ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Deuxième chambre

 Audience publique du 08 décembre  2011

Pourvoi : n°014/ 2008/PC du 21/03/2008

Affaire : Banque Islamique du Niger pour le Commerce et l’Investissement

               dite BINCI S.A

                      (Conseil : Maître KIASSA B. Ousmane, Avocat à la Cour)

                          contre

               Etat du Niger

                      (Conseil : Maître Marc LEBIHAN, Avocat à la Cour)

 

ARRET N°040/2011 du 08 décembre 2011

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 08 décembre 2011 où étaient présents :

Messieurs : Maïnassara MAIDAGI,                                          Président

Namuano Francisco DIAS GOMES,                       Juge

Madame     Flora DALMEIDA MELE,                                          Juge, rapporteur,

 

et Maître ASSIEHUE Acka,                                  Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans  du 21 mars 2008 sous le n°014/2008/ PC  et formé par Maître KIASSA B. Ousmane, Avocat à la Cour, BP 10148, Niamey (Niger) agissant au  nom et pour le compte de la Banque Islamique du Niger pour le Commerce et l’ Investissement ,  agissant par son Directeur général,   dans la cause l’opposant à l’Etat du Niger, représenté par le Secrétaire Général du Gouvernement, B P 550 Niamey (Niger)  ayant pour conseil Maître   Marc LEBIHAN, Avocat à la Cour, B P 343 Niamey (Niger),en cassation de l’Arrêt n°117 rendu le 07 novembre  2007 par la Cour d’appel de Niamey et dont le dispositif est le suivant :

« statuant publiquement et contradictoirement  et en cause d’appel,

Reçoit l’appel de BINCI –SA, régulier en la forme ;

Dit qu’il n’y a pas litispendance ;

Annule l’ordonnance querellée ;

Evoque et statue à nouveau ;

Se déclare compétente ;

Reçoit les demandes principales  de BINCI SA et reconventionnelle de l’Etat du Niger ;

Au fond, les rejette comme étant mal fondées ;

Condamne BINCI SA aux dépens.» ;

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation en deux branches tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 Attendu, selon les énonciations de l’arrêt attaqué, que la  Banque Islamique du Niger pour le Commerce et l’ Investissement dite  BINCI  est créancière de monsieur Hamadi Mohamed de la somme de 155 245 517 francs CFA et que munie d’un titre exécutoire, elle pratiquait le 08 mars 2007 une saisie attribution entre les mains du Trésor public du Niger qui, au lieu de faire la déclaration sur l’étendue des avoirs du débiteur sur le champ à l’huissier,  a, après onze jours, soit au-delà des délais exigés par la loi, notamment le 19 mars 2007, répondu par lettre que monsieur Hamadi Mohamed avait sous traité un marché public dont il était adjudicataire  au profit d’un nommé Sidi Ahmed Bilid et ne dispose de ce fait aucune somme dans ses livres ; qu’estimant  que le trésor public a violé l’article 156 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution pour manquement à son obligation de déclaration intervenue tardivement , elle a assigné l’Etat du Niger respectivement le 26 mars 2007 devant le Tribunal de grande instance hors classe de Niamey statuant  en matière commerciale et le 15 juin 2007 devant le Président du même tribunal, juge des référés statuant comme juge de l’exécution  pour voir prononcer sa condamnation au paiement des  causes de la saisie soit la somme de 155.245.517 francs CFA ; que par Ordonnance n°156 du 17 juillet 2007,  le Président du tribunal de grande Instance hors classe de Niamey, statuant en référés comme juge de l’exécution a dit qu’il y a litispendance et s’est dessaisi au profit du tribunal commercial saisi le premier ; que sur appel de la BINCI,  la Cour d’appel rendait l’arrêt infirmatif dont pourvoi ;

 

  Sur la litispendance

Attendu que le défendeur au pourvoi soulève in limine litis   la  litispendance  qui est   une situation exceptionnelle où deux juridictions distinctes de même degré et également compétentes sont simultanément saisies d’un même litige aux motifs que la BINCI  a, par exploits du 26 mars 2006 et 15 juin 2006, saisi respectivement le tribunal de grande instance hors classe de Niamey statuant en matière commerciale  et le Président dudit tribunal  statuant en référé comme  juge de l’exécution en application de l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution,  pour voir condamner l’Etat du Niger au paiement de la somme de 155 245 517 francs CFA  représentant  les  causes d’une saisie attribution pratiquée entre les mains du Trésor Public qui a manqué à ses obligations de déclaration faite  séance tenante à l’agent d’exécution sur l’étendue de la saisie;

