ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Deuxième Chambre
Audience publique du 15 mars 2007
Pourvoi n° : 034/2003/PC du 14/03/2003
Affaire : NIAVAS Albéric
ASPERTI LORENSINA épouse NIAVAS
(Conseils : SCPA ADJE-ASSI-METAN, Maître GLA Firmin, Avocats à la Cour)
contre
Société Générale de Banques en COTE D’IVOIRE dite SGBCI
(Conseils : SCPA L. DADIE-SANGARET & Associés, Avocats à la Cour)
ARRET N°007/2007 du 15 mars 2007
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 15 mars 2007 où étaient présents :
Messieurs : Antoine Joachim OLIVEIRA, Président
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Boubacar DICKO, Juge, Rapporteur
Et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire NIAVAS Albéric et ASPERTI LORENSINA épouse NIAVAS contre Société Générale de Banques en COTE D’IVOIRE dite SGBCI, par Arrêt n°591/02 du 11 juillet 2002 de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE, Chambre judiciaire, formation civile, saisie d’un pourvoi initié par exploit en date du 08 novembre 2001 des époux NIAVAS demeurant à Abidjan, Cocody, quartier CHU, derrière la Cité universitaire Jean MERMOZ, Villa n°84, 01 BP 1853 Abidjan 01, ayant pour conseils la SCPA ADJE-ASSI-METAN, Avocats à la Cour d’appel d’Abidjan, y demeurant 59, rue des Sambas (Indenié-Plateau) résidence « le TREFLE », 01 BP 6563 Abidjan 01 et Maître GLA Firmin, Avocat à la Cour y demeurant Abidjan-Plateau, immeuble Thomasset, 2ème étage, porte n°02, 23 BP 2056 Abidjan 23,en cassation de l’Arrêt n°481/01 rendu le 27 avril 2001 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort :
En la forme : Déclare NIAVAS et ASPERTI LORENSINA épouse NIAVAS et la Société Générale de Banques en COTE D’IVOIRE, recevables en leur appel, principal et incident respectivement relevé du Jugement civil n°527/CIV4 rendu le 22 novembre 1999 par le Tribunal de première instance d’Abidjan ;
Au fond : Déclare les appels, principal et incident, mal fondés ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Condamne les époux NIAVAS aux dépens. » ;
Les requérants invoquent à l’appui de leur pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à « l’exploit comportant pourvoi en cassation » annexé au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO ;
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure, que pour acquérir une villa de l’opération SOGEFIHA sise à Abidjan-Cocody Vallon, Monsieur NIAVAS Albéric, client de la Société Générale de Banques en COTE D’IVOIRE dite SGBCI, sollicitait et obtenait de celle-ci un prêt immobilier d’un montant de 21.600.000 francs CFA remboursable en 84 mensualités de 439.083 francs chacune allant du 31 janvier 1979 au 31 décembre 1985, ce, suivant acte notarié en dates des 27 novembre et 13 décembre 1978, portant ouverture de crédit et promesse d’affectation hypothécaire ; que le débiteur ne s’étant toutefois acquitté que de 39 mensualités, laissant les 45 autres impayées, la SGBCI, en vue du paiement de ce reliquat, s’est adressée à la justice en initiant une procédure d’injonction de payer ; qu’elle obtiendra l’Arrêt n°156 du 05 février 1993 de la Cour d’appel d’Abidjan qui a notamment décidé que « l’Ordonnance de condamnation n°5784/88 du 22 décembre 1988, sortira son effet à hauteur de la somme de 28.966.956 F » contre Monsieur NIAVAS Albéric ; que ledit arrêt ayant été signifié le 30 octobre 1997 et n’ayant pas fait l’objet de pourvoi en cassation, la SGBCI initiait une procédure de saisie immobilière sur l’immeuble sus-indiqué, objet du titre foncier numéro 44010 de la circonscription de Bingerville ; qu’ainsi, par Jugement n°216/CIV4 du 22 mars 1999, le Tribunal de première instance d’Abidjan adjugeait cet immeuble à Monsieur BAH Mamadou pour un montant de 40.010.000 francs CFA ; que par exploit en date du 06 avril 1999, les époux NIAVAS assignaient la SGBCI à l’effet d’entendre déclarer nul le jugement d’adjudication susvisé ; que le Tribunal de première instance d’Abidjan, saisi, rendait le Jugement n°537/CIV 4 en date du 22 novembre 1999, lequel, entre autres, constatait que « l’action des demandeurs est paralysée par la déchéance » et [était] « par conséquent irrecevable » ; que par exploit en dates des 23, 24 et 25 juin 2000, les époux NIAVAS relevaient appel du jugement précité devant la Cour d’appel d’Abidjan, laquelle rendait l’Arrêt confirmatif n°481/01 en date du 27 avril 2001, objet du présent pourvoi ;
Sur le premier moyen
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé la loi ou commis une erreur dans l’application ou l’interprétation de la loi, en ce que la Cour d’appel, pour confirmer la décision du Premier Juge, a usé de l’article 299 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution qui dispose que « les contestations ou demandes incidentes doivent, à peine de déchéance, être soulevées avant l’audience éventuelle. Toutefois, les demandes fondées sur un fait ou un acte survenu ou relevé postérieurement à cette audience et celles tendant à faire prononcer la distraction de tout ou partie des biens saisis, la nullité de tout ou partie de la procédure suivie à l’audience éventuelle ou la radiation de la saisie, peuvent encore être présentées après l’audience éventuelle, mais seulement, à