ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Audience Publique du 27 juin 2002

Pourvoi n° 014/2001/PC du 24 août 2001.

Affaire :   Société MAREGEL

                (Conseil : SCP DIOUF et FALL, Avocats à la Cour)

Contre

                        Sérigne Moustapha MBACKE

    (Conseil : Maître Cheikh Amadou DIOP, Avocat à la Cour)                       

ARRET N° 016/2002 du 27 juin 2002

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ( C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires ( O.H.A.D.A ) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 27 juin 2002 où étaient présents :

 

Messieurs      Seydou BA,                                 Président

Jacques M’BOSSO,                       Premier Vice-président

Antoine Joachim OLIVEIRA,            Second Vice-président

Doumssinrinmbaye BAHDJE,          Juge

Maïnassara MAIDAGI,                    Juge – rapporteur

Boubacar DICKO,                         Juge

 

et  Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef ;

 

Sur le pourvoi non daté, mais enregistré à la Cour de céans le 24 août 2001 sous le n° 014/2001/PC, formé par la SCP DIOUF et FALL, Avocats à la Cour, 38, rue Félix Faure à Dakar, BP 9018, agissant au nom et pour le compte de la Société à responsabilité limitée MAREGEL, dans une cause  l’opposant à Sérigne Moustapha MBACKE, ayant pour conseil Maître Cheikh Amadou DIOP, Avocat à la Cour,en cassation de l’Arrêt n°120 du 16 février 2001 rendu en matière civile et commerciale par la première chambre de la Cour d’appel de Dakar, République du SENEGAL, dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

 

Déclare recevables l’appel de la Société MAREGEL et celui incident de Sérigne Moustapha MBACKE ;

 

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Sérigne Moustapha MBACKE à payer à la Société MAREGEL la somme de 5.000.000 de francs, ordonné la restitution des pirogues sous astreinte de 100.000 francs par jour de retard, débouté Sérigne Moustapha MBACKE de sa demande de dommages-intérêts ;

 

Statuant sur la demande en payement de dommages-intérêts de la Société MAREGEL :

 

  • Déboute celle-ci de cette prétention ;
  • Fait masse des dépens.» ;

 

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAIDAGI ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique  ;

Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que par acte intitulé « PRET DE MAREGEL » signé par Sérigne Moustapha MBACKE et par un autre acte daté du 09 février 1999 appelé « CONTRAT COMMERCIAL » signé par le même Sérigne Moustapha MBACKE et Monsieur Francisco MANUEL, la Société MAREGEL a consenti un prêt de cinq millions (5.000.000) de francs CFA à Sérigne Moustapha MBACKE d’une part, et, d’autre part, s’est engagée à offrir au même bénéficiaire du prêt, en qualité de propriétaire des pirogues SENPA 1, SENPA 4 et SENPA 2,  une garantie à hauteur de dix millions (10.000.000) de FCFA en cas de saisie définitive des pirogues due à une faute administrative à elle imputée ; que Sérigne Moustapha MBACKE, de son côté, a donné en garantie pour le remboursement du prêt, les produits de la pêche de ses pirogues et s’est engagé à rembourser la totalité de la somme dans un délai maximum de deux mois à compter de la date du premier départ en mer, ledit remboursement s’effectuant par prélèvement à concurrence de 50 % de la valeur nette de la pêche dans trois pirogues ou plus s’il y a lieu ; qu’il s’est engagé aussi à mettre à la disposition de la Société MAREGEL ses trois pirogues sus-indiquées pour la pêche des produits destinés exclusivement à ladite Société ; qu’enfin il s’est engagé à vendre exclusivement à la Société MAREGEL la quasi-totalité de ses pêches ; qu’entre autres clauses insérées dans les deux actes signés, il est spécifié, d’une part, qu’à l’expiration du délai, les pirogues ne peuvent pas retourner en mer  tant que la totalité de la somme avancée n’est pas remboursée et, d’autre part, qu’en cas de non-respect des engagements de remboursement, la Société MAREGEL se réserve le droit de s’approprier la totalité de la pêche d’une ou de plusieurs pirogues en compensation des sommes dues ; qu’ayant estimé que Sérigne Moustapha MBACKE ne respectait pas ses engagements, les pirogues ayant d’ailleurs été entre temps arraisonnées par la marine mauritanienne, la Société MAREGEL a, par exploit d’huissier en date du 02 août 1999, dénoncé le contrat et mis son cocontractant en demeure de payer sa dette ; que cette mise en demeure ayant été infructueuse, elle a saisi le tribunal régional de Dakar pour voir condamner Sérigne Moustapha MBACKE à lui payer non seulement les cinq millions (5.000.000) de F CFA prêtés mais également la somme de trois millions quatre cent onze mille cent treize (3.411.113) F CFA qu’elle aurait avancée pour le financement des marées ainsi que la somme de deux millions (2.000.000) de F CFA à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, le tout assorti de l’exécution provisoire ; que pour sa part, Sérigne Moustapha MBACKE s’est porté demandeur reconventionnel pour obtenir, d’une part, la restitution immédiate de ses pirogues retenues par la Société MAREGEL sous astreinte de cinq cent mille  (500.000) F CFA par jour de retard et, d’autre part, le paiement de la somme de quinze millions (15.000.000) de F CFA à titre de dommages-intérêts ; que par Jugement n° 625 du 05 avril 2000, le Tribunal Régional de Dakar a condamné Sérigne Moustapha MBACKE à payer à la Société MAREGEL la somme de cinq millions (5.000.000) F CFA, débouté la Société MAREGEL du surplus de sa demande, ordonné la restitution des pirogues sous astreinte de  cent mille (100.000) francs par jour de retard et débouté Sérigne Moustapha MBACKE de sa prétention aux dommages-intérêts ; que sur appel de la  Société MAREGEL, la première chambre civile de la Cour d’appel de Dakar a confirmé le jugement entrepris par Arrêt n° 120 du 16 février 2001 dont pourvoi ;

 

Sur le premier moyen

Vu les articles 41 et 42 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés ;

 

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 41 de l’Acte uniforme susvisé, en ce que la Cour d’appel a refusé à la Société MAREGEL le bénéfice du droit de rétention alors qu’elle dispose d’une créance certaine, liquide et exigible ; que selon la requérante, il n’est pas discuté qu’elle a une créance certaine – la Cour l’admet puisqu’elle confirme la condamnation du juge d’instance -, liquide et exigible – le contrat de prêt stipulait expressément que le remboursement total devait intervenir dans les deux mois  suivant le premier départ en mer et l’article 3 du contrat de prêt indique expressément que les pirogues ne pouvaient pas retourner à la mer sans le remboursement du montant du prêt – ; que toujours selon la requérante, la Cour a violé deux principes de droit : le principe de la force obligatoire du contrat et celui tiré des articles 41 et suivants de l’Acte uniforme susvisé ;

 

Mais attendu qu’aux termes des articles 41 et 42 alinéa 1er de l’Acte uniforme susvisé « le créancier qui détient légitimement un bien du débiteur peut le retenir jusqu’à complet paiement de ce qui lui est dû, indépendamment de toute autre sûreté » et « le droit de rétention ne peut s’exercer que :

 

  • avant toute saisie ;
  • si la créance est certaine, liquide et exigible ;
  • s’il existe un lien de connexité entre la naissance de la créance et la chose retenue » ;

 

Attendu qu’il ressort du contrat de prêt signé par Sérigne Moustapha MBACKE que ce dernier s’est engagé à rembourser la totalité de la somme dans un délai maximum de deux mois à compter de la date du premier départ en mer et qu’à l’expiration dudit délai, les pirogues ne pouvaient pas retourner en mer tant que la totalité de la somme avancée n’était pas remboursée ;

 

Attendu qu’il n’est pas établi que le délai de deux mois imparti par le contrat à Sérigne Moustapha MBACKE pour s’acquitter de sa dette était expiré avant l’immobilisation des pirogues d’abord par les autorités mauritaniennes et ensuite du fait de la Société MAREGEL elle-même ; qu’il s’ensuit que la preuve de l’exigibilité de la créance de la Société MAREGEL n’est pas rapportée ; que dès lors, en déclarant que « toutes les conditions pour l’exercice d’un droit de rétention par la Société MAREGEL ne sont pas réunies… », la Cour d’appel n’a en rien violé les articles 41 et suivants de l’Acte uniforme susvisé et qu’il y a lieu de rejeter le pourvoi sur ce point ;

 

Sur le second moyen

Attendu qu’il est également reproché à l’arrêt attaqué « une contrariété de motifs ne permettant pas à la Cour de céans d’exercer son contrôle » en ce que la Cour d’appel, après avoir relevé elle-même que le sieur Sérigne Moustapha MBACKE demandait la confirmation du jugement entrepris sur le montant du prêt, admettant ainsi implicitement avoir failli à son obligation, « ne pouvait plus tard, de son propre fait, juger que la dette n’était pas exigible » ;

 

Mais attendu, s’il est vrai, qu’en statuant sur la demande en paiement de la Société MAREGEL, la Cour d’appel a effectivement considéré que Sérigne Moustapha MBACKE avait, implicitement, dans ses conclusions du 22 décembre 2000, demandé que le jugement entrepris soit confirmé en ce qu’il l’a condamné à payer la somme de cinq millions (5.000.000) de F CFA, cette constatation n’est en rien contredite par l’affirmation ultérieure que toutes les conditions pour l’exercice du droit de rétention n’étaient pas réunies, la date du premier départ en mer des pirogues n’ayant pas été déterminée au préalable pour permettre de connaître celle de l’expiration du délai de deux mois rendant exigible la somme due par Sérigne Moustapha MBACKE ; que la contrariété de motifs n’étant pas établie, il y a lieu de rejeter ce moyen ;

 

Attendu qu’en conséquence il y a lieu de rejeter le pourvoi et de condamner la Société MAREGEL aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Rejette le pourvoi ;

Condamne la Société MAREGEL aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

Le Président

Le Greffier en chef