22 novembre 2002 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort ;
En la forme :
Déclare la Bank Of Africa COTE D’IVOIRE recevable en son appel régulier ;
Au fond
L’y dit bien fondée
Infirme le jugement entrepris
Statuant à nouveau
- restituons à l’Ordonnance d’injonction de payer n°3844/2001 du 04 mai 2001 son plein et entier effet ;
- Rejette la demande reconventionnelle ;
- Met les dépens à la charge de l’intimée » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Jacques M’BOSSO, Premier Vice-Président ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
SUR LA RECEVABILITE DU RECOURS
Vu l’article 28 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ;
Attendu que dans son mémoire en réponse reçu au greffe de la Cour de céans le 14 août 2003, la Bank Of Africa COTE D’IVOIRE dite BOA-CI, anciennement BANAFRIQUE, défenderesse au pourvoi a, après avoir signalé que Mademoiselle FADIGA Nadiani avait formé un premier pourvoi contre l’arrêt attaqué devant la Cour suprême de COTE D’IVOIRE avant de saisir la Cour de céans du présent pourvoi, demandé à celle-ci de statuer ce que de droit quant à la recevabilité de ce dernier pourvoi ;
Attendu qu’aux termes de l’article 28 alinéa 1 du Règlement de procédure susvisé, « lorsque la Cour est saisie par l’une des parties à l’instance par la voie du recours en cassation prévu au troisième ou quatrième alinéa de l’article 14 du Traité, le recours est présenté au greffe dans les deux mois de la signification de la décision attaquée par l’avocat du requérant dans les conditions fixées à l’article 23 ci-dessus. Le recours contient :
- les nom et domicile du requérant ;
- les noms et domiciles des autres parties à la procédure devant la juridiction nationale et de leur avocat ;
- les conclusions du requérant et les moyens invoqués à l’appui de ces conclusions.
Le recours indique les Actes uniformes ou les Règlements prévus par le Traité dont l’application dans l’affaire justifie la saisine de la Cour ».
Attendu qu’il résulte de l’examen des pièces du dossier de la procédure que l’Arrêt n° 1158 du 22 novembre 2002 de la Cour d’appel d’Abidjan, objet du présent pourvoi en cassation, a été signifié à Mademoiselle FADIGA Nadiani le 04 février 2003 ; qu’à compter de ladite date de signification, Mademoiselle FADIGA Nadiani disposait d’un délai de deux mois s’achevant le 05 avril 2003 pour exercer son recours ; qu’elle a formé devant la Cour de céans son pourvoi qui a été enregistré au greffe de ladite Cour le 24 mars 2003 ; que ledit pourvoi, exercé dans le délai légal de deux mois à compter de la date de signification de la décision attaquée est en tous points conforme aux prescriptions de l’article 28 susénoncé du Règlement de procédure précité ; qu’il suit que ledit pourvoi doit être déclaré recevable en la forme ;
SUR LE PREMIER MOYEN
Vu l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 1er de l’Acte uniforme susvisé en ce que la Cour d’appel a, à tort, estimé la créance de la BOA-CI certaine, liquide et exigible alors qu’il est constant, selon le moyen, que toute clôture de compte bancaire doit être faite contradictoirement par les parties ; que faute de le faire, la créance doit être considérée comme non liquide, c’est-à-dire indéterminée dans son quantum ; que l’article 1er de l’Acte uniforme précité dispose que le recouvrement d’une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer ; que le défaut d’une seule de ces conditions doit entraîner le rejet de la requête aux fins d’injonction de payer ; qu’en restituant à l’ordonnance querellée son plein et entier effet, toujours selon le moyen, la Cour d’appel d’Abidjan a violé l’article 1er de l’Acte uniforme précité ;
Attendu qu’aux termes de l’article 1er de l’Acte uniforme susvisé, « le recouvrement d’une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer » ;
Attendu qu’il résulte de l’examen des pièces du dossier de la procédure que la créance dont le recouvrement est poursuivi par la banque BOA-CI auprès de Mademoiselle FADIGA Nadiani provient des divers concours financiers accordés par ladite banque à la société UNIPACI ; que Mademoiselle FADIGA Nadiani, par acte sous seing privé en date du 11 décembre 1990, s’est portée caution solidaire de la dette qu’aurait la société UNIPACI à l’égard de la BOA-CI avec renonciation expresse au bénéfice de la discussion et de la division ; que dans ledit Acte de cautionnement, Mademoiselle FADIGA Nadiani s’est formellement engagée à payer « à première demande et sans pouvoir différer le paiement, ni soulever de contestation pour quelques motifs que ce soient les sommes dues par le débiteur » ;
