ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Troisième chambre
Audience publique du 29 mars 2018
Pourvoi : n° 067/2017/PC du 10/04/2017
Affaire : Société MATE ALU Sarl
(Conseil : Maître Karim SOULEY, Avocat à la Cour)
contre
Société SMART ELECTRONICS Sarl
(Conseil : Maître CAMPOS Désiré Anastase, Avocat à la Cour)
Arrêt N° 083/2018 du 29 mars 2018
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième Chambre, a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 29 mars 2018 où étaient présents :
Messieurs César Apollinaire ONDO MVE, Président, Rapporteur
Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge
Djimasna N’DONINGAR, Juge
et Maître Koessy Alfred BADO, Greffier ;
Sur le renvoi en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la CCJA, de l’affaire société MATE-ALU contre société SMART ELECTRONICS, par arrêt n°16-082 Civ. du 18 octobre 2016, de la Cour de Cassation du Niger saisie du pourvoi formé le 19 août 2015 par Maitre Karim SOULEY, Avocat à la Cour, demeurant à Niamey, Nouveau Marché, B.P. 12.950, agissant au nom et pour le compte de la société MATE-ALU, dont le siège se trouve à Niamey, quartier Yantala, 01 B.P.5068, dans le différend qui l’oppose à la société SMART ELECTRONICS, dont le siège est à Cotonou, Bénin, quartier Ganhi, ayant pour conseil Maître CAMPOS Désiré Anastase, Avocat à la Cour à Niamey, B.P. 101.56,en cassation de l’arrêt n°21 du 16 février 2015 rendu par la Cour d’appel de Niamey, dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en dernier ressort ;
-Reçoit MATE-ALU SARL en son appel régulier en la forme ;
-Au fond, confirme le jugement attaqué ;
-Condamne l’appelante aux dépens (…) » ;
La demanderesse invoque au soutien de son recours le moyen unique tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de monsieur le Second Vice-Président César Apollinaire ONDO MVE ;
Vu le Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que SMART ELECTRONICS a commandé 2.500 téléphones de type SAMSUNG E 1105, d’un montant total de 18.750.000 FCFA, à MATE-ALU ; qu’en lieu et place du modèle sollicité, MATE-ALU a plutôt expédié des téléphones de marque SAMSUNG E 1200 ; que malgré la demande de MATE-ALU de retourner le colis livré par erreur, SMART ELECTRONICS a préféré pratiquer une saisie conservatoire sur la livraison ; que cette saisie ayant été annulée par décision du juge des référés confirmée en appel, SMART ELECTRONICS a saisi le Tribunal de grande instance hors classe de Niamey qui, par jugement n°98 du 5 mars 2014, a condamné MATE-ALU à lui payer les sommes de 18.750.000 FCFA, en remboursement du prix de la vente, 187.500 FCFA à titre d’intérêts de droit et 3.000.000 de FCFA à titre de dommages-intérêts, ordonné l’exécution provisoire sur la créance principale et débouté MATE-ALU de sa demande reconventionnelle ; que sur appel de MATE-ALU, la Cour de Niamey a rendu l’arrêt dont recours ;
Attendu qu’en application de l’article 51 du Règlement de procédure de la Cour, le Greffier en Chef a, par lettres n°s 0989/2017/G4 et 0990/2017/G4 du 27 juin 2017, demeurées sans suite, avisé les deux parties de la réception de la présente procédure ; qu’au regard de la requête du 14 août 2015 de la demanderesse, et du mémoire de la défenderesse du 8 mars 2016, régulièrement déposés devant la Cour de cassation de Niamey, il y a lieu de statuer sur l’affaire ;
Sur le moyen unique
Attendu qu’il est reproché à la Cour d’avoir fondé sa décision sur le fait que MATE-ALU devait se conformer à la demande de son cocontractant, sans prendre en compte le fait que SMART ELECTRONICS s’était opposée à la demande à elle faite par MATE ALU de renvoyer les téléphones livrés et que, par ce refus, elle avait marqué son acceptation des marchandises expédiées, dont elle avait du reste toujours la possession au moment où la Cour statuait, tout en continuant d’invoquer la non-conformité de la livraison ; qu’en outre, les téléphones expédiés et reçus sont de la même marque et du même modèle que ceux commandés, mais aussi plus chers que ceux-ci, de sorte que c’est davantage MATE-ALU qui est sortie perdante de cette opération ; qu’en déclarant le contrat de vente résolu au mépris de toutes ces circonstances, la Cour a, selon le moyen, fait manquer de base légale à sa décision ; que celle-ci encourt ainsi la cassation en vertu de l’article 2 alinéa 2 de la loi nigérienne n°2004-50 du 22 juillet 2004 ;
Attendu en effet qu’il appert en l’espèce que la Cour d’appel, après s’être référée au premier jugement qui a visé l’article 281 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, prononce une condamnation unilatérale en omettant de remettre le vendeur dans ses droits à restitution ou de lui imposer le remplacement des marchandises non conformes, faisant ainsi manquer de base légale à sa décision ; qu’il échet de casser l’arrêt déféré et d’évoquer ;
Sur l’évocation
Attendu que suivant acte en date du 16 juillet 2014, MATE-ALU a interjeté appel du jugement n°98 rendu le 5 mars 2014 par le Tribunal de grande instance hors classe de Niamey qui l’a condamnée à payer les sommes de 18.750.000 FCFA, en remboursement du prix de la vente, 187.500 FCFA à titre d’intérêts de droit et 3.000.000 de FCFA à titre de dommages-intérêts à SMART ELECTRONICS, ordonné l’exécution provisoire sur la créance principale, et l’a déboutée de sa demande reconventionnelle ; qu’elle demande d’infirmer ledit jugement, de débouter SMART ELECTRONICS de sa demande et de condamner celle-ci à lui payer la somme de 9.250.000 FCFA à titre de dommages-intérêts ; qu’elle expose que SMART ELECTRONICS lui a commandé 2.500 téléphones de marque Samsung E 1105 au prix unitaire de 7.500 FCFA qui devaient être livrés dans un délai de 5 jours à Lomé ; que par erreur, au lieu de téléphones Samsung E 1105, ce sont des Samsung E 1200 qu’elle a expédiés ; que s’étant rendue compte de cette erreur, elle a demandé à SMART ELECTRONICS de lui renvoyer lesdits téléphones ; que cette dernière s’abstenait et procédait à une saisie conservatoire sur lesdits objets ; que suivant ordonnance de référé du 23 juillet 2013, confirmée par la Cour d’appel, cette saisie a été annulée ; que SMART ELECTRONICS a assigné au fond MATE-ALU aux fins d’obtenir le remboursement de la somme de 18.750.000 FCFA représentant le prix des téléphones commandés, ainsi que le paiement de la somme de 3.000.000 de FCFA à titre de dommages-intérêts ; que le premier juge a fait droit à l’ensemble desdites demandes ; qu’elle estime que le premier juge n’a pas tenu compte de la réalité des faits ; que c’est elle qui a subi un préjudice dans cette opération et c’est à tort qu’elle a été déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts contre SMART ELECTRONICS ;
Attendu qu’en réplique, SMART ELECTRONICS conclut à la confirmation du jugement entrepris ; que, selon elle, MATE-ALU, en livrant des téléphones de marque Samsung E 1200 au lieu des téléphones de marque Samsung E 1105, ne s’est pas conformée au contrat ; qu’elle a commis une faute qui justifie l’ensemble des décisions rendues en la cause par le premier juge ;
Sur la résolution de la vente
Attendu que si la résolution de la vente peut être demandée par une partie, en vertu de l’article 281 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, en cas d’inexécution par l’autre de ses engagements, il est constant qu’en l’espèce SMART ELECTRONICS s’est opposée à la restitution des téléphones expédiés par erreur ; qu’elle a retenu lesdits téléphones malgré la levée de la saisie, tout en continuant d’exiger l’exécution conforme du contrat; qu’en se comportant ainsi, SMART ELECTRONICS a failli à son devoir d’exécution de bonne foi du contrat ; que ces circonstances excluent toute faute à la charge de MATE-ALU ; que, par conséquent, il n’y a pas lieu à la résolution du contrat de vente ; que le jugement entrepris mérite l’infirmation de ce chef ;
Sur la demande reconventionnelle
Attendu que même si les prétentions de SMART ELECTRONICS ne sont pas fondées, aucun élément du dossier n’établit son intention manifeste de nuire ; qu’il échet de débouter MATE-ALU de sa demande reconventionnelle ;
Attendu que SMART ELECTRONICS ayant succombé, il convient de la condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
Casse et annule l’arrêt n°21 du 16 février 2015 rendu par la Cour d’appel de Niamey ;
Evoquant et statuant au fond :
Infirme le jugement entrepris ;
Déboute les parties de leurs demandes ;
Condamne SMART ELECTRONICS aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier