ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

 Première Chambre                              

Audience publique du 30 mars 2006

Pourvoi : n° 076/2003/PC du 05 septembre 2003

Affaire : Société PONTY SARL

                (Conseil : Maître Ousmane SEYE, Avocat à la Cour)

   contre

      Société PONTY IMMOBILIERE SA.

      (Conseils : Maîtres KANSO et KOITA, Avocats à la Cour)

ARRET N°005/2006 du 30 mars 2006

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 30 mars 2006 où étaient présents :

 

  1. Jacques M’BOSSO,           Président, rapporteur

Maïnassara MAIDAGI,                    Juge

Biquezil NAMBAK,                       Juge

et  Maître ASSIEHUE Acka,              Greffier ;

 

Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire Société PONTY SARL contre Société PONTY IMMOBILIERE SA par Arrêt n° 27 en date du 02 avril 2003 de la Cour de cassation du Sénégal saisie d’un pourvoi initié le 05 novembre 2001 par Maître Ousmane SEYE, Avocat au barreau du Sénégal 71, Avenue Peytavin à Dakar, agissant au nom et pour le compte de la Société PONTY SARL, recours enregistré sous le n° 076/2003/PC du 05 septembre 2003,en cassation de l’Arrêt n° 333 rendu le 14 juin 2001 par la deuxième chambre civile et commerciale de la Cour d’appel de Dakar au profit de la Société PONTY IMMOBILIERE S.A. et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort,

En la forme :

Déclare l’appel recevable

Au fond :

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Met les dépens à la charge de la Société PONTY SARL » ;

 

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la « requête aux fins de pourvoi en cassation » annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur Jacques M’BOSSO, Président ;

Vu les articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure que le 02 février 1995, la Société PONTY SARL avait conclu un contrat de bail commercial pour une durée de six (06) ans renouvelable à compter du 1er janvier 1995 avec la Société PONTY IMMOBILIERE S.A. ; que ledit contrat prévoyait en l’une de ses clauses la « faculté pour chacune des parties de mettre fin au présent bail à l’expiration de chaque période de six (06) ans en prévenant l’autre partie au moins trois (03) mois à l’avance par lettre recommandée ou par acte extra judiciaire » ; qu’estimant que la Société PONTY SARL n’avait pas demandé le renouvellement de son bail par acte extrajudiciaire au plus tard trois mois avant l’expiration dudit bail soit au plus tard le 30 septembre 2000 comme l’y obligeait l’article 92 de l’Acte uniforme portant sur le Droit Commercial Général et qu’elle était, par conséquent, déchue de ce droit, la Société PONTY IMMOBILIERE S.A. l’avait assignée en expulsion des lieux qu’elle occupait pour violation des dispositions d’ordre public dudit article ; que par Ordonnance n° 03 du 29 janvier 2001, le juge des référés du Tribunal Régional hors classe de Dakar avait constaté la déchéance du droit au renouvellement du bail de la Société PONTY SARL et ordonné son expulsion des lieux occupés ; que sur appel de ladite Société PONTY SARL, la Cour d’appel de Dakar avait, par Arrêt n° 333 du 14 juin 2001, confirmé l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ; que sur pourvoi formé contre l’Arrêt susindiqué devant la Cour de cassation du Sénégal, celle-ci s’était déclarée incompétente et dessaisie du dossier au profit de la Cour de céans par Arrêt n° 27 du 02 avril 2003 ;

 

Sur les premier et deuxième moyens réunis

Vu l’article 92 alinéas 1 et 2 de l’Acte uniforme portant sur le Droit commercial général ;

 

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir doublement violé l’article 101 de l’Acte uniforme susvisé en ce que la Cour d’appel a considéré, d’une part, que le juge des référés était compétent et, d’autre part, « que le litige en l’espèce porte sur le renouvellement du bail et non sur sa résiliation judiciaire et n’est pas en conséquence soumis aux dispositions de l’article 101 de l’Acte uniforme précité alors que, selon le premier moyen, « il n’est pas discutable que les parties sont liées par un bail commercial ; qu’il n’est pas non plus contesté que le contrat ne comporte aucune clause attributive de compétence au juge des référés ; qu’il ressort d’une jurisprudence constante des Cours et Tribunaux que depuis l’entrée en vigueur des textes de l’OHADA les litiges relatifs à la résiliation judiciaire du bail commercial relèvent de la compétence du juge du fond sauf clause attributive de compétence insérée dans le contrat  ; que cette jurisprudence se fonde sur les dispositions de l’article 101 de l’Acte uniforme portant sur le Droit commercial général, lequel entend donner explicitement compétence au juge du fond en mentionnant jugement … ; qu’en décidant que le litige n’est pas relatif à la résiliation du bail alors que celle-ci demeure le seul fondement de la décision d’expulsion, le premier juge a violé le texte susvisé » et, selon le deuxième moyen, que « l’article 101 de l’Acte uniforme portant sur le Droit commercial général qui est d’ordre public dispose qu’en cas d’inexécution d’une clause du bail, le bailleur doit sous peine de nullité de l’assignation servir une mise en demeure par acte extrajudiciaire reproduisant les termes dudit article ; en l’espèce, le bailleur a fondé sa demande d’expulsion sur le fait que le preneur a violé la clause du bail relative à la faculté de dénonciation ou de demande de renouvellement du bail ; que dès lors, il s’agit bel et bien de l’inexécution d’une clause claire et précise du bail tel qu’en dispose l’article 101 qui met à la charge du bailleur l’obligation de servir au préalable une mise en demeure par acte extrajudiciaire avec ajournement à comparaître à l’expiration du délai de trente jours et reproduisant les mentions prévues par l’article 101 de l’Acte uniforme sur le bail commercial ; que cette formalité prescrite à peine de nullité de l’assignation n’a pas été respectée… ; que n’ayant donc pas tiré la conséquence du non respect de cette formalité alors qu’il y était tenu en raison du caractère d’ordre public de l’article 101 (…), l’arrêt entrepris devra être cassé pour ce motif » ;

 

Attendu que l’article 92 alinéas 1 et 2 de l’Acte uniforme susvisé dispose que « dans le cas du bail à durée déterminée, le preneur qui a droit au renouvellement de son bail en vertu de l’article 91 ci-dessus, peut demander le renouvellement de celui-ci par acte extrajudiciaire au plus tard trois mois avant la date d’expiration du bail ;

Le preneur qui n’a pas formé sa demande de renouvellement dans ce délai est déchu du droit au renouvellement du bail » ;

 

Attendu, en l’espèce, que le preneur à savoir la Société PONTY SARL n’a pas demandé le renouvellement de son bail commercial comme prescrit par les dispositions susénoncées de l’article 92, alinéas 1 et 2 de l’Acte uniforme susvisé ; que dans l’assignation en expulsion servie le 22 janvier 2001 à ladite Société PONTY SARL, la Société PONTY IMMOBILIERE SA a sollicité l’expulsion de celle-ci en conséquence de la déchéance de son droit au renouvellement du bail en application des dispositions d’ordre public de l’article 92 de l’Acte uniforme portant sur le Droit commercial général ; que dans leurs conclusions écrites en appel en date du 09 mai 2001, Maîtres KANJO et KOITA, Conseils de la Société PONTY IMMOBILIERE SA, ont demandé à la Cour au regard des dispositions d’ordre public de l’article 92 de l’Acte uniforme portant sur le Droit commercial général, de constater d’une part, qu’il n’a jamais  été demandé au juge des référés du Tribunal Régional hors classe de Dakar la résiliation du bail en date du 02/02/1995 et que celui-ci n’a pas non plus procédé à cette résiliation et, d’autre part, que la déchéance du preneur de son droit au renouvellement est d’ordre public et met fin aux relations contractuelles des parties ; qu’ensuite « de dire et juger que l’article 101 de l’Acte uniforme précité n’était nullement applicable et ne pouvait être violé par l’action de la Société concluante » puis de confirmer l’ordonnance querellée en toutes ses dispositions en retenant que le premier juge a strictement appliqué la loi dans toute sa rigueur ; qu’ainsi, en concluant « qu’il s’agit en l’espèce d’un bail à durée déterminée ; que ce dernier étant arrivé à expiration, son renouvellement est régi par les dispositions d’ordre public de l’article 92 de l’Acte uniforme ; que l’article 92 fait peser sur le preneur l’obligation de demander le renouvellement du bail par acte extrajudiciaire au plus tard trois mois avant la date d’expiration ; qu’il sanctionne par la déchéance de son droit au renouvellement du bail le preneur qui a manqué à cette obligation ; que le juge des référés est compétent pour constater cette déchéance et prononcer l’expulsion du preneur », pour confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, la Cour d’appel de Dakar n’a en rien violé les dispositions de l’article 101 susindiqué ; que les moyens n’étant pas fondés, il échet de les rejeter ;

 

Sur le troisième moyen

Vu l’article 102 de l’Acte uniforme portant sur le Droit commercial général ;

Attendu qu’il est enfin fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 97 de l’Acte uniforme portant sur le Droit commercial général en ce que la Cour d’appel de Dakar a considéré, dans la motivation de son arrêt, « que la clause de résiliation insérée dans le bail du 02 février 1995 ne peut prévaloir sur les dispositions d’ordre public de l’article  92 susvisé » alors que, selon le moyen, en réclamant le loyer du mois de janvier payé contre quittance, la Société PONTY IMMOBILIERE SA a manifesté sa volonté non équivoque de poursuivre le bail pour une nouvelle période triennale tel qu’en dispose l’article 97 de l’Acte uniforme susvisé ; qu’il suit qu’en décidant que son argument, tiré de la violation de la clause de résiliation insérée dans le contrat, doit être écarté au motif que celui-ci ne peut prévaloir sur les dispositions de l’article 92 de l’Acte uniforme qui sont d’ordre public, la Cour d’appel a violé l’article 97 susvisé et son arrêt encourt cassation ;

 

Attendu qu’aux termes de l’article 102 de l’Acte uniforme susvisé, « sont d’ordre public les dispositions des articles 69, 70, 71 (…) 92 (…) et 101 du présent Acte uniforme » ;

 

Attendu, en l’espèce, que les dispositions de l’article 92 de l’Acte uniforme susvisé étant d’ordre public, il ne peut y être dérogé par convention des parties ; que de même, il ne saurait être déduit d’un quelconque comportement de la PONTY IMMOBILIERE SA et notamment de l’encaissement d’un loyer, la volonté de celle-ci de reconduire tacitement ou implicitement le contrat de bail litigieux en violation desdites dispositions d’ordre public de l’article 92 de l’Acte uniforme susvisé ; qu’ainsi la clause de résiliation insérée au contrat de bail liant PONTY SARL et PONTY IMMOBILIERE SA et dont celle-là invoque la violation ne saurait prévaloir sur lesdites dispositions d’ordre public ; qu’il suit qu’en considérant que « ladite clause de résiliation insérée dans le bail du 02 février ne peut prévaloir sur les dispositions d’ordre public de l’article 92 susvisé », la Cour d’appel de Dakar n’a en rien violé l’article 97 de    l’Acte uniforme susvisé ; que le troisième moyen n’étant pas fondé doit également être rejeté ;

 

Attendu que PONTY SARL ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Rejette  le pourvoi formé par la Société PONTY SARL ;

La condamne aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

 

Le Président

Le Greffier