Attendu que « l’exception de litispendance peut être soulevée lorsque le même litige est porté devant  deux juridictions de même degré à compétences égales. Face à  cette situation, la juridiction saisie en second lieu se dessaisit obligatoirement au profit de l’autre si l’une des parties le demande. A défaut elle peut le faire d’office » ;

Mais attendu, en l’espèce, que l’exception de litispendance soulevée in limine litis par le défendeur au pourvoi, découlant de la saisine concomitante du Tribunal de grande instance hors classe de Niamey, statuant en matière commerciale et du Président dudit Tribunal statuant comme juge de l’urgence en application de l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, ne peut être apprécié au stade de l’examen des moyens de cassation, mais  le cas échéant, si la Cour de céans cassait l’arrêt attaqué, invoquait et statuait sur le fond ; qu’il s’ensuit  que ladite exception doit être déclarée irrecevable en l’état ;

 

Sur le moyen unique, en sa première branche

Attendu qu’il est  fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 156  de  l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en ce que le trésor public qui a reçu l’acte de saisie le 08 mars 2007,  a  fait ses  déclarations non pas séance tenante mais par lettre du 19 mars  2007 soit 11 jours après signification de la  saisie alors, selon le moyen,  que   le tiers saisi  a l’obligation de faire ses déclarations et communications sur le champ à l’huissier qui doit les  mentionner  dans l’acte de saisie ou, au  plus tard, dans les cinq jours  au cas où l’acte n’est pas signifié à personne.

Mais attendu que le Trésorier  général qui a reçu l’acte de saisie le 08 mars 2007,  a  fait tardivement ses  déclarations par lettre du 19 mars  2007 indiquant  qu’il ne détient aucun fonds appartenant à monsieur Hamadi Mohamed ; qu’au sens de  l’article 156 de l’Acte uniforme sus indiqué, le tiers saisi est celui qui détient des fonds appartenant au débiteur du saisissant et l’absence de déclaration ou l’inexactitude des déclarations  sur l’étendue de ses obligations à  l’égard du débiteur l’ expose  au paiement des causes de la saisie ; qu’en retenant que « la déclaration tardive du Trésorier général qui est assimilée à une absence de déclaration, ne peut exposer l’Etat du Niger au paiement des causes de la saisie dès lors qu’il est rapporté que ce dernier ne détient  dans ses livres aucune somme de Hamadi Mohamed au moment de la saisie et que la BINCI SA qui ne conteste pas la réalité des écritures du Trésorier général ne doit engager l’employeur de celui-ci au paiement d’une créance que n’a pas son propre débiteur dans les comptes de ce dernier », la Cour d’appel a légalement  justifié  sa décision ; qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé ;

 

Sur le moyen unique, en sa seconde branche

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’être entaché de contradiction de motifs en ce qu’il a relevé dans sa motivation à la fois  la violation de l’article 156 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution pour déclaration tardive du Trésor public  l’exposant  au paiement des causes de la saisie d’une part, et  d’autre part, l’absence de  condamnation de  l’Etat du Niger au paiement des causes de la saisie pour défaut  de fonds appartenant à monsieur Hamadi Mohamed dans les livres du trésor public au moment de la saisie ;

Mais attendu que  la Cour d’appel, en décidant qu’en l’absence de fonds appartenant à monsieur Hamadi Mohamed dans les livres du trésor public selon les indications du Trésorier général dans sa lettre du 19 mars  2007 prive celui-ci de la qualité de tiers saisi et ne peut par conséquent l’exposer en cas de déclarations tardives ou inexactes sur l’étendue de ses obligations à l’égard du saisi, a donné une base légale à sa décision ne contrariant pas ses motifs ; qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé ;

Attendu qu’ayant succombé, la BINCI doit être condamnée aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Dit qu’il n’y a pas lieu, en l’état, à l’examen de l’exception de litispendance ;

Rejette le pourvoi formé par la  BINCI ;

La condamne aux dépens.

Ainsi fait,  jugé  et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

Le Président

 Le Greffier