ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Deuxième chambre

Audience publique du 27 juillet 2017

Pourvoi : n° 248/2016/PC du 10/11/2016

 

Affaire : Société Industrielle de pêche de Transformation des Produits                            

                Alimentaires Froid et Climatisation Sarl dite SIPAFIE SARL

               (Conseils : SCPA TAPTUE – MAMBOK & Associés, Avocats à la Cour)

                Contre

Révérend Père Alexis Marie ATANGANA                

Arrêt N° 187/2017 du 27 juillet 2017

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 27 juillet 2017 où étaient présents :

 

Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE,                                    Président

Namuano Francisco DIAS GOMES,                                        Juge,

Djimasna N’DONINGAR,                                                    Juge, Rapporteur

Diéhi Vincent KOUA,                                                               Juge,

César Apollinaire ONDO MVE,                                                   Juge,

et Maître Jean Bosco MONBLE,                                           Greffier,

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 10 novembre 2016 sous le n° 248/2016/PC et formé par la SCPA TAPTUE – MAMBOK & Associés, Avocats à la Cour, demeurant à Yaoundé, rond-point Nouvelle route de Nkolbisson, B.P. 20269, agissant au nom et pour le compte de la Société Industrielle de Pêches, de Transformation des Produits Alimentaires, Froid et Climatisation dite SIPAFIE SARL dont le siège est à Yaoundé, BP 11122, dans la cause qui l’oppose au Révérend Père Alexis Marie ATANGANA, demeurant à Yaoundé ; en cassation de l’arrêt n° 279/COM, rendu le 04 mai 2016 par la Cour d’appel du Centre à Yaoundé et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière commerciale, en appel, en collégialité et à l’unanimité des voix :

En la forme :

Déclare l’appel recevable ;

 

Au fond :

L’y dit non fondée et l’en déboute en conséquence ;

Condamne l’appelante aux dépends » ;

 

Attendu que la requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation, tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur Djimasna N’DONINGAR, Juge ;

 

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’en date du 13 avril 1999, la société SIPAFIE SARL concluait un contrat de bail d’une durée de 28 ans renouvelable par tacite reconduction sur un immeuble appartenant à la succession KPAMA avec sieur EFFILA Emile Edouard, cohéritier ; qu’ayant obtenu son retrait de l’indivision, le Révérend Père Alexis Marie ATANGANA, autre héritier, s’était vu octroyer l’immeuble donné en location à la société SIPAFIE ; qu’estimant emphytéotique le bail portant sur son immeuble, le Révérend Père ATANGANA sollicitait son annulation ; que, par jugement n°1183/CIV du 04 novembre 2013, le Tribunal de grande instance du Mfoundi faisait droit à cette demande ; que la Cour du Centre à Yaoundé, sur appel de la société SIPAFIE, rendait le 04 mai 2016 l’arrêt confirmatif dont pourvoi ;

 

Attendu qu’en application des articles 29 et 30 du Règlement de procédure, le pourvoi a été signifié par courrier n° 2462/2016/G4 du 16 décembre 2016, reçu le 04 mai 2017 par le conseil du Révérend Père Alexis Marie ATANGANA, la SCPA Synergy Law Firm ; que ce courrier est demeuré sans réaction de sa part ; que le principe du contradictoire ayant été respecté, il convient d’examiner le pourvoi ;

 

Sur le premier moyen, tiré de la violation des articles 10 du Traité de l’OHADA et 103 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général.

 

Attendu que la société SIPAFIE fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir  violé les dispositions des articles visés au moyen en annulant le contrat de bail sur le fondement de la Loi n°80/22 du 14 juillet 1980 portant répression des atteintes à la propriété foncière alors que, selon le moyen, le litige portant sur la nullité d’un bail commercial, la cour devait se limiter à la vérification de la régularité des conditions de formation de ce contrat à l’aune de l’article 103 ci-dessus cité ; que, subséquemment, en écartant les dispositions de l’Acte uniforme susvisé au profit de celles de la loi nationale, l’arrêt a violé l’article 10 du Traité de l’OHADA ;

 

