ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Première chambre
Audience publique du 26 octobre 2006
Pourvoi : n° 043/2004/PC du 28 avril 2004
Affaire : -KOMENAN KOUADIO Christophe
-HALIAR Ginette Wenceslas Roseline épouse KOMENAN
(Conseils: Maîtres ESSY M’GATTA et Ibrahima NIANG, Avocats à la Cour)
contre
- Banque Internationale pour le Commerce et l’Industrie de
Côte d’Ivoire dite BICICI
(Conseils: Maîtres DOGUE, Abbé YAO et Associés, Avocats à la Cour)
ARRET N° 020/2006 du 26 octobre 2006
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 26 octobre 2006 où étaient présents :
Messieurs Jacques M’BOSSO, Président
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Biquezil NAMBAK, Juge, rapporteur
et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré le 28 avril 2004 au greffe de la Cour de céans sous le n°043/2004/PC et formé par Maître Ibrahima NIANG, Avocat à la Cour, demeurant 17 Bis, 3ème Etage, escalier B, Immeuble « Les ambassadeurs », Avenue DELAFOSSE, Abidjan 01 BP 3138, agissant au nom et pour le compte des époux KOMENAN, dans une cause les opposant à la BICICI sise Avenue Franchet D’ESPEREY, Abidjan 01 B.P. 1298, prise en la personne de son Président Monsieur Ange KOFFI, ayant pour conseils, Maîtres Charles DOGUE, Abbé YAO et Associés, Avocats à la Cour, demeurant 29, Boulevard CLOZEL, au Plateau à Abidjan 01 B.P. 174, en cassation de l’Arrêt n° 248/03 rendu le 07 mars 2003 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en dernier ressort ;
En la forme : Déclare recevable l’appel relevé par les époux KOMENAN ;
Au fond : Les y dit mal fondés ; les en déboute ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Les condamne aux dépens » ;
Les requérants invoquent à l’appui de leur pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Biquezil NAMBAK ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que les époux KOMENAN avaient fait pratiquer une saisie attribution des créances entre les mains de la BICICI au préjudice de la SICOGI pour avoir paiement de la somme de 2.800.584 F suivant exploit de Maître ELIAKA Aimé, huissier de justice à Abidjan, en date du 25 juillet 2001; que le même huissier instrumentaire, à la requête des époux KOMENAN, avait signifié le 18 septembre 2001 un certificat de non contestation et fait sommation à la BICICI de payer les causes de la saisie entre ses mains habilitées à donner bonne et valable quittance ; que la BICICI s’était exécutée et remis à Maître ELIAKA un chèque de 2.800.584 F pour solde de tout compte et l’huissier de justice lui avait immédiatement signifié un acte de mainlevée quittance ; qu’estimant que ce paiement avait été fait entre les mains d’une personne qui n’était pas munie d’un pouvoir spécial à cet effet, les époux KOMENAN avaient refusé de recevoir ledit chèque et exigé que celui-ci fût libellé en leur nom ; qu’en date du 04 octobre 2001, par acte de Maître ADOU MELESS Ambroise, huissier de justice à Abidjan, la BICICI recevait assignation à comparaître à l’audience du 18 octobre 2001 du Tribunal de première instance d’Abidjan, pour s’entendre condamner à payer la somme de 995.000.000 F à titre de dommages et intérêts et réparation du préjudice subi du fait du comportement fautif de la BICICI ; que par Jugement n°39/02 du 28 février 2002, le Tribunal de première instance d’Abidjan avait déclaré mal fondée la demande des époux KOMENAN, reçu la BICICI en sa demande reconventionnelle et condamné les époux KOMENAN à payer 100.000 F de dommages et intérêts à la BICICI ; que sur appel des condamnés, la Cour d’appel d’Abidjan avait, par Arrêt n°248 du 07 mars 2003 dont pourvoi, confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Sur le premier moyen
Vu les dispositions de l’article 165 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 165 de l’Acte uniforme susvisé en ce que, pour confirmer le jugement querellé, la Cour d’appel a retenu d’une part, que l’huissier de justice, de par son statut, n’a pas besoin d’un mandat spécial pour percevoir le montant des condamnations dès lors qu’il est porteur de la grosse de la décision, et d’autre part, que les dispositions de l’article 165 de l’Acte uniforme susvisé concernent manifestement les personnes autres que les huissiers de justice alors que, selon le moyen, en premier lieu, il ne résulte guère de l’économie même dudit article une telle exemption de l’huissier de justice de l’obligation de justifier d’un pouvoir spécial, la généralité des termes du texte s’opposant à ce qu’une catégorie déterminée de personnes puisse ou soit soustraite à son application, et en second lieu, le texte sur lequel s’appuie le jugement confirmé par l’arrêt querellé a été abrogé en conséquence de l’abrogation de la loi dont il était le décret d’application ; qu’en décidant donc comme elle l’a fait, la Cour d’appel d’Abidjan a violé la lettre et l’esprit des dispositions du texte susvisé par errance dans son interprétation et son application, et son arrêt encourt de ce fait cassation ;
Attendu qu’aux termes de l’article 165 de l’Acte uniforme susvisé, « le paiement est effectué contre quittance entre les mains du créancier saisissant ou de son mandataire justifiant d’un pouvoir spécial qui en informe immédiatement son mandant.
Dans la limite des sommes versées, ce paiement éteint l’obligation du débiteur et celle du tiers saisi » ;
Mais attendu qu’en effet, l’huissier de justice, de par son statut d’officier ministériel et officier public chargé des significations et de l’exécution forcée des actes publics, n’a pas besoin de justifier de la part du créancier, d’un mandat exprès de saisir ou d’encaisser, la remise à lui du jugement ou de l’acte valant pouvoir pour toute exécution pour laquelle il n’est pas exigé de pouvoir spécial ; qu’à cet effet, l’article 29 du décret n°69-243 du 9 juin 1969 fixant les modalités d’application de la loi portant statut des huissiers de justice lequel, en l’espèce, n’a pas encore été abrogé, contrairement à ce que soutiennent les requérants, dispose qu’ « en matière de recouvrement judiciaire, la remise des actes ou décisions à l’huissier de justice, vaut mandat d’encaisser sauf preuve contraire » ; qu’en l’espèce, il n’est pas contesté que l’huissier instrumentaire ayant pratiqué la saisie attribution au profit des époux KOMENAN a fait sommation à la BICICI d’avoir à « payer immédiatement et sans délai aux requérants des mains de moi Huissier, porteur des présents, ayant charge de recevoir et pouvoir de donner bonne et valable quittance, le montant de la saisie… » ; que la BICICI ayant payé entre les mains de l’huissier sur la base d’un mandat légal, il ne saurait lui être reproché de s’être conformé à la sommation de ce dernier ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel d’Abidjan n’a en rien violé l’article 165 susénoncé de l’Acte uniforme susvisé ; qu’il suit que ce premier moyen doit être rejeté comme non fondé ;
Sur le second moyen
Attendu qu’il est également reproché à l’arrêt attaqué un défaut de base légale résultant de l’absence et de l’obscurité des motifs en ce que la Cour d’appel s’est bornée à déclarer que le retard de paiement serait imputable aux époux KOMENAN eux-mêmes qui, de façon injustifiée, ont refusé le paiement qui pourtant était régulier alors que, selon le moyen, d’une part, elle aurait dû caractériser les circonstances de la responsabilité civile à savoir la faute, le préjudice et le lien de cause à effet entre la faute et le préjudice, et d’autre part, elle ne pouvait leur imputer de faute dès lors qu’elle avait constaté que la BICICI avait procédé au paiement entre leurs propres mains, reconnaissant et avouant par là- même que le paiement par elle effectué entre les mains de l’huissier n’était pas libératoire et était donc fautif ; qu’en ne s’expliquant pas sur la faute imputable aux époux KOMENAN, le préjudice dont aurait souffert la BICICI et en n’établissant pas la relation de causalité entre la faute et le préjudice, la Cour d’appel a pêché par insuffisance et obscurité de motifs, ce qui équivaut à une absence totale de motifs, et donc à un manque de base légale de sa décision à sanctionner par la cassation ;
Mais attendu que, contrairement aux allégations des requérants, le juge d’appel, après avoir fait observer dans la motivation de sa décision que les dispositions de l’article 165 de l’Acte uniforme sur les voies d’exécution concernaient les personnes autres que les huissiers de justice, avait conclu que « s’il y a eu retard dans le paiement, ce retard est imputable aux époux KOMENAN eux-mêmes qui, de façon injustifiée, ont refusé le paiement qui pourtant était régulier » ; qu’en imputant clairement le retard du paiement au fait des époux KOMENAN eux-mêmes, pour confirmer la décision du Tribunal de première instance d’Abidjan qui les a déboutés de leur demande d’indemnisation et les a condamnés à payer 100.000 F pour procédure abusive, la Cour d’appel d’Abidjan a suffisamment motivé sa décision ; d’où il suit que ce second moyen de cassation doit être également rejeté comme non fondé ;
Attendu que les époux KOMENAN ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette le pourvoi formé par les époux KOMENAN ;
Les condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier