ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Deuxième chambre

Audience publique du 08 décembre 2011

Pourvoi : n°021/2007/PC du 13 mars 2007

Affaire :   Maître Vincent BOURGOING-DUMONTEIL

           (Conseils : -SCP BORE ET SALVE de BURNETON, Avocats à la cour

                               -Maître COULIBALY SOUNGALO, Avocat à la Cour)

                                      contre

       Roselyne ALLANAH, Veuve FAWAZ

       (Conseil : Maître DAGO Bolé Alain Sem Hacagui, Avocat à la cour

ARRET N°036/2011 du 08 décembre 2011

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt  suivant en son audience publique du 08 décembre 2011 où étaient présents :

 

Messieurs :    Maïnassara MAIDAGI,                             Président, rapporteur

Namuano Francisco DIAS GOMES,             Juge

Madame :       Flora DALMEIDA MELE,                          Juge

et  Maître ASSIEHUE Acka,                                             Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 13 mars 2007 sous le n°021/2007/PC et formé par la SCP BORE et SALVE de BRUNETON et le Cabinet Jean-François CHAUVEAU pris notamment en la personne de Maître SALVE de BRUNETON, Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation et Maître Jean-François CHAUVEAU, Avocat près la Cour d’appel d’Abidjan, demeurant à Abidjan, commune du Plateau, 29 Boulevard Clozel, immeuble le « TF 4770 », 01 BP 3586 Abidjan 01 (COTE D’IVOIRE) agissant au nom et pour le compte de Maître Vincent BOURGOING-DUMONTEIL, Avocat à la Cour d’appel de Paris, demeurant au 119, Rue de Lille à Paris 7ème, F 75007 Paris, dans la cause l’opposant à Madame Roselyne ALLANAH veuve FAWAZ, commerçante demeurant actuellement à Tunis, ayant pour conseil Maître DAGO Bolé Alain Sem Hacagui, Avocat à la Cour d’appel d’Abidjan, demeurant à Cocody, 198 logements, bâtiment K1, 3ème étage, 04 BP 2690 Abidjan 04, en cassation de l’Arrêt n°622 rendu le 08 juin 2004 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort ;

 

En la forme :

Déclare recevable l’appel régulièrement relevé par Maître Vincent BOURGOING-DUMONTEIL de l’Ordonnance de référé n°1326 rendue le 19 mars 2004 par la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan Plateau ;

 

Au fond

L’y dit mal fondé, l’en déboute ;

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Condamne l’appelant aux dépens. » ;

 

Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur le Premier Vice-Président Maïnassara MAÏDAGI ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que le 07 juillet 1993, la Cour d’appel de Paris a, par Arrêt n°92/45205,  condamné Madame Roseline ALLANAH FAWAZ à payer à Maître Vincent BOURGOING-DUMONTEIL la somme principale de 1 528 416 francs français en précisant que les intérêts seront capitalisés à compter du 10 mars 1993, jour de la demande conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil ; qu’elle avait en outre condamné dame Roseline ALLANAH FAWAZ à lui payer la somme de 12.000 francs français sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile français et l’a condamnée aux dépens ; que cet arrêt avait été rendu exécutoire en Côte d’Ivoire par Ordonnance n°57 du 05 janvier 1994, signifiée le 26 mai 1994 à madame Roseline ALLANAH FAWAZ et passée en force de chose jugée suite à l’Arrêt n°1/98 du 15 janvier 1998 de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE ; que ce dernier arrêt avait été signifié à madame Roseline ALLANAH FAWAZ  et un commandement de payer lui avait été adressé le 30 mars 1999 ; que ce commandement n’ayant pas été suivi d’exécution, Monsieur Vincent BOURGOING-DUMONTEIL avait fait pratiquer une saisie attribution de créances sur les créances de  Madame Roseline ALLANAH FAWAZ

détenues par la BICICI suivant exploit en date du 12 janvier 2004,  saisie dénoncée le même jour à dame Roseline ALLANAH FAWAZ ; que par exploit en date du 12 février 2004, Madame Roseline ALLANAH FAWAZ avait assigné Monsieur Vincent BOURGOING-DUMONTEIL en référé pour contester la saisie attribution du 12 janvier 2004 en arguant du non respect des articles 160 et 34 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution : que par Ordonnance n°1326/2004 du 19 mars 2004, le juge des référés a déclaré nulle la saisie attribution pratiquée et ordonné en conséquence sa mainlevée ;  que  suivant exploit en date du 02 avril 2004 de Maître Siaka Bakary Robert, huissier de justice à Abidjan, Monsieur Vincent BOURGOING-DUMONTEIL a relevé appel de cette ordonnance et la Cour d’appel d’Abidjan vidait sa saisine par l’Arrêt n°622 du 08 juin 2004 dont pourvoi ;

 

Sur le premier moyen

Vu les articles 157 et 160 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

 

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions des articles 157 et 160 de l’Acte uniforme susvisé en ce que la Cour d’appel d’Abidjan a confirmé la décision du premier juge qui a déclaré nul l’exploit de saisie-attribution de créances, alors que, selon le moyen, l’exploit de saisie-attribution de créances suivi de dénonciation en date du 12 janvier 2004 comporte les mentions prévues par les articles 157 et 160 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et a été dénoncé à Madame FAWAZ dans les délais légaux ; que la Cour d’appel a estimé que la saisie attribution de créances et la dénonciation de ladite saisie devaient se faire par actes séparés alors qu’il n’apparait nullement des articles susvisés que l’exploit de saisie doit être distinct de celui de la dénonciation ; qu’il est donc indéniable que la Cour d’appel a ajouté à la loi car il est un principe constant du droit positif que l’on ne peut distinguer là où la loi ne l’a pas fait ; que la saisie s’opère d’abord par la réalisation d’un acte de signification au tiers saisi, ensuite par sa dénonciation au débiteur saisi, le premier de ces actes, l’acte de signification, consistant en « la remise » par l’huissier du document faisant état de la saisie, le second de ces actes étant constitué par la dénonciation qui est faite au débiteur saisi ; que ces deux actes sont nécessairement distincts dès lors que l’huissier a procédé à deux remises successives ; que lorsque ces deux remises ont été effectuées et les deux actes intellectuels réalisés, il importe peu qu’un seul instrumentum qui en constate la réalisation soit établi ; que ce qui importe est que les mentions requises pour chacun des deux actes soient énoncées dans cet unique instrumentum ; que c’est donc à tort que la Cour d’appel a subordonné la validité de la saisie à l’établissement de deux exploits distincts ; que par une telle motivation, la Cour d’appel a statué au mépris des dispositions des articles 157 et 160 susindiqués et qu’en conséquence, son arrêt mérite cassation ;

 

Attendu qu’aux termes des articles 157 et 160 de l’Acte uniforme susvisé, « le créancier procède à la saisie par un acte signifié aux tiers par l’huissier ou l’agent d’exécution.

Cet acte contient, à peine de nullité … » et « dans un délai de huit jours, à peine de caducité, la saisie est dénoncée au débiteur par acte d’huissier ou d’agent d’exécution.

Cet acte contient, à peine de nullité :

 

  • Une copie de l’acte de saisie ; … » ;

 

Attendu qu’au regard des dispositions susénoncées, il n’est nullement exigé que l’acte de signification de la saisie au tiers saisi et l’acte de dénonciation de la saisie au débiteur saisi soient faits par actes séparés ; que les seules exigences desdites dispositions sont, d’une part, que l’acte de saisi contienne, à peine de nullité, certaines mentions et, d’autre part, que l’acte de dénonciation soit, en premier lieu, fait dans un délai de huit jours à compter de la saisie à peine de caducité et, en second lieu, qu’il contienne, à peine de nullité, certaines mentions ; qu’il s’ensuit, qu’en retenant, dans son Arrêt n°622 du 08 juin 2004 que « l’exploit du 12 janvier 2004, intitulé procès-verbal de saisie attribution de créance suivi de dénonciation, ne satisfait pas aux prescriptions des articles 157 et 160 de l’Acte uniforme relatif aux voies d’exécution qui exigent l’établissement d’un exploit comportant dénonciation de la saisie différent de l’exploit de saisie lui-même », la Cour d’appel d’Abidjan a fait une mauvaise interprétation des dispositions susénoncées des articles 157 et 160 de l’Acte uniforme susvisé ; qu’il échet, en conséquence de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer, sans qu’il soit besoin d’examiner le second moyen ;

 

Sur l’évocation

Attendu que par exploit en date du 02 avril 2004 de Maître Siaka BAKARI Robert, Huissier de justice à Abidjan, Maître Vincent BOURGOING-DUMONTEIL a relevé appel de l’Ordonnance n°1326 rendue le 19 mars 2004 par la juridiction présidentielle du Tribunal de première instance d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en premier ressort ;

Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent, vu l’urgence et par provision ;

Déclarons nulle la saisie suivie de dénonciation en date du 12 janvier 2004 et ordonnons la mainlevée de la saisie pratiquée ;

Condamnons le défendeur aux entiers dépens ; » ;

 

Attendu qu’à l’appui de son appel, Maître Vincent BOURGOING-DUMONTEIL relève que l’acte de saisie du 12 janvier 2004 est valable parce qu’il comporte toutes les mentions prévues par l’article 157 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et la preuve en est que Dame FAWAZ n’a porté aucune critique quant au non respect de cette disposition et la saisie lui a été dénoncée conformément à l’article 251 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative afin de l’informer et lui donner toute possibilité d’élever les contestations de sorte que l’on ne peut lui reprocher de n’avoir pas remis une copie de l’acte à la débitrice saisie ; qu’il fait également observer que  les dispositions de l’article 160 du même Acte uniforme ont été satisfaits, le délai indiqué dans l’acte  venant à expiration le 12 février 2004, étant entendu que la computation dudit délai fixé en mois est calculée de quantième à quantième sans tenir compte de la durée de chaque mois ;

 

Attendu que Madame FAWAZ, intimée, affirme dans ses conclusions en date du 08 avril 2004 que l’exploit du 12 janvier 2004 ayant combiné l’acte de saisie et l’acte de dénonciation est nul en ce qu’il viole les dispositions des articles 157, 160, alinéa 1.1°, 160, alinéa 2.2° et 34 de l’Acte uniforme susindiqué de sorte que la mainlevée doit être ordonnée ; que par ailleurs, elle fait remarquer que suite à l’avis à tiers détenteur servi le 02 décembre 2003 par la Direction Générale des Impôts invitant la BICICI à lui reverser les sommes détenues pour son compte, le cantonnement  ne peut plus être opéré au profit de Monsieur Vincent BOURGOING-DUMONTEIL mais de la Direction Générale des Impôts ; qu’elle sollicite, en conséquence, la confirmation de l’Ordonnance querellée ;

 

Sur la régularité de l’acte de saisie

Attendu qu’aux termes de l’article 160, alinéas 1 et 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution,  « dans un délai de huit jours, à peine de caducité, la saisie est dénoncée au débiteur par acte d’huissier ou d’agent d’exécution.

Cet acte contient, à peine de nullité :

  • une copie de l’acte de saisie ;
  • en caractères très apparents, l’indication que les contestations doivent être soulevées, à peine d’irrecevabilité, dans un délai d’un mois qui suit la signification de l’acte et la date à laquelle expire ce délai ainsi que la désignation de la juridiction devant laquelle les contestations pourront être portée. » ;

 

Attendu que le délai d’un mois susindiqué étant un délai franc, en application de l’article 335 du même Acte uniforme, en l’espèce, la saisie étant dénoncée le 12 janvier 2004, le débiteur saisi avait, en principe, jusqu’au 14 février 2004 pour élever les contestations éventuelles ; que mieux, le 14 févier 2004 étant un samedi, le délai se trouve prorogé jusqu’au lundi 16 février 2004 ;

 

Attendu que le « procès-verbal de saisie attribution de créances suivi de dénonciation » du 12 janvier 2004, ayant mentionné que le délai d’un mois pour soulever les éventuelles contestations expirait le 12 février 2004 et non le 16 février 2004, a en conséquence été établi en violation des dispositions susénoncées de l’article 160 alinéa 2-2) ; qu’il échet de déclarer nul le procès-verbal de saisie établi le 12 janvier 2004 et d’ordonner en conséquence la mainlevée de ladite saisie ;

 

Attendu qu’il y a lieu que chacune des parties supporte ses propres dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse l’Arrêt n°622 rendu le 08 juin 2004 par la Cour d’appel d’Abidjan ;

Evoquant et statuant sur le fond,

Déclare nul l’acte de saisie-attribution de créances du 12 janvier 2004 ;

Ordonne, en conséquence, la mainlevée de la saisie-attribution opérée ;

Dit que chacune des parties supporte ses propres dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

 

 

Le Président

Le Greffier