ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Troisième chambre

 

Audience publique du 14 décembre 2017

Pourvoi :  n° 077/2016/PC du 31/03/2016

Affaire :    Société Gestion Nouvelle des Chantiers et Ateliers (GNCAC)

      (Conseil : Maître Reine Angèle BIGEMI, Avocat à la Cour)

 

                                  contre  

               Société Civile Immobilière GABY

               (Conseil : Maître Jean Serge TCHISSAMBOU, Avocat à la Cour)

 

Arrêt N° 238/2017 du 14 décembre 2017

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième chambre, a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 14 décembre 2017 où étaient présents :

 

 

Messieurs César Apollinaire ONDO MVE,                            Président, Rapporteur

Namuano Francisco DIAS GOMES,                   Juge

Djimasna N’DONINGAR,                                Juge

 

et Maître     Alfred Koessy BADO                                     Greffier ;

 

 

 

Sur le recours enregistré au Greffe de la Cour de céans le 31 mars 2016 sous le n°077/2016/PC et formé par Maitre Reine Angèle Patricia BIGEMI, Avocat à la Cour à Pointe-Noire, Congo, Cabinet sis au Rond-Point KASSAI, face à la Banque Société Générale, Boulevard Charles de Gaulle, B.P. 5672, au nom et pour le compte de la société Gestion Nouvelle des Chantiers et Ateliers, dite GNCAC, ayant son siège à Pointe-Noire, Avenue de Loango, BP 1155, dans la cause qui l’oppose à la Société Civile Immobilière GABY, dite SCI GABY, dont le siège est au 45, Avenue MANDJI, OCH, Pointe-Noire, BP 759, ayant pour conseil Maitre Jean Serge TCHISSAMBOU, Avocat à la Cour à Pointe-Noire, Congo, Cabinet sis au Centre-ville, Boulevard Charles de Gaulle, Immeuble Tour Mayombe, 6ème étage,

en cassation de l’arrêt n°39 rendu le 22 décembre 2015 par la Cour d’appel de Pointe-Noire, dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;

 

En la forme :

Reçoit l’appel ;

 

Au fond :

Annule le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

 

Evoquant et statuant à nouveau

Ordonne l’audit des activités et comptes de la société GNCAC des années 2010 à 2014 ;

Désigne le Cabinet RAINBOW Finances SA à l’effet de procéder à l’Audit ;

Dit que les frais afférant à cet audit sont à la charge de la société GNCAC ;

Dit en outre que le Cabinet RAINBOW Finances SA adressera son rapport à la société SCI GABY, aux organes de gestion et de direction de la société GNCAC, ainsi qu’à ses commissaires aux comptes ;

Déboute la société SCI GABY de ses demandes portant sur l’audit organisationnel, l’audit des activités et comptes des années précédant l’année 2010, ainsi que celui de la société SIAC filiale de la société GNCAC ;

Condamne la société GNCAC aux dépens (…) » ;

 

La demanderesse invoque au soutien de son recours le moyen unique tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur le Second Vice-Président César Apollinaire ONDO MVE ;

 

Vu le Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que le 10 mars 2015, Gabriel NZAMBILA, es qualités d’actionnaire majoritaire et gérant de la SCI GABY qui détient 17,2% du capital de la société GNCAC, demandait au juge des référés du Tribunal de Commerce de Pointe-Noire d’ordonner un audit des activités et des comptes de la société GNCAC et de sa filiale, la société SIAC ; que la société GNCAC s’y opposait estimant qu’une telle mesure était inopportune, du fait que son Conseil d’administration avait déjà prescrit au Cabinet Deloitte la mission de faire un rapport sur sa valeur relativement à une éventuelle ouverture de son capital ; que par ordonnance n°190 du 18 mai 2015, le juge des référés du Tribunal de Commerce de Pointe-Noire ordonnait un audit des activités et des comptes de la société GNCAC pour la période 2010-2014, désignait pour y procéder monsieur Vincent PENA  PITRA, Expert-comptable, et déboutait les parties du surplus de leurs demandes ; que sur appel de la société GNCAC, la Cour de Pointe-Noire rendait l’arrêt dont pourvoi ;

 

Sur la recevabilité du recours

 

Attendu que la SCI GABY soulève l’irrecevabilité du recours, au motif que les mandats des conseils de la demanderesse ne répondent pas aux exigences de l’article 28.5 du Règlement de procédure de la CCJA, pour avoir été signés par Armand TESTI, alors qu’au regard de son extrait du Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM) du 14 mars 2016, la société GNCAC a comme Directeur Général Jean Paul BELFILS ; que n’ayant jamais été publiée au RCCM, la fonction de Directeur Général d’Armand TESTI est, en application de l’article 124 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, inopposable aux tiers ; que donc, selon la défenderesse, lesdits mandats sont irréguliers et le pourvoi qu’ils ont permis d’introduire devant la Cour de céans doit être déclaré irrecevable ;

 

Mais attendu qu’aux termes de l’article 28.5 du Règlement de procédure de la CCJA, lorsque le requérant est une personne morale de droit privé, il doit joindre à sa requête de pourvoi « la preuve que le mandat donné à l’avocat a été régulièrement établi par son représentant qualifié à cet effet » ; que ce texte n’exigeant que l’authenticité des pouvoirs du signataire du mandat, c’est en vain que la SCI GABY invoque, sans contester qu’en sa séance du 7 juillet 2014, le Conseil d’administration de la société GNCAC, dont elle est membre, a désigné Armand TESTI Directeur Général en remplacement de Jean Paul BELFILS devenu président dudit conseil, l’article 124 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ; qu’en outre, contrairement aux énonciations du moyen, les changements ainsi intervenus figurent bien dans l’extrait RCCM du 12 septembre 2016 versé au dossier ; que les mandats signés le 24 février 2016 par Armand TESTI étant donc réguliers, l’exception soulevée manque de fondement et mérite le rejet ;

 

Sur la seconde branche du moyen unique

 

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué la violation de l’article 159 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, en ce que la Cour a autorisé une expertise globale sur les activités et les comptes de la Société GNCAC, sans préciser la ou les opérations de gestion contestées, alors qu’une telle mesure doit porter sur une ou plusieurs opérations précises ; qu’en se déterminant de la sorte, l’arrêt entrepris a, selon le moyen, violé le texte précité et encourt la cassation de ce chef ;

 

Attendu en effet qu’il est constant, comme résultant des éléments du dossier que la Cour a ordonné l’audit général des activités et des comptes de la Société GNCAC des années 2010 à 2014 ; qu’en statuant ainsi, sans déterminer les opérations de gestion concernées, elle a commis le grief articulé par le moyen et sa décision encourt la cassation ; qu’il y a lieu d’évoquer ;

 

Sur l’évocation

 

Attendu que par exploit du 21 mai 2015, la société GNCAC a interjeté appel de l’ordonnance n°190 du 18 mai 2015 rendue par le juge des référés du Tribunal de Commerce de Pointe-Noire ayant ordonné un audit des activités et de ses comptes pour la période 2010-2014 et désigné pour y procéder monsieur Vincent PENA  PITRA, Expert-comptable ; qu’au soutien de son appel, elle fait valoir que le juge des référés était incompétent en la cause car l’urgence qui justifie son intervention n’était pas acquise, l’exposante qui est une société anonyme étant pourvue des organes qui en assurent le fonctionnement régulier ; que de plus, le premier juge a ordonné l’audit global de ses activités sans préciser, comme l’exige l’article 159 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés  commerciales et du groupement d’intérêt économique, les opérations de gestion sur lesquelles porte ladite mesure ; qu’elle demande donc d’infirmer l’ordonnance attaquée et de débouter la SCI GABY de sa demande ;

 

Attendu qu’en réplique, la SCI GABY conclut à  l’irrecevabilité de l’appel interjeté selon elle hors délai ; qu’au fond, elle conclut à la confirmation de la décision entreprise, la compétence du juge des référés étant clairement affirmée par l’article 159 de l’Acte uniforme précité lorsqu’il se réfère à la « juridiction statuant à bref délai » ; qu’elle affirme en outre qu’il ne s’agit pas en l’espèce d’un audit global, puisque non seulement la mesure prescrite ne concerne que les activités relatives aux marchés ou contrats et les comptes bancaires de la société GNCAC, mais encore, sa demande d’audit organisationnel, parce que non prévue par la loi, a été rejetée ; qu’elle considère donc que la société GNCAC est de mauvaise foi en contestant l’expertise ordonnée ;

 

Attendu que l’appel ayant été interjeté dans les conditions de forme et de délai prévues par la loi, il y a lieu de le déclarer recevable en la forme ; que l’expertise de gestion ayant pour but de mettre un terme à des irrégularités, l’ingérence de l’appelant est justifiée ;

 

Attendu qu’au fond, pour les mêmes motifs que ceux ayant entrainé la cassation, il y a lieu d’infirmer l’ordonnance attaquée et, statuant de nouveau, de débouter la SCI GABY de sa demande ;

 

Attendu que la défenderesse succombant, sera condamnée aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;

 

En la forme :

Déclare le pourvoi recevable ;

 

Au fond :

Casse et annule l’arrêt attaqué ;

 

Evoquant et statuant au fond :

Déclare l’appel de la société GNCAC recevable ;

Infirme l’ordonnance attaquée ;

 

Déboute la SCI GABY de sa demande ;

La condamne aux dépens.

 

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que ci-dessus et ont signé :

 

 

 Le Président

Le Greffier