ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

 

Audience Publique du 21 mars 2002

 

Pourvoi n° 004/2001/PC du 09 avril 2001.

 

Affaire:  Compagnie Camerounaise d’Assurances et de

Réassurances dite CCAR

(Conseil : Maître EKOBO Emmanuel, Avocat à la Cour)

 

Contre

– Ayants droit WOROKOTANG MBATANG Pius

– Ayants droit MUCHING David

(Conseils : Maîtres KEM ATUD Edmond et DJIO André, Avocats à la Cour)

 

ARRET N° 007/2002 du  21 mars 2002

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ( C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires ( O.H.A.D.A ) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 21 mars 2002 où étaient présents :

 

Messieurs      Seydou BA,                                 Président

Jacques M’BOSSO,                       Premier Vice-président

Antoine Joachim OLIVEIRA,            Second Vice-président

Doumssinrinmbaye BAHDJE,          Juge

Maïnassara MAIDAGI,                    Juge – rapporteur

Boubacar DICKO,                                  Juge

 

et  Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef ;

 

Sur le pourvoi formé par la Compagnie Camerounaise d’Assurances et de Réassurances dite C.C.A.R., devenue AXA Assurances CAMEROUN S.A. dont le siège social est à Douala, Rue BEBEY EYIDI, B.P. n° 4068 Douala CAMEROUN, par l’organe de son Conseil Maître EKOBO Emmanuel, Avocat à Douala, 65 Avenue King Akwa, B.P. n° 241 Douala CAMEROUN, avec élection de domicile au Cabinet de Maître MORIBA KABBA, Avocat, 01 B.P. 4297 Abidjan 01, COTE D’IVOIRE, en cassation de l’Arrêt n° 38/REF rendu le 22 janvier 2001 par la Cour d’appel de Douala, République du CAMEROUN dans un litige opposant la requérante aux ayants droit de WOROKOTANG MBATANG Pius et aux ayants droit de MUCHING David qui ont pour Conseils Maître KEM ATUD Edmond et Maître DJIO André, arrêt dont le dispositif est le suivant :

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en dernier ressort ;

 

EN LA FORME

 

  • Reçoit l’appel ;

 

AU FOND

 

  • Le dit fondé ;
  • Infirme la décision entreprise ;
  • Evoquant et statuant à nouveau, déboute la Compagnie Camerounaise d’Assurances et de Réassurances (CCAR) de sa demande en mainlevée de saisie attribution comme non fondée ;
  • Reçoit la demande reconventionnelle des ayants droit de WOROKOTANG et MUCHING;
  • Ordonne le paiement à la S.G.B.C. tiers saisi de toutes les causes de la saisie attribution du 28 décembre 1999 sous astreinte de 500.000 francs par jour de retard à compter de la signification de la présente décision  ;
  • Condamne la C.C.A.R. aux dépens dont distraction au profit de Maîtres KEM ATUD et DJIO, Avocats aux offres de droit » ;

 

La requérante invoque, à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAIDAGI ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique  ;

Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA;

 

SUR LES DEUX MOYENS REUNIS

 

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les articles 47, 154, 157 et 171 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en ce que :

 

  • l’acte de saisie dressé le 28 décembre 1998 comporte d’une part un total de 13.700.000 F CFA au titre de frais injustifiés, encore d’une part une somme de 200.000 F CFA au titre du coût de l’acte et celle de 400.000 F CFA soit 200.000 F CFA pour chacun des créanciers, ce qui fait double emploi avec le coût réel de l’acte et enfin d’autre part une mention du droit de recette de l’huissier qui est de 1.081.535 F CFA et 982.756 F CFA pour chacun des créanciers respectifs mais sans le moindre décompte distinct du mode de calcul conforme à la réglementation nationale, alors que l’article 47 sus-indiqué ne prévoit que les frais exposés lesquels doivent être justifiés et établis en preuve, par des écrits, des factures, ou autres documents à produire et à débattre devant la juridiction saisie de la contestation ; et même si par extraordinaire, les justificatifs des frais prétendument exposés venaient à être produits et débattus contradictoirement, la dépense de frais d’exécution forcée à mettre à la charge de la requérante n’était manifestement pas nécessaire à la date de la saisie du 28 décembre 1999 dès lors que celle-ci avait notifié à ses créanciers depuis le 28 septembre 1999 son offre de paiement ; par conséquent la somme de 13.700.000 F CFA portée dans l’acte de saisie est demeurée injustifiée, donc non due ;

 

  • sous prétexte de faire application de l’article 47 de l’Acte uniforme, les motifs de l’arrêt rédigés en ces termes « considérant qu’il résulte de l’acte querellé qu’un décompte précis du principal réclamé par les appelants a été effectué…. également celui des frais d’exécution forcée tel que prévu par l’article 47 de l’Acte uniforme… » violent plutôt l’article 154 de l’Acte uniforme lequel dispose à propos du montant que l’acte de saisie emporte attribution au profit du saisissant, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée ainsi que tous ses accessoires, mais pour ce montant seulement, alors qu’il n’apparaît pas en l’espèce, faute de preuve de la dépense, que la somme de 13.700.000 F CFA soit un accessoire du montant principal, au sens de l’article 154 susvisé de l’Acte uniforme ;

 

  • de ce qui précède il apparaît que le montant des accessoires de la saisie est sérieusement contestable, l’arrêt attaqué ayant tiré prétexte dans ses motifs « qu’il résulte des pièces du dossier que le titre exécutoire en l’occurrence l’Arrêt n° 491/P rendu le 2 juin 1998 est devenu définitif mais n’a toujours pas été exécuté par le fait de la CCAR qui s’oppose au paiement des accessoires et autres frais légaux prévus par les textes régissant l’exécution des décisions de justice, accessoires et frais pourtant fondés et justifiés », pour contraindre l’exposante au paiement de l’intégralité des sommes contestées, en faisant assortir l’exécution de la saisie du 28 décembre 1999 d’une astreinte de 500.000 F CFA par jour de retard à compter de la signification, au lieu de donner effet à la saisie, pour la fraction non contestée de la dette et d’ordonner provisoirement le paiement d’une somme à déterminer en prescrivant, le cas échéant, des garanties comme le prévoit l’article 171 de l’Acte uniforme ;

 

  • d’une part, les intérêts mentionnés dans l’acte de saisie sont ceux qui incombent, d’après l’article 268 du Code CIMA (Conférence Interafricaine du Marchés d’Assurances) applicable en cas d’accident provoqué par plusieurs véhicules, ce qui est le cas de l’espèce, « vis à vis des personnes transportées », « à l’assureur de responsabilité du véhicule dans lequel les victimes ont pris place », d’autre part, l’indication des noms, prénoms et domicile des créanciers sur le même acte de saisie est prescrite à peine de nullité alors que l’indication de l’heure à laquelle l’acte est signifié, indication qui bien que n’ayant pas été formellement sanctionnée de nullité ne demeure pas moins une condition de régularité à la suite de l’article 46 de l’Acte uniforme qui dispose qu’aucune mesure d’exécution ne peut être commencée avant huit heures et après dix-huit heures, cette omission d’indiquer l’heure mettant la Cour de céans dans l’impossibilité d’exercer le contrôle de régularité de l’acte de saisie ;

Attendu qu’aux termes de l’article 154 alinéa 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution : « l’acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée ainsi que tous ses accessoires, mais pour ce montant seulement, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers » ;

Qu’aux termes de l’article 157 alinéa 2 – 3° du même Acte uniforme : « cet acte [de saisie] contient à peine de nullité :

3°) le décompte distinct de sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorés d’une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d’un mois prévu pour élever une contestation » ;

Attendu que la saisie-attribution pratiquée le 28 décembre 1999 étant faite en exécution de la grosse de l’Arrêt n° 491/P du 02 juin 1998 condamnant la CCAR à payer aux ayants droit de WOROKOTANG la somme de 19.046.340 F CFA et aux ayants droit de MUCHING la somme de 17.296.310 F CFA, les intérêts échus qui devaient figurer sur l’acte de saisie en application de l’article 157 alinéa 2 – 3° sus-indiqué devaient être les intérêts de droit qui découleraient de cette condamnation du 02 juin 1998 et non les intérêts découlant de plein droit d’une quelconque offre d’indemnité en application du code CIMA ;

Attendu qu’en déclarant donc « qu’il résulte de l’acte querellé qu’un décompte précis du principal par les appelants a été effectué  (19.046.340 francs et 19.046.340 francs), également celui des frais d’exécution forcée tel que prévus par l’article 47 de l’acte uniforme (7.200.000 francs de frais, 1.081.535 francs de droit de TVA et 200.000 francs de coût de l’acte pour chacun des deux appelants), celui des intérêts à échoir dans un délai d’un mois (369.983 francs pour chacun des deux appelants) et des intérêts de plein droit échus majoré au double du taux de l’usure à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre devenue définitive conformément aux dispositions des articles 231 et 233 du Code CIMA (16.418.212 francs pour chacun des deux appelants) », la Cour d’appel a inclus dans le décompte, des sommes qui ne sont ni prévues par l’Arrêt de condamnation n° 491/P du 02 juin 1998 ayant servi de base à la saisie-attribution, ni des accessoires du principal mais plutôt des intérêts découlant de plein droit de l’application du Code CIMA et a ainsi violé les dispositions des articles 154 et 157 de l’Acte uniforme sus-indiqué ; qu’il y a lieu dès lors de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer ;

SUR L’EVOCATION

Attendu que la CCAR demande, d’une part, de lui donner acte de son offre d’exécution volontaire du 22 septembre 1999 et de ses offres réelles du 23 mars 2001 (acceptées le 15 mars 2001), en paiement du principal non contesté de la créance liquidée par l’Arrêt n° 491/P du 2 juin 1998 de la Cour d’appel de Douala au Cameroun, à la somme de 36.342.650 F CFA et, d’autre part, d’annuler le procès-verbal de saisie-attribution des créances pratiquée le 28 décembre 1999 par Maître YOSSA née DJOMAKOUA Evelyne Thérèse, huissier de justice près la Cour d’appel et les Tribunaux de Douala au Cameroun ; qu’enfin elle demande de condamner les ayants droit de WOROKOTANG et ceux de MUCHING David aux dépens avec distraction au profit de Maître EKOBO Emmanuel, Avocat ;

Attendu que les ayants droit de WOROKOTANG et ceux de MUCHING concluent, pour leur part, à la confirmation de l’arrêt attaqué avec toutes les conséquences de droit après avoir demandé de constater qu’aucune exécution n’a eu lieu le 22 septembre 1999 ;

SUR LE DONNE ACTE

Attendu qu’il ressort des pièces versées au dossier de la procédure, notamment du « procès-verbal d’offres réelles » dressé les 23 février et 15 mars 2001, à la requête de la CCAR, par Maître  NGUESSON André, huissier de justice près les Tribunaux et Cour d’appel de Douala qu’une offre de paiement de la somme de 36.342.650 F CFA d’indemnité allouée aux ayants droit de WOROKOTANG MBATANG Pius et à ceux de MUCHING David, a été signifiée à ces derniers ; que Maître YOSSA née DJOMAKOUA Evelyne, huissier de justice, en l’Etude de laquelle ces ayants droit ont élu domicile et à qui l’exploit d’huissier a été délaissé, a répondu :

 

« – le 23 février 2001 : je ne suis pas habilité à transiger en lieu et place de mes requérants. Je ne peux pas donc recevoir les chèques si c’est en solde de tout compte.

 

– le 15 mars 2001 : je reçois ce jour 15 mars 2001 les différents chèques visés ci-dessus à titre d’acompte » ;

 

Attendu qu’il y a lieu dès lors de donner acte à la requérante CCAR de son offre réelle de paiement de la partie non contestée de la saisie-attribution soit la somme de 36.342.650 F CFA (dont 19.046.340 F CFA aux ayants droit de WOROKOTANG et 17.296.310 F CFA à ceux de MUCHING) qui a été acceptée à titre d’acompte par l’huissier chez qui les ayants droit de WOROKOTANG et ceux de MUCHING ont élu domicile ;

SUR LA DEMANDE D’ANNULATION DU PROCES VERBAL DE SAISIE

ATTRIBUTION

Attendu, en ce qui concerne la demande d’annulation du procès-verbal de saisie attribution des créances pratiquée le 28 décembre 1999, qu’il ressort de l’examen dudit procès-verbal que l’acte ainsi dressé contient, en ce qui concerne le décompte des sommes réclamées les mentions ci-après :

 

« 1) – Pour ayants droit WOROKOTANG MBATANG Pius

 

  • …………………………………………………………………. 19.046.340 F CFA
  • Intérêts échus au taux de 9 % du 04 novembre 1995 au

28 décembre 1999 en vertu des articles 231 et 233

du Code CIMA…………………………………………………………. 16.418.212 F CFA

–    Intérêts à échoir dans le délai d’un mois…………………………     369.983 F CFA

–    A titre de frais……………………………………………………………..  7.200.000 F CFA

  • Droit de recette……………………………………………………………. 1.081.535 F CFA
  • TVA/DR……………………………………………………………………… 247 F CFA
  • Coût de l’acte……………………………………………………………….. 000 F CFA

TOTAL………………………………………44.518.317 F  CFA

 

2°) Pour ayants droit de MUCHING David

 

  • …………………………………………………………………. 17.296.264 F CFA
  • Intérêts échus au taux de 9 % du 04 novembre 1995 au

28 décembre 1999 en vertu des articles 231 et 233

du Code CIMA…………………………………………………………. 14.909.622 F CFA

–   Intérêts à échoir dans le délai d’un mois…………………………      335.987 F CFA

–   A titre de frais……………………………………………………………..   6.500.000 F CFA

  • Droit de recette……………………………………………………………. 756 F CFA
  • TVA/DR……………………………………………………………………… 775 F CFA
  • Coût de l’acte……………………………………………………………….. 000 F CFA

TOTAL……………………………………40.408.404 F  CFA »

Attendu qu’il résulte de l’article 154 sus-énoncé que « l’acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée ainsi que tous ses accessoires, mais pour ce montant seulement, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers… »

Attendu que dans le cas d’espèce et tel qu’il ressort de l’énumération chiffrée ci-dessus, saisie attribution a été pratiquée non seulement sur les sommes dues en principal à savoir 19.046.340 F CFA pour les ayants droit de WOROKOTANG et 17.296.264 F CFA pour ceux de MUCHING et leurs accessoires, telles qu’elles découlent de l’Arrêt de condamnation n° 491/P du 02 juin 1998, mais également sur des sommes qui ne pouvaient être considérées comme les accessoires du principal à savoir 16.418.212 F CFA pour les ayants droit de WOROKOTANG et 14.909.622 F CFA pour ceux de MUCHING qui sont en réalité des pénalités découlant de l’offre d’indemnité prévues par le Code CIMA ; que ladite saisie-attribution ayant donc été pratiquée en partie sur des sommes non prévues par l’arrêt de condamnation ayant servi de base à la saisie, soit en violation de l’article 154 sus-énoncé, il y a lieu d’annuler le procès-verbal constatant ladite saisie-attribution et d’ordonner la main-levée de la saisie pratiquée avec toutes les conséquences de droit ;

Attendu que les ayants droit de WOROKOTANG et ceux de MUCHING ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens ;

 

 

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

 

– Casse l’Arrêt n° 38/REF rendu le 22 janvier 2001 par la Cour d’appel de Douala, République du CAMEROUN ;

Evoquant et statuant sur le fond,

 

– Donne acte à la CCAR de son offre réelle de paiement de la partie non contestée de la saisie-attribution soit la somme de 36.342.650 F CFA (dont 19.046.340 F CFA aux ayants droit de WOROKOTANG et 17.296.310 F CFA à ceux de MUCHING) qui a été acceptée à titre d’acompte par l’huissier chez qui les ayants droit de WOROKOTANG et ceux de MUCHING ont élu domicile ;

 

– Annule le procès-verbal de la saisie-attribution en date du 28 décembre 1999 ;

 

– Ordonne par conséquent la mainlevée de la saisie pratiquée avec toutes les conséquences de droit ;

 

– Condamne les ayants droit de WOROKOTANG et ceux de MUCHING aux dépens dont distraction au profit de Maître EKOBO Emmanuel, Avocat, aux offres et affirmations de droit.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 Le Président

Le Greffier en chef