Attendu qu’ayant entrepris de recouvrer la créance dont la société UNIPACI lui restait redevable, la BOA-CI a d’abord vainement interpellé celle-ci avant de se tourner vers la caution, Mademoiselle FADIGA Nadiani qui conteste la régularité de la procédure d’injonction de payer engagée à son encontre pour défaut de liquidité de la créance dont le recouvrement est poursuivi ;
Mais attendu que le dossier de la procédure révèle que des documents relatifs au montant de la créance de la BOA-CI dont le recouvrement est poursuivi, notamment les lettres des 18 mai et 15 juin 2000, les relevés et arrêtés du compte de la société UNIPACI des 30 juin et 31 décembre 2000 adressés par BOA-CI à UNIPACI et la réponse de celle-ci, par lettre du 12 juillet 2000, ont été échangés de manière contradictoire entre la BOA-CI et la société UNIPACI ; que l’un des documents susindiqués, à savoir la lettre de la BOA-CI du 15 juin 2000, qui mentionne le solde débiteur du compte de la société UNIPACI, est signée des mains propres de Mademoiselle FADIGA Nadiani, en qualité de sous-directeur de la BOA-CI ; que c’est après avoir examiné et souverainement apprécié ces différentes pièces versées au dossier de la procédure, notamment les lettres et l’acte de cautionnement du 11 décembre 1990, que la Cour d’appel d’Abidjan a considéré « que la créance de la BOA-CI est certaine, liquide, exigible et qu’elle est en droit de poursuivre Mademoiselle FADIGA Nadiani pour le paiement de celle-ci » ; qu’il suit que ce premier moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;
SUR LE SECOND MOYEN
Vu l’article 150 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés ;
Attendu qu’il est également fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 14 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés en ce que la Cour d’appel d’Abidjan a soutenu à tort que dans l’Acte de cautionnement, il n’est pas prévu expressément l’information annuelle de la caution alors que, selon le moyen, l’obligation d’information s’applique à toute caution, y compris aux dirigeants de société ; que l’inobservation de ladite obligation d’information annuelle de la caution décharge la caution et prive la banque de tout recours ; que cette information bancaire doit être spécifique, ventiler la dette, préciser le terme de l’engagement de la caution et rappeler le cas échéant la faculté de révocation ; que la banque ne peut s’affranchir de cette obligation d’information en adressant des relevés de compte ne portant pas l’intégralité de ces renseignements ; qu’à défaut de l’avoir fait, toujours selon le moyen, « la haute Cour cassera purement et simplement l’arrêt querellé pour violation de l’article 14 du Traité OHADA portant Droit des sûretés » ;
Mais attendu qu’aux termes de l’article 150 de l’Acte uniforme susvisé, « sont abrogées toutes les dispositions antérieures contraires à celles du présent Acte uniforme. Celui-ci n’est applicable qu’aux sûretés consenties ou constituées après son entrée en vigueur.
Les sûretés consenties ou constituées ou créées antérieurement au présent Acte uniforme et conformément à la législation alors en vigueur restent soumises à cette législation jusqu’à leur extinction » ;
Attendu en l’espèce que le cautionnement apporté à la BOA-CI par Mademoiselle FADIGA Nadiani a été consenti le 11 décembre 1990, soit bien avant l’adoption de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés ; que conformément aux dispositions susénoncées de l’article 150 dudit Acte uniforme, « celui-ci n’est applicable qu’aux sûretés consenties ou constituées après son entrée en vigueur » ; qu’ainsi, il n’est pas applicable au cautionnement consenti par Mademoiselle FADIGA Nadiani, lequel reste régi jusqu’à son extinction par la législation alors en vigueur au moment de sa constitution ; qu’il suit qu’en relevant que nulle part dans l’acte de cautionnement il n’a été mentionné que le règlement était subordonné à une obligation d’informer annuellement Mademoiselle FADIGA Nadiani et en décidant de l’infirmation de la décision du premier juge, la Cour d’appel d’Abidjan n’a pas violé l’article 14 de l’Acte uniforme précité ; que ce second moyen non fondé doit également être rejeté ;
Attendu que Mademoiselle FADIGA Nadiani ayant succombé, doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
En la forme :
Déclare recevable le pourvoi formé par Mademoiselle FADIGA Nadiani ;
Au fond :
Rejette ledit pourvoi ;
Condamne Mademoiselle FADIGA Nadiani aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier