ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Deuxième chambre

 

Audience publique du 27 juillet 2017

Pourvoi : n° 178/2015/PC du 09/10/2015 

Affaire : Société DJOLIBA A.O. SARL

                (Conseils : Maîtres Boubacar KOÏTA et Associés, Avocats à la Cour)                     

 

     Contre

 

  • Société Comptoir Sénégalais de Droguerie, dite COSED SARL

     (Conseil : Maîtres Daouda KA, Avocat à la Cour)     

               

  • Madame NDEYE Marie DIENG FALL

 

Arrêt N° 185/2017 du 27 juillet 2017

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires(OHADA), Deuxième Chambre, a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 27 juillet 2017 où étaient présents :

 

Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE,                    Président,

Namuano Francisco DIAS GOMES,              Juge,

Djimasna N’DONINGAR,                          Juge,

Diéhi Vincent KOUA,                              Juge,

César Apollinaire ONDO MVE,                     Juge, Rapporteur

 

et Maître Jean Bosco MONBLE,                Greffier,

 

Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 09 octobre 2015 sous le n° 178/2015/PC et formé par Maîtres Boubacar KOÏTA et Associés, Avocats à la Cour, 78 rue Carnot, 3ème étage Appartement A7 Dakar, agissant pour le compte de la société DJOLIBA A.O. Sarl dont le siège est à Dakar, Sacré Cœur III, Pyrotechnie prolongée n°96, dans la cause qui l’oppose à la Société Comptoir Sénégalais de Droguerie dite COSED, dont le siège est au 16, rue Galandou DIOUF, Dakar, ayant pour Conseil Maître Daouda KA, Avocat à la Cour, 09, rue Mohamed V, 4ème étage, Dakar, et à Dame NDEYE Marie DIENG FALL, demeurant à la cité CPI VDN n° 99, Dakar,en cassation de l’Arrêt n° 208 rendu le 02 juillet 2015 par la Cour d’appel de Dakar dont le dispositif est libellé ainsi qu’il suit :

« Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, en matière commerciale et en dernier ressort ;

Vu l’ordonnance de clôture ;

Infirme partiellement le jugement entrepris ;

Déboute la société COSED de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Confirme pour le surplus ;

Condamne la SARL DJOLIBA aux dépens… » ;

 

La demanderesse invoque au soutien de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure dans sa requête annexée au présent Arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur César Apollinaire ONDO MVE, Juge ;

 

Vu le Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que la société DJOLIBA s’approvisionnait en produits d’entretien et en matériel auprès de la société COSED ; qu’entre le 20 juin 2011 et le 07 avril 2012, la COSED a, suite à des bons de livraison, émis diverses factures au nom de la société DJOLIBA ; que n’ayant pas obtenu règlement intégral desdites factures, la société COSED assignait la société DJOLIBA devant le Tribunal régional hors classe de Dakar  en paiement d’un montant de quatorze millions six cent soixante-neuf mille quatre cent soixante-seize (14 669 476 ) F cfa en principal et à un million (1 000 000) de F cfa à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ; que réagissant, la société DJOLIBA assignait en intervention forcée Dame NDEYE MARIE DIENG FALL, son ex-gérante, pour répondre personnellement de la créance poursuivie, et sollicitait reconventionnellement la condamnation de la COSED à lui payer la somme de deux millions (2 000 000) F  cfa à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire ; que par jugement n°582 du 13 mai 2014, le Tribunal mettait Dame NDEYE MARIE DIENG FALL hors de cause, condamnait la société DJOLIBA à payer à la société COSED la somme de 14 669 476 F cfa à titre principal et celle de 500 000 F cfa à titre de dommages-intérêts ; que sur appel de la société DJOLIBA, la Cour de Dakar rendait l’arrêt dont pourvoi ;

 

Sur la première branche du moyen unique tirée de la violation de la loi.

 

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué la violation de l’article 329 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, en ce que la Cour d’appel, après avoir reconnu qu’au moment où elle passait les commandes litigieuses à la COSED, FALL NDEYE Marie DIENG n’était plus la gérante de la société DJOLIBA, a néanmoins fait application de cette disposition relative à un gérant en exercice ; que selon la recourante, cette contradiction constitue une violation du texte précité qui expose la décision querellée à la cassation ;

 

Attendu que selon l’article 329 de l’Acte uniforme susvisé, « dans les rapports avec les tiers, le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que le présent Acte uniforme attribue expressément aux associés.

La société est engagée, même par les actes du gérant qui ne relèvent pas de l’objet social, à moins qu’elle ne prouve que le tiers savait que l’acte dépassait cet objet ou qu’il ne pouvait l’ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.

Les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants qui résultent du présent article sont inopposables aux tiers de bonne foi. » ;

 

Attendu, en l’espèce, que l’arrêt attaqué énonce « qu’il est constant comme résultant du procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire des associés de la Sarl DJOLIBA versé aux débats, que le 07 juillet 2010, Madame FALL NDEYE MARIE DIENG avait été nommée gérante intérimaire en attendant la nomination d’un gérant statuaire », et qu’il est également établi par le procès-verbal du 21 juin 2011 « qu’il a été mis fin à partir du 1er juillet 2011 à la gérance par intérim de Mme FALL » ; qu’en considérant par la suite « qu’il n’en demeure pas moins que la Sarl DJOLIBA ne peut être mise hors de cause » qu’en prouvant « conformément à l’article 329 de l’Acte uniforme » susvisé « que la COSED avait connaissance de ce que la susnommée n’avait plus le pouvoir de signer lesdits bons de livraison ou qu’elle ne pouvait l’ignorer », la Cour d’appel de Dakar a appliqué à la Sarl DJOLIBA des dispositions légales se rapportant aux pouvoirs d’un gérant en exercice, manquant ainsi de tirer les conséquences nécessaires de ses propres constatations relatives à la révocation de Dame FALL ; que dès lors, le grief est établi et la cassation encourue, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres branches du moyen ;

 

Attendu qu’il y a lieu d’évoquer ;

 

Sur l’évocation

 

Attendu que le 22 mai 2014, la société DJOLIBA a interjeté appel du jugement n°582 rendu le 13 mai 2014 par le Tribunal régional hors classe de Dakar dans la cause l’opposant à la COSED, lequel l’a condamnée à payer à la société COSED la somme principale de 14 669 476 F cfa et celle de 500 000 FCFA à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, a mis hors de cause Dame FALL NDEYE MARIE DIENG et l’a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;

 

Attendu qu’elle expose que Dame FALL NDEYE MARIE DIENG était sa gérante et a commis des malversations qui ont conduit à sa révocation par les assemblées générales du 21 juin 2011 et du 25 janvier 2012 ; que c’est dans ces circonstances que les factures dont le règlement est réclamé ont été émises, les unes, à la période pendant laquelle la société DJOLIBA était fermée et, les autres, pendant celle où Dame FALL n’était plus gérante pour avoir été remplacée par BABA NDIAYE puis par Dame CHAUPIN Oumou DIENG comme en attestent les procès-verbaux des assemblées générales y relatives ; que les factures et bordereaux de livraison qui matérialisent la créance de la COSED et couvrant la période de juin 2011 à avril 2012, ne correspondent à aucun bon de commande émanant du gérant de l’époque, BABA NDIAYE ; que de même, les factures allant du 22 juin 2011 au 24 janvier 2012, et celles allant du 25 janvier 2012 au 07 avril 2012, ne font pas suite à des bons de commande signés par Dame CHAUPIN, gérante ; que de plus, les produits correspondant à ces factures ont été livrés à Dame FALL qui a déchargé les bons de livraison ; que l’appelante sollicite donc l’infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et réitère ses prétentions de première instance tendant à sa mise hors de cause et à la responsabilité exclusive de Dame FALL en vue du paiement de la créance poursuivie, ainsi qu’à la condamnation de la COSED à lui payer la somme de deux millions (2000 000) de F cfa à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;

 

Attendu qu’en réplique, la COSED conclut à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions ; que selon elle, les affirmations de l’appelante se rapportent à son fonctionnement interne et les accusations formulées à l’encontre de Dame FALL sont dénuées de fondement, celle-ci ayant été purement et simplement relaxée par le Tribunal correctionnel de Dakar devant lequel elle a été poursuivie ; qu’elle fait observer sur sa créance que tous les bons de commande ont été émis par la société DJOLIBA par le biais de Dame FALL, responsable technique de la société, chargée des chantiers devant fournir le matériel et les produits nécessaires à ses activités ; que l’intimée ajoute qu’elle est l’unique fournisseur de la société DJOLIBA et n’a toujours traité qu’avec Dame FALL NDEYE MARIE DIENG et ce, depuis plus de vingt (20) ans ; que ni l’authenticité ni le montant des factures n’est contesté ;

Attendu, sur la responsabilité de la Société DJOLIBA, que même si la date de certains bons et factures ne correspond pas à sa gérance, il reste constant, comme résultant des éléments du dossier de la procédure, que Dame NDEYE MARIE DIENG FALL a continué à exercer la fonction de responsable technique au sein de la Société DJOLIBA et a bénéficié de tous les moyens nécessaires aux commandes ; que de même, les commandes ont été livrées au sein de la société ; que la société DJOLIBA, sous l’autorité et grâce aux moyens de laquelle Dame NDEYE MARIE DIENG FALL agissait, reste alors engagée vis-à-vis de la COSED qui a pu légitimement croire que la gérante était toujours en fonction ; que par application du principe du mandat apparent, il convient de confirmer le jugement entrepris sur ce point ;

 

Attendu en revanche que la résistance de la société DJOLIBA ne revêt aucun caractère abusif ; que c’est à tort que le jugement attaqué l’a condamnée à des dommages-intérêts ; qu’il y lieu d’infirmer le jugement de ce chef et de débouter la COSED ;

 

Attendu que l’action de la société DJOLIBA tendant à la mise en cause de Dame NDEYE MARIE DIENG FALL n’ayant pas prospéré, il échet de rejeter la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

 

Attendu que la société DJOLIBA qui a succombé sera condamnée aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

 

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse et annule l’Arrêt n° 208 du 02 juillet 2015 rendu par la Cour d’appel de Dakar ;

Evoquant et statuant de nouveau :

Réforme partiellement le jugement entrepris ;

Condamne la société DJOLIBA à payer à la société COSED la somme de quatorze millions six cent soixante-neuf mille quatre cent soixante-seize (14 669 476) F cfa à titre principal ;

Déboute les parties de toutes autres demandes ;

Condamne la société DJOLIBA aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

Le Président

 

 Le Greffier