ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Audience Publique du 08 janvier 2004

Pourvoi n° 024/2002/ PC du 17 mai  2002.               

AFFAIRE : Société ANSARI TRADING COMPANY LTD

                 (Conseils : SCPA AHOUSSOU, KONAN & Associés, Avocats à la cour)

                                      contre

Société Commerciale de Banque Crédit Lyonnais Cameroun

S.A. (SCB- CLC) dénommée actuellement Crédit Lyonnais

Cameroun S.A. (CLC)

                 (Conseils : SCPA Abel KASSI & Associés, Avocats à la Cour)

En présence de :

                   La Banque des Etats de l’Afrique Centrale, dite la BEAC

                   (Conseils : SCPA BETAYENE, Avocats à la Cour)

ARRET N°002/2004 du 08 janvier 2004

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 08 janvier 2004 où étaient  présents :

 

Messieurs  Seydou BA,           Président

Jacques M’BOSSO,              Premier Vice-président

Antoine Joachim OLIVEIRA,  Second Vice-président

Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge

Maïnassara MAIDAGI,          Juge

Boubacar DICKO,               Juge, rapporteur

Biquezil NAMBAK               Juge

et  Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef ;

 

Sur le pourvoi en date du 08 mai 2002 enregistré à la Cour de céans le 17 mai 2002 sous le n°024/2002/PC, formé par la SCPA AHOUSSOU, KONAN & Associés, Avocats à la Cour d’appel d’Abidjan y demeurant 19, Boulevard Angoulvant résidence Neuilly, 1er étage,  01 BP  1366 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la Société Ansari Trading Company LTD, dans une cause l’opposant à la Société Commerciale de Banque Crédit Lyonnais Cameroun S.A. (SCB-CLC) dénommée actuellement Crédit Lyonnais Cameroun-SA (CLC), en cassation de l’Arrêt n°414/CIV rendu le 10 août 2001 par la Cour d’appel du Centre à Yaoundé, République du Cameroun, dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé, en appel et en dernier ressort ;

En la forme

 

Reçoit l’appel interjeté ;

Au fond

 

Infirme l’ordonnance entreprise ;

Evoquant et statuant à nouveau :

Déboute la Société Ansari Trading Company Limited de sa demande en libération des sommes dont saisie-attribution a été pratiquée à la BEAC au préjudice de la SCB-CLC ;

En conséquence, ordonne la mainlevée de ladite saisie ;

Condamne la Société Ansari Trading Company Limited aux dépens » ;

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO ;

Vu les dispositions des articles 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que courant 1993, en contrepartie d’une livraison de bitume au Tchad, la Société Ansari Trading Company LTD a reçu en paiement une somme de 4.800.000 francs français ; que voulant transférer ladite somme sur son compte domicilié à la Banque Française de l’Orient à Londres, elle sollicitait et obtenait des Etablissements AMA l’autorisation d’effectuer cette opération par le biais de leur compte bancaire chez la Société Commerciale de Banque-Crédit Lyonnais Cameroun S.A dite SCB-CLC ; que le 17 décembre 1993, les Etablissements AMA imputaient à la SCB-CLC deux ordres de virement en date respectivement des 22 et 27 décembre 1993 relatifs, chacun, au virement d’une somme de 240.000.000 francs CFA, soit au total 480.000.000 francs CFA ou 4.800.000 francs français à transférer à la Banque française de l’Orient à Londres au profit et pour le compte de la Société Ansari Trading Company LTD ; que si le premier ordre de virement était exécuté sans difficultés par la SCB-CLC, le second ne le fut pas et pour contraindre la SCB-CLC à l’exécuter, la Société Ansari Trading Company LTD initiait contre elle les procédures ci-après :

 

– par exploit en date du 10 mai 1999, la Société Ansari Trading Company LTD donnait assignation en référé d’heure à heure aux Etablissements AMA et à la SCB-CLC à l’effet d’entendre ordonner l’exécution par cette dernière du « second ordre de virement d’un montant de 4.800.000. francs français, dans le compte de la concluante à la BFO-Londres, sous astreinte de 10.000.000 francs CFA par jour de retard »  et « dire que l’astreinte de 10.000.000 francs CFA courra du jour du prononcé de la décision ou au plus tard de son lendemain » ;