peine de déchéance, jusqu’au huitième jour avant l’adjudication » ; que s’il résulte de ces dispositions que lorsque certains faits et actes sont avérés, ils peuvent être soulevés par voie demandée avant l’audience éventuelle ou postérieurement à cette audience jusqu’au 8ème jour avant l’adjudication, qu’en est-il lorsque le créancier a voulu la procédure de saisie opaque, l’a dissimulée à son débiteur et au locataire de l’immeuble, comme en l’espèce, en ce sens qu’aucun commandement n’a été signifié ni au débiteur, ni au locataire de l’immeuble, aucun placard n’a été opposé aux portes de l’immeuble objet de la saisie-vente jusqu’à l’adjudication ? ; qu’il apparaît que le texte spécial n’ayant pas prévu cette dernière hypothèse, aussi « le droit commun devrait refaire surface » et régler, voire freiner ces dissimulations ; que c’est pourquoi, il est demandé à la juridiction suprême de faire une application stricte de la loi et reconnaître que le cas qui est soumis à sa sagacité ne relève pas de l’article 299 de l’Acte uniforme précité, mais du « droit commun » et casser l’arrêt querellé, car retenir ledit article en l’espèce, relève d’une erreur dans l’application ou l’interprétation de la loi ;
Mais attendu qu’il est de principe que le moyen qui se borne à invoquer, de façon abstraite, la violation de la loi est irrecevable ;
Attendu en l’espèce que le moyen susénoncé, qui fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé la loi ou commis une erreur dans l’application de celle-ci, n’indique pas la norme juridique qui aurait été violée ou mal appliquée ; qu’il se contente à cet égard de citer l’article 299 de l’Acte uniforme précité et de récuser l’application de celui-ci aux faits de la cause au profit du « droit commun » dont il demande par ailleurs de faire une « application stricte » alors même que la nature de ce droit n’est pas spécifiée ; qu’en l’état de cette formulation d’où il appert que ledit moyen est mal articulé et imprécis, il y a lieu de le déclarer irrecevable ;
Sur le deuxième moyen
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué un défaut de base légale, résultant de l’absence, de l’insuffisance, de l’obscurité ou de la contrariété des motifs en ce que … quand bien même les juridictions inférieures confirmeraient qu’à la date du 08 ou 18 octobre 1999, un commandement a été servi à Monsieur NIAVAS Albéric « contre vents et marées », il n’est pas rapporté que l’épouse en biens communs ait eu connaissance d’un commandement, de sorte que son action en annulation de l’adjudication lui reste ouverte ; qu’en procédant à un amalgame consistant à dire que l’époux a eu connaissance d’un commandement et y a représenté les intérêts de son épouse, sans pouvoir en rapporter la preuve, la décision rendue par la juridiction inférieure a manqué de base légale et en conséquence, l’arrêt attaqué mérite cassation et annulation ;
Mais attendu que contrairement aux affirmations des requérants relatives à l’inexistence en la cause d’un commandement à eux servi par le créancier poursuivant, ce qui justifie leur demande d’annulation de l’adjudication de l’immeuble dont ils revendiquent la propriété, il figure au dossier de la procédure un « commandement aux fins de saisie » en date du 08 octobre 1998 établi à la requête de la SGBCI par Maître RAZACOU A. Emmanuel, Huissier de Justice à Abidjan ; que des mentions dudit acte, il appert que ledit commandement a été signifié à la personne de Monsieur NIAVAS Albéric, lequel a également reçu la signification à domicile destinée à son épouse et à qui l’huissier instrumentaire a pris soin d’adresser une lettre d’avertissement recommandée avec accusé de réception ; que dans ces conditions non suspectes, n’ayant pas prouvé que ledit acte était vicié et invalide, ni Monsieur NIAVAS Albéric, ni son épouse, qui a d’ailleurs toujours été associée à son époux dans la présente procédure d’annulation, ne sauraient à bon droit soutenir qu’en l’espèce, le commandement requis était inexistant ou ne leur avait pas été signifié par le créancier poursuivant ; d’où il suit que le moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;
Attendu que dans son « mémoire en réplique en cassation » en date du 12 novembre 2001, reçu à la Cour de céans le 14 mars 2003, la SGBCI, sous la plume de ses conseils la SCPA L. DADIE –SANGARET et Associés, Avocats à la Cour, a sollicité la condamnation des époux NIAVAS à lui payer la somme de 5.000.000 francs CFA à titre de dommages-intérêts « pour pourvoi abusif et vexatoire » ;
Attendu que le Règlement de procédure de la Cour de céans n’ayant pas prévu une telle demande, celle-ci sera par suite déclarée irrecevable ;
Attendu que les époux NIAVAS ayant succombé, doivent être condamnés aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette le pourvoi formé par Monsieur NIAVAS Albéric et Madame NIAVAS née ASPERTI LORENSINA contre l’Arrêt confirmatif n°481/01 rendu le 27 avril 2001 par la Cour d’appel d’Abidjan ;
Les condamne aux dépens ;
Déclare en outre irrecevable la demande de dommages-intérêts « pour pourvoi abusif et vexatoire » de la SGBCI, défenderesse au pourvoi, contre les requérants.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier