ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Audience Publique du 26 février 2004

 

Pourvoi : n°042/2002/PC du 28 août 2002.

 

Affaire : Maître TONYE Arlette

                (Avocat à la Cour)

Contre

Banque Internationale du Cameroun pour l’Epargne et le Crédit dite BICEC.

 (Conseils : Société Civile Professionnelle MBOCK-Mbedang-NDOCKLEN-NGUEMHE,  Avocats à la Cour)

 

 

ARRET N° 010/2004 du  26 février 2004

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 26 février 2004 où étaient présents :

 

Messieurs      Seydou BA,   Président

Jacques M’BOSSO,  Premier Vice-présiden

Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-président

Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge- rapporteur

Maïnassara MAIDAGI, Juge

Boubacar DICKO, Juge

Biquezil NAMBAK, Juge

 

et Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef ;

 

Sur le pourvoi enregistré le 28 août 2002 au greffe de la Cour de céans sous le n° 042/2002/PC et formé par Maître TONYE Arlette, Avocat au Barreau du CAMEROUN avec résidence à Douala, 638, avenue King Akwa, agissant par elle-même, laquelle élit domicile à la SCPA KONATE, MOISE-BAZIE et KOYO, Avocats à la Cour à Abidjan, 01 BP 3926 Abidjan 01, en cassation de l’Ordonnance n°702 rendue le 8 juillet 2002 par le Président de la Cour Suprême du CAMEROUN et dont le dispositif est le suivant :

« Déclarons régulière et recevable en la forme la requête dont s’agit ;

Au fond : Ordonnons, jusqu’à l’issue du pourvoi, la suspension de l’exécution de l’Arrêt n°24/REF rendu le 28 janvier 2002 par la Cour d’appel du Littoral ;

Disons que cette ordonnance sera exécutoire sur minute, dès notification et avant enregistrement » ;

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge à la Cour ;

Vu les dispositions des articles 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que sur le fondement de l’Ordonnance de taxation n° 220/PCA/DLA rendue le 07 août 2000 par le Président de la Cour d’appel de Douala, Maître TONYE Arlette, Avocat au Barreau du CAMEROUN, pratiquait une saisie-attribution de créances au préjudice de Mobil Oil Cameroun, débiteur saisi, entre les mains de la Banque Internationale du Cameroun pour l’Epargne et le Crédit (BICEC), tiers saisi, à l’effet d’obtenir le paiement de la somme de 65.014.931 francs ; que Mobil Oil Cameroun et la BICEC ayant sans succès initié diverses procédures en vue de se soustraire audit paiement, Maître TONYE Arlette obtenait pour sa part, par Ordonnance de référé n° 104 rendue le 17 novembre 2000 par le juge des référés du Tribunal de première instance de Douala, la condamnation de la BICEC au paiement des causes de la saisie sous astreinte de 5.000.000 francs CFA par jour de retard ; qu’à la date du  27 novembre 2000, Maître TONYE Arlette assignait la BICEC en liquidation d’astreinte et par Ordonnance de référé n° 161 rendue le 08 décembre 2000 par le Président du Tribunal de première instance de Douala, l’astreinte était provisoirement liquidée à la somme de 50.000.000 francs CFA ; que la BICEC relevait appel de ladite ordonnance et par Arrêt n° 325 rendu le 07 mai 2001, la Cour d’appel du Littoral à Douala déclarait cet appel irrecevable ; que la BICEC formait un pourvoi en cassation contre ledit arrêt et introduisait également une requête aux fins de suspension d’exécution du même arrêt auprès du Président de la Cour Suprême du CAMEROUN, lequel, par Ordonnance n° 702 rendue le 08 juillet 2002, faisait droit à la demande précitée ; que c’est cette ordonnance présidentielle qui est l’objet du présent recours en cassation devant la Cour de céans ;

Attendu que la BICEC, défenderesse au pourvoi, soulève in limine litis l’irrecevabilité du recours et l’incompétence de la Cour de céans ;

Sur la recevabilité  du recours

Attendu que la défenderesse fait valoir que la requérante a violé l’article 19 alinéa 2 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ainsi que les articles 23 paragraphe 1er et 27 paragraphe 1er du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA, en ce que celle-ci n’a pas déféré à l’exigence du ministère d’avocat et n’a pas produit un mandat spécial et qu’il échet en conséquence de déclarer son recours irrecevable ;

Attendu qu’aux termes de l’article 23 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, « le ministère d’avocat est obligatoire devant la Cour. Est admis à exercer ce ministère toute personne pouvant se présenter en qualité d’avocat dans une juridiction de l’un des Etats parties au Traité. Il appartient à toute personne se prévalant de cette qualité d’en apporter la preuve à la Cour. Elle devra en outre produire un mandat spécial de la partie qu’elle représente… » ;

Attendu qu’il n’est pas contesté que la requérante est avocate inscrite au Barreau du CAMEROUN et qu’à ce titre elle peut représenter tout justiciable devant la Cour de céans ; qu’il serait contraire à l’esprit du texte susénoncé de la priver de son droit d’agir par elle-même ;

Attendu que l’on ne saurait lui exiger de produire un mandat spécial qu’elle se serait donnée à elle-même ; qu’il y a lieu en conséquence de rejeter cette fin de non-recevoir ;

Sur la compétence de la Cour

Vu l’article 18 du Traité susvisé ;

Attendu que la Banque Internationale pour l’Epargne et le Crédit (BICEC) demande à la Cour de céans de se déclarer incompétente pour connaître du présent recours sur le fondement de l’article 18 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique au motif que pour qu’elle soit compétente conformément audit article 18 il faut que deux conditions soient cumulativement réunies, à savoir que la décision qui lui est déférée soit issue d’une juridiction nationale statuant en cassation et que la matière en cause soit régie par la législation communautaire (Actes uniformes) ;

Attendu qu’aux termes de l’article 18 du Traité, « toute partie qui, après avoir soulevé l’incompétence d’une juridiction nationale statuant en cassation estime que cette juridiction a, dans un litige la concernant, méconnu la compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage peut saisir cette dernière dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée ;

La Cour se prononce sur sa compétence par arrêt qu’elle notifie tant aux parties qu’à la juridiction en cause » ;

Attendu que Maître TONYE Arlette s’est pourvue en cassation devant la Cour de céans contre « l’Ordonnance n° 702 rendue le 08 juillet 2002 par le Président de la Cour Suprême du CAMEROUN ainsi que la procédure connexe de pourvoi en cassation pour voir déclarer nulle et non avenue l’Ordonnance n° 702 susvisée avec toutes les conséquences de droit » ;

Attendu que l’Ordonnance n° 702 en date du 8 juillet 2002 du Président de la Cour Suprême du CAMEROUN a été rendue sur requête aux fins de sursis à exécution en application de la loi camerounaise n° 92/008 du 14 août 1992 fixant certaines dispositions relatives à l’exécution des décisions de justice, modifiée par la loi n° 97/08 du 7 août 1997 ; que cette procédure est ouverte en cas de pourvoi formé devant la Cour Suprême du CAMEROUN ;

Attendu que la Cour Suprême du CAMEROUN n’a pas encore rendu sa décision sur le pourvoi de la BICEC ; que dès lors la requérante ne peut, compte tenu de ce qui est indiqué plus haut, saisir la Cour de céans de cette procédure encore pendante devant la Cour Suprême du CAMEROUN, ni de la mesure provisoire prise dans le cadre de ladite procédure ; qu’il s’ensuit que la Cour de céans doit se déclarer incompétente pour statuer sur le recours introduit par Maître TONYE Arlette ;

Attendu que Maître TONYE Arlette ayant succombé, doit être condamnée aux dépens.

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Rejette l’exception d’irrecevabilité ;

Se déclare incompétente ;

Condamne la requérante aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

 

 

Le Président

Le Greffier en chef