 

– statuant sur l’assignation précitée par Ordonnance de référé n°817 rendue le 14 juin 1999, le Président du Tribunal de la Première Instance de Yaoundé a ordonné « l’exécution par la SCB-CLC du second ordre de virement de 4.800.000 francs français, sous astreinte de cinq millions de francs CFA par jour de retard à compter de la signification de la présente ordonnance » ;

 

– par procès-verbal de saisie en date du 11 août 2000, la Société Ansari Trading Company LTD exerçait une procédure de saisie-attribution de créances contre la Banque des Etats de l’Afrique Centrale dite la BEAC au préjudice de la SCB-CLC pour paiement de la somme principale de 4.800.000 francs français et ses accessoires, soit au total 5.385.848, 2 francs français ;

 

– sur la base du certificat de non contestation en date du 06 décembre 2001 établi à sa demande par le Greffier en chef du Tribunal de Première Instance de Yaoundé attestant que la saisie précitée n’a fait l’objet d’aucune contestation, par exploit en date du 25 septembre 2000, la Société Ansari Trading Company  LTD assignait en référé d’heure à heure, devant le Président du Tribunal de Première Instance de Yaoundé, la BEAC, prise en la personne de son Directeur Général, pour s’entendre ordonner notamment, d’une part, « le paiement par la BEAC d’une provision de deux cents millions de francs sous astreinte de vingt millions de francs par jour de retard à compter du prononcé de la décision avant dire droit » et, d’autre part, « la libération par la BEAC du reliquat des sommes saisies sous astreinte de cinquante millions de francs par jour de retard à compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir » ;

 

– par Ordonnance de référé n°96 en date du 31 octobre 2000, le Président du Tribunal de Première Instance de Yaoundé statuant sur les demandes précitées, condamnait la BEAC à « l’exécution de la saisie-attribution du 11 août 2000 sous astreinte d’un million de francs  par jour de retard à compter de la signification de la présente ordonnance » et recevait la SCB-CLC en son intervention volontaire ;

 

– contre l’ordonnance précitée, seule la SCB-CLC, intervenante volontaire, relevait appel par requête en date du 31 octobre 2000 adressée au Président de la Cour d’appel du Centre à Yaoundé et ladite Cour statuait par Arrêt n°414/CIV du 10 août 2001 objet du présent recours en cassation ; qu’il y a lieu de noter que le même arrêt a fait l’objet d’un pourvoi en cassation le 09 octobre 2001 devant la Cour Suprême du Cameroun ;

 

Sur la recevabilité du recours

Attendu que la Société Commerciale de Banque Crédit Lyonnais Cameroun S.A, défenderesse au pourvoi, dans son mémoire en date du 14 novembre 2002, a demandé « in limine litis » de déclarer irrecevable le recours en cassation présenté par la requérante pour cause de forclusion, motifs pris de ce que ledit recours a été diligenté hors le délai de deux mois prescrit par l’article 28 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ; qu’elle fait valoir que l’arrêt attaqué a été notifié ou signifié à la Société Ansari Trading Company LTD suivant exploit d’huissier en date du 09 octobre 2001 ; que la requête en cassation étant datée du 08 mai 2002 et ayant été déposée et enregistrée au greffe de la Cour de céans le 17 mai 2002, soit plus de six mois après la date de notification, dès lors, un tel pourvoi diligenté plus de deux mois après le délai de rigueur imposé par le législateur tombe sous le coup de la forclusion ou de la déchéance et il échet en conséquence de le déclarer irrecevable ;

 

Attendu que pour sa part, dans sa requête en cassation en date du 08 mai 2002 et son mémoire en date du 14 novembre 2002, la requérante a soutenu que son recours en cassation est bien recevable en ce que la signification du pourvoi faite le 09 octobre 2001 est irrégulière ; qu’en effet, il y est mentionné « signifiée à la secrétaire de maître M’Bala M’Bala » sans autre indication, c’est-à-dire sans le nom de cette secrétaire, sans le cachet du cabinet et sans la signature de la secrétaire indiquant qu’elle a reçu cet acte ; qu’une telle signification est nulle et ne peut produire aucun effet ; que, subsidiairement, si la signification est déclarée régulière,  le recours en cassation ne peut être déclaré irrecevable ; qu’en effet, la Cour Suprême du Cameroun ayant été saisie le 09 octobre 2001 par pourvoi n°2, en mars 2002, la requérante, se rendant compte de son incompétence manifeste  pour connaître de cette affaire, a adressé de nombreux courriers au Président de ladite Cour à l’effet de décliner sa compétence au profit de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA  en application de l’article 15 du Traité institutif de l’OHADA ; que face au silence de la Cour Suprême du CAMEROUN, la requérante a dû porter cette affaire devant la juridiction compétente, au demeurant, selon elle, en application de l’article 16 du Traité précité qui lui en donne la possibilité, ledit article affirmant la supériorité de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage par rapport aux juridictions nationales et prescrivant que « la saisine de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage suspend toute procédure de cassation engagée devant une juridiction nationale contre la décision attaquée… » ;

 

Attendu qu’il ressort de ses propres énonciations que la Société ANSARI TRADING COMPANY LTD s’est pourvue en cassation devant la Cour Suprême du CAMEROUN le 09 octobre 2001 à la suite de la signification le même  jour de l’Arrêt n°414/CIV rendu le 10 août 2001 par la Cour d’appel du Centre à Yaoundé ; que dans la mesure où c’est sur la base du même acte de signification qu’elle a d’abord saisi ladite Cour sans faire état d’une quelconque irrégularité relative à la signification dudit arrêt, elle est donc irrecevable à faire valoir devant la Cour de céans également saisie d’un pourvoi en cassation dirigé contre l’arrêt précité que le même acte de signification est irrégulier ;

 

Attendu par ailleurs que l’invocation en la cause de l’article 16 du Traité institutif de l’OHADA est inopérante, la requérante ayant directement saisi la Cour de céans d’un recours en cassation contre l’Arrêt n°414/CIV rendu le 10 août 2001 par la Cour d’appel du Centre à Yaoundé conformément à l’article 14 du Traité susvisé ;

 

Attendu que l’article 28-1 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA dispose : «lorsque la Cour est saisie par l’une des parties à l’instance par la voie du recours en cassation prévu au troisième ou quatrième alinéa de l’article 14 du Traité, le recours est présenté au greffe dans les deux mois de la signification de la décision attaquée par l’avocat du requérant dans les conditions fixées à l’article 23 ci-dessus… »

 

Attendu en l’espèce qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que par requête présentée et enregistrée au greffe de la Cour de céans le 17 mai 2002, la Société ANSARI TRADING COMPANY LTD a saisi ladite Cour d’un recours en cassation dirigé contre l’Arrêt n°414/CIV rendu le 10 août 2001 par la Cour d’appel du Centre à Yaoundé ; qu’il ressort des mentions de l’exploit de signification-commandement dressé par Maître BIYIK THOMAS, Huissier de Justice près la Cour d’appel du Centre et les Tribunaux de Yaoundé que l’arrêt précité a été, à la requête de la Société Commerciale de Banque Crédit Lyonnais Cameroun S.A., signifié à la Société ANSARI TRADING COMPANY LTD le 09 octobre 2001 ;

 

Attendu qu’en application des dispositions sus énoncées de l’article 28-1 susvisé, la requérante disposait pour présenter son recours au greffe d’un délai de deux mois ayant pour point de départ le 10 octobre 2001 ; que ledit recours ayant été présenté et enregistré au greffe de la Cour de céans le 17 mai 2002, soit plus de deux mois après la signification de la décision attaquée, il s’ensuit qu’il doit être déclaré irrecevable pour avoir été formé hors délai ;

 

Attendu que la Société ANSARI TRADING COMPANY LTD ayant succombé, doit être condamnée aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Déclare le pourvoi formé par la Société ANSARI TRADING COMPANY LTD irrecevable ;

La condamne aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et on signé :

 

Le Président

Le Greffier en chef