Attendu en effet qu’aux termes de l’article 103 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, « est réputé bail à usage professionnel toute convention, écrite ou non, entre une personne investie par la loi ou une convention du droit de donner en location tout ou partie d’un immeuble compris dans le champ d’application du présent titre, et une autre personne physique ou morale, permettant à celle-ci, le preneur, d’exercer dans les lieux avec l’accord de celle-là, le bailleur, une activité commerciale, industrielle, artisanale ou toute autre activité professionnelle » ; que l’article 104 dudit Acte uniforme précise que « les parties fixent librement la durée du bail… » ; qu’il en résulte qu’en l’espèce, la fixation par les parties de la durée du contrat à 28 ans renouvelable ne peut soustraire le bail aux dispositions dudit Acte uniforme dès lors qu’il est manifeste que le bail a été consenti pour les activités commerciales de la société SIPAFIE ; que, par ailleurs, il ressort des éléments du dossier de la procédure que le bail a été concédé à la société SIPAFIE par sieur EFFILA Emile, co-indivisaire ayant déjà accompli des actes de même nature sur ledit immeuble à l’égard d’autres preneurs, sans aucune remise en cause de son mandat ; que ce comportement a pu conduire des tiers à croire raisonnablement de bonne foi qu’il agissait pour le compte de l’indivision ; que dès lors, en qualifiant le bail d’emphytéotique et en retenant que le signataire n’avait aucun mandat des co-indivisaires pour la transaction, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen et expose sa décision à la cassation ; qu’il echet d’évoquer sans qu’il ne soit besoin d’examiner le deuxième moyen ;

 

Sur l’évocation

 

Attendu que par requête en date du 15 janvier 2015, la société SIPAFIE SARL relevait appel contre le jugement n°1183 rendu le 04 novembre 2013 par le Tribunal de grande instance du Mfoundi dans l’affaire l’opposant au Révérend Père Alexis Marie ATANGANA dont le dispositif est ainsi conçu :

« Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière civile et commerciale et en premier ressort ;

Reçoit le Révérend Père Alexis Marie ATANGANA en son action ;

L’y dit fondé en conséquence ;

Déclare nul et de nul effet le contrat de bail n°15008 du 07 avril 1999 au répertoire de Maître Etienne Gérard KACK KACK conclu pour une durée de 28 ans entre la société SIPAFIE SARL et sieur EFFILA Emile Edouard pour son propre compte ;

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement nonobstant toutes voies de recours ;

Condamne la société SIPAFIE SARL aux entiers dépens » ;

 

Qu’au soutien de son appel, elle demande à la cour d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ; qu’elle expose qu’étant une société commerciale par nature, elle a conclu le contrat querellé pour l’exercice de ses activités commerciales, ce qui confère évidemment le caractère commercial au bail  concédé ; que l’article 104 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général disposant que la durée du contrat est librement fixée par les parties, et l’article 116 dudit Acte uniforme faisant de même pour la fixation du montant du loyer, l’on ne peut déduire de la durée de 28 ans du bail et du montant de 60.000 FCFA/mois du loyer pour qualifier le bail d’emphytéotique ; que par ailleurs, le sieur EFFILA Emile Edouard, signataire du contrat, s’est toujours comporté aux yeux des tiers comme étant le représentant de son frère, doté d’un mandat général ; qu’en matière commerciale, l’apparence fonde le droit et la bonne foi des tiers qui contractent sous cette base ; que c’est donc à tort que les premiers juges ont annulé le contrat de bail querellé ; qu’elle conclut à l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions ;

 

Attendu qu’en réplique, le Révérend Père Alexis Marie ATANGANA conclut au rejet des prétentions de la société SIPAFIE ; qu’il soutient que le caractère emphytéotique du bail ne fait aucun doute et se déduit de sa durée et de la modicité de la redevance payée en contrepartie ; qu’en application de l’article 1er de la loi du 25 juin 1902, seul le propriétaire de l’immeuble peut conclure sur son bien un tel contrat qui n’est pas un simple acte d’administration ; qu’il conclut à la confirmation du jugement entrepris ;

 

Attendu que pour les mêmes motifs que ceux développés lors de l’examen du moyen de cassation, tiré de la méconnaissance des articles 10 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique et 103 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, il y a lieu d’infirmer le jugement n° 1183 rendu le 04 novembre 2013 par le Tribunal de grande instance du Mfoundi en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de débouter le Révérend Père Alexis Marie ATANGANA de sa requête et de dire que le contrat querellé doit continuer à produire ses effets  ;

 

Attendu que le Révérend Père Alexis Marie ATANGANA succombant, sera condamné aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

 

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse l’Arrêt n° 279/COM rendu le 04 mai 2016 par la Cour d’appel du Centre à Yaoundé ;

Evoquant et statuant sur le fond,

Infirme, en toutes ses dispositions, le jugement n°1183 rendu le 04 novembre 2013 par le Tribunal de Grande Instance du Mfoundi ;

Statuant à nouveau,

Déboute Révérend Père Alexis Marie ATANGANA de sa requête tendant à l’annulation du contrat de bail ;

Dit que ledit contrat continuera à produire ses effets ;

Condamne le Révérend Père Alexis Marie ATANGANA aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

Le Président

Le Greffier