ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Première chambre
Audience publique du 29 juin 2006
Pourvoi : n°073/2004/PC du 24 juin 2004
Affaire : Société d’Etudes et de Représentation en Afrique Centrale dite SERAC
(Conseil : Maître PONDI PONDI, Avocat à la Cour)
Contre
Bureau de Recherches, d’Etudes et de Contrôles Géotechniques SARL dit BRECG
(Conseil : Maître ALIMA Marcus, Avocat à la Cour)
ARRET N° 010/2006 du 29 juin 2006
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 29 juin 2006 où étaient présents :
Messieurs Jacques M’BOSSO, Président
Maïnassara MAIDAGI, Juge, rapporteur
Biquezil NAMBAK, Juge
et Maître OUATTARA Yacouba, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré le 24 juin 2004 au greffe de la Cour de céans sous le n°073/2004/PC et formé par Maître PONDI PONDI, Avocat à la Cour, BP 10026 Yaoundé (CAMEROUN), agissant au nom et pour le compte de la Société d’Etudes et de Représentation en Afrique Centrale dite SERAC dont le siège social est à Yaoundé, BP 1833, prise en la personne de son représentant légal, Monsieur TONYE BATCHOM Christophe, dans la cause qui l’oppose au Bureau des Recherches, d’Etudes et de Contrôles Géotechniques dit BRECG dont le siège est à Yaoundé, BP 7833, ayant pour conseil Maître ALIMA Marcus, Avocat à la Cour, BP 1913 Yaoundé, en cassation de l’Arrêt n°180/CIV rendu le 27 février 2004 par la Cour d’appel du Centre et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement et en matière de référé, en appel en dernier ressort ;
En la forme :
Reçoit l’appel interjeté ;
Au fond :
Infirme l’ordonnance entreprise ;
Statuant à nouveau ;
Ordonne l’expulsion de la SERAC ainsi que tout occupant de son chef de l’immeuble urbain bâti objet du titre foncier n°6886/MFOUNFI sous astreinte de 50.000 francs par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAÏDAGI ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que la Société d’Etudes et de Représentation en Afrique Centrale SARL dite SERAC avait bénéficié de plusieurs concours financiers de la Banque Internationale du Cameroun pour le Commerce et l’Industrie dite BICIC dans le cadre de ses activités de commercialisation de produits de base (café et cacao) ; qu’estimant que la SERAC ne respectait pas ses engagements, la BICIC décidait de réaliser l’hypothèque prise sur l’immeuble, objet du titre foncier n°6886/Mfoundi appartenant à la SERAC ; que pour ce faire, la Société de Recouvrement des Créances du Cameroun (SRC), qui gère désormais le passif de la BICIC, faisait servir à la SERAC, par exploit d’huissier en date du 21 février 2001, un commandement aux fins de saisie immobilière ; que suite aux dires et observations insérés dans le cahier des charges par la Société SERAC, le Tribunal de grande instance du Mfoundi, statuant en premier et dernier ressort, avait par Jugement n°656 en date du 19 septembre 2001, ordonné la continuation des poursuites et fixé la date de la vente au 26 septembre 2001 ; que la SERAC formait pourvoi contre ledit jugement et parallèlement, par requête en date du 25 septembre 2001, sollicitait du Président de la Cour Suprême du CAMEROUN la suspension de l’exécution du jugement attaqué ; que par Ordonnance n°352 rendue le 08 février 2002, le Président de la Cour Suprême rejetait la requête aux fins de sursis à exécution ; qu’une nouvelle date de vente étant fixée au 12 mars 2002, la Société Bureau de Recherches, d’Etudes et de Contrôles Géotechniques dite BRECG avait été déclarée adjudicataire de l’immeuble litigieux et le titre foncier avait été muté au nom de cette dernière ; que la Société BRECG voulant entrer en possession de l’immeuble acquis en faisait sommation à la Société SERAC ; que cette dernière revenait devant la Cour d’appel pour relever appel du même Jugement n°656 du 19 septembre 2001 porté devant la Cour Suprême ; que par Arrêt n°414 du 02 juillet 2002 la Cour d’appel du Centre déclarait la saisie immobilière nulle ; que pendant que la Cour d’appel examinait l’appel relevé contre le Jugement n°656 du 19 septembre 2001, la Société BRECG saisissait le juge des référés pour voir ordonner l’expulsion de la SERAC ; que par Ordonnance n°32 rendue le 07 novembre 2002, le juge des référés se déclarait incompétent et sur appel relevé de ladite ordonnance, la Cour d’appel du Centre, par Arrêt n°180 en date du 27 février 2004 dont pourvoi, ordonnait l’expulsion de la SERAC des lieux occupés ;
Sur la compétence de la Cour
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les articles 31, 32, 33 et 337 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ainsi que l’article 1er de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général en ce que le titre foncier dont se prévaut la Société BRECG n’était plus un titre exécutoire, la vente de l’immeuble lui ayant permis d’obtenir ledit titre foncier ayant été annulée par l’Arrêt 414/CIV rendu le 02 juillet 2003 par la Cour d’appel du Centre, lequel arrêt a restitué à la SERAC SARL la propriété de l’immeuble, objet du titre foncier n°6886 du département du MFOUNDI ; que l’article 24 du Décret n°76-165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d’obtention du titre foncier au CAMEROUN dispose que , « la résolution de la vente d’un immeuble entraîne la mutation du titre délivré à l’acquéreur au nom du propriétaire initial » ; que dans les considérants du juge d’appel, nulle part il ne fait état de ce que la Société BRECG a contesté les conclusions de la SERAC affirmant que la Société BRECG reconnaît que la Cour d’appel a annulé le Jugement n°656 rendu le 19 septembre 2001 par le Tribunal de grande instance du MFOUNDI ;
Attendu que les articles 14, alinéas 3 et 4 du Traité susvisé et 28, alinéa 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution disposent respectivement que, « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales.
Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats parties dans les mêmes contentieux » et « à défaut d’exécution volontaire, tout créancier peut, quelle que soit la nature de sa créance, dans les conditions prévues au présent Acte uniforme, contraindre son débiteur à exécuter ses obligations à son égard ou pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits » ;
Attendu qu’il ressort de l’analyse des dispositions susénoncées que, d’une part, la Cour de céans ne peut se prononcer sur les décisions des juridictions des Etats parties dont elle est saisie que lorsque ces décisions sont intervenues dans des affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et règlements prévus au Traité institutif de l’OHADA à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales et, d’autre part, que les voies d’exécution, au sens de l’Acte uniforme précité, sont des procédures légales permettant à un créancier impayé soit de saisir les biens de son débiteur pour les vendre, le cas échéant, et se faire payer, soit de procéder à une saisie de créance en vue de se la faire attribuer, soit enfin, de se faire délivrer ou restituer un bien mobilier corporel ;
Attendu, en l’espèce, que l’affaire soumise à l’examen de la Cour de céans est relative à une demande d’expulsion visant à remettre les parties dans les situations juridiques qui étaient les leurs avant l’adjudication de l’immeuble litigieux ; que cette demande d’expulsion ne faisant pas partie des mesures d’exécution forcée telles que définies par l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, la Cour de céans est incompétente à connaître du présent recours en cassation ; qu’il échet de se déclarer incompétent ;
Attendu que la SERAC ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Se déclare incompétente ;
Condamne la Société d’Etudes et de Représentation en Afrique Centrale dite SERAC aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier