ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Audience Publique du 15 juillet 2004

 

Pourvoi n° 008/2003/ PC du 06 février 2003

 

AFFAIRE : Société DJAMAN et Compagnies

                          (Conseil : Maître OBOUMOU GOLE Marcelin, Avocat à la Cour)

                                    contre

                Entreprise Nationale de Télécommunication dite ENATELCOM

                      (Conseil : Maître Amany KOUAME, Avocat à la Cour) 

 

ARRET N°026/2004 du 15 juillet 2004

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ( C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires ( O.H.A.D.A ) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 15 juillet 2004 où étaient présents :

 

Messieurs Seydou BA, Président

Jacques M’BOSSO, Premier Vice-président

Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-président

Maïnassara MAIDAGI,Juge, rapporteur

Biquezil NAMBAK, Juge

 et  Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;

 

Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire Société DJAMAN et Compagnies contre Entreprise Nationale de Télécommunication dite ENATELCOM, par Arrêt n°157/02 du 14 février 2002 de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE, Chambre Judiciaire, saisie d’un pourvoi formé le 10 août 2001 par la Société DJAMAN et Compagnies ayant pour conseil Maître OBOUMOU GOLE Marcelin, Avocat à la Cour, demeurant Boulevard Valéry Giscard d’Estaing, face à l’hôtel Ibis Marcory, à l’immeuble LAVEGARDE, 1er étage porte de droite, 18 BP 2759 Abidjan 18,en cassation de l’Arrêt n°140 rendu le 26 janvier 2001 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

« En la forme : Déclare la société Entelcom recevable en son appel relevé du jugement civil n°705 rendu le 31 Juillet 2002  par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan ;

Au fond : L’y dit bien fondée ;

Infirme le jugement querellé ;

Statuant à nouveau, rétracte l’ordonnance d’injonction de payer n°2702 du 14 avril 2000 ;

Condamne la société Djaman et Compagnie aux dépens » ;

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure dans l’exploit de pourvoi en cassation ;

Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAÏDAGI ;

Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que suite à des travaux d’installation de fibres optiques effectués à Korhogo, la Société DJAMAN et Compagnies adressait à ENATELCOM une facture d’un montant de 17.068.870 F CFA ; qu’ayant estimé qu’ENATELCOM ne s’était libérée que d’une partie du montant de la facture et que toutes les réclamations amiables étaient restées vaines, la Société DJAMAN et Compagnies initiait une procédure d’injonction de payer devant le Président du Tribunal de première Instance d’Abidjan, lequel condamnait, par Ordonnance n°2702/2000 en date du 04 avril 2000, ENATELCOM à payer à la requérante la somme principale de 9.264.913 F CFA ; que sur opposition d’ENATELCOM, le Tribunal de première instance d’Abidjan restituait, par Jugement n°705 en date du 31 juillet 2000, à l’ordonnance susindiquée son plein et entier effet ; que sur appel d’ENATELCOM, la Cour d’appel d’Abidjan, par Arrêt n°140 rendu le 26 janvier 2001 dont pourvoi, infirmait le jugement entrepris et rétractait l’Ordonnance d’injonction de payer susévoquée ;

Sur le moyen unique de cassation pris en ses deux branches

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué un manque de base légale résultant de l’insuffisance ou de l’obscurité des motifs en ce que la Cour d’appel, d’une part, a insuffisamment motivé sa décision en indiquant que la Société ENATELCOM « conteste la dette réclamée par la Société DJAMAN et Compagnies et qu’elle produit des pièces attestant qu’elle a effectué des paiements » et en estimant que la créance ne remplissait pas les conditions de l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution alors que, selon la requérante, la question posée dans le cas d’espèce n’est pas celle de savoir si la Société ENATELCOM a ou n’a pas effectué « des paiements » mais plutôt de savoir si les paiements effectués au vu des pièces produites ont eu ou non pour effet d’éteindre la dette en cause ; que d’autre part, il y a obscurité des motifs lorsque la même Cour d’appel soutient que « les conditions de la créance exigées par l’article 1er de l’Acte uniforme susévoqué ne sont pas remplies » et tire la conséquence qu’il y aurait une contestation sérieuse alors que, toujours selon la requérante, l’origine contractuelle de la créance n’a jamais été contestée de même que sa liquidité et son exigibilité ;

Attendu qu’aux termes de l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution « le recouvrement d’une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer » ;

Attendu que pour infirmer le jugement entrepris et rétracter l’ordonnance d’injonction de payer, l’arrêt attaqué se borne à énoncer « … que l’appelante conteste la dette réclamée par la Société DJAMAN et Compagnie…elle produit des pièces attestant qu’elle a effectué des paiements … les conditions de la créance exigées par l’article 1er du traité OHADA relatif au recouvrement simplifié des créances ne sont pas réunies…il y a une contestation sérieuse… », sans démontrer que ces paiements ont eu pour effet d’éteindre totalement la dette de ENATELCOM ni en quoi la créance objet de la procédure d’injonction de payer ne remplissait pas les trois conditions de certitude, de liquidité et d’exigibilité prévues par l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; qu’il s’ensuit que la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision et qu’en conséquence il y a lieu de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer ;

Sur l’évocation

Attendu que par exploit d’huissier en date du 08 août 2000 ENATELCOM a relevé appel du jugement n°705 rendu le 31 juillet 2000 par le Tribunal de première instance d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort ;

Déclare l’opposition recevable mais mal fondée ;

Restitue à l’Ordonnance n°2702/2000 du 14 avril 2000 son plein et entier effet ;

Condamne ENATELCOM aux entiers dépens. » ;

Attendu que ENATELCOM, appelante, demande d’infirmer le jugement entrepris, de dire et juger que « la créance n’est pas  certaine car elle n’existe pas, de constater par conséquent que le premier juge a violé les dispositions de l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et de constater que la créance a été apurée par chèques et par compensation » ;

Attendu qu’à l’appui de ses demandes ENATELCOM soutient que le montant de la facture s’élève à 15.961.870 F CFA alors que l’intimé a présenté une facture de 17.068.870 F CFA en surévaluant le prix du tube d’acier à 58.000 F CFA le mètre au lieu de 40.000 F tel que cela résulte de la facture  présentée à COTE D’IVOIRE TELECOM ; que sur ce montant de 15.961.870 F CFA, la Société DJAMAN et Compagnies avait une commission de 60 % en tant que sous-traitante soit 9.577.122 F CFA ; que sur cette dernière somme ENATELCOM soutient qu’elle a payé 3.699.357 F CFA par chèques et 2.000.000 F CFA par ordre de virement et le reliquat de 3.877.765 F CFA par compensation pour avoir fourni à la Société DJAMAN et Compagnies du matériel téléphonique d’un montant de 3.675.440 F CFA sur lequel cette dernière n’a payé que 500.000 F CFA et que lors de l’exécution des travaux effectués par la Société DJAMAN et Compagnies elle lui a fourni du matériel et du personnel ; qu’à ce jour donc elle ne reste devoir aucune somme d’argent à l’intimée ;

Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution aux termes duquel « le recouvrement d’une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer », que pour qu’une procédure d’injonction de payer puisse être initiée par un créancier, il faut que la créance présente préalablement les trois caractères de certitude, de liquidité et d’exigibilité ;

Attendu que dans sa requête aux fins d’injonction de payer, la Société DJAMAN et Compagnies avait soutenu que sur une créance de 17.068.870 F CFA, elle n’avait reçu paiement que de 7.803.957 F CFA soit par chèque soit par virement bancaire ou encore par compensation de dette ; que c’est pour cette raison qu’elle demande au Président du Tribunal de condamner ENATELCOM à lui payer le reliquat de la créance s’élevant à 9.264.913 F CFA ; qu’à cette requête étaient  jointes une copie de la facture n°0002/10.10/09.99 en date du 22 septembre 1999 d’un montant de 17.068.870 francs au titre des travaux effectués du 20/05 au 30/07/1999, facture préalablement adressée à ENATELCOM et reçue par celle-ci depuis le 22 septembre 1999, et les photocopies de trois chèques d’un montant total de 3.699.357 F CFA ; que ENATELCOM, pour sa part, avait tout au long de la procédure non seulement contesté le montant initial de la dette, mais également soutenu s’être entièrement acquittée de ladite dette par chèques, par virement bancaire ou par compensation ;

Attendu que ENATELCOM ne contestant pas l’existence de la dette mais soutenant s’être entièrement libérée, il lui incombait d’en justifier le paiement ou de démontrer le fait qui avait produit l’extinction de son obligation ; qu’en l’espèce, non seulement ENATELCOM ne justifie pas qu’il existait entre les parties un contrat de sous-traitance aux conditions indiquées par elle et que les paiements allégués avaient eu pour effet d’apurer le reliquat de la créance réclamée, mais ne rapporte pas non plus la preuve que les conditions de la compensation telles que prévues par la loi étaient réunies ; que dès lors, en restituant à l’Ordonnance n°2702/2000 en date du 14 avril 2000 son plein et entier effet, le Tribunal de première instance d’Abidjan a fait une saine appréciation des faits de la cause ; qu’il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris ;

Attendu que ENATELCOM ayant succombé, doit être condamnée aux dépens,

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse l’Arrêt n°140 rendu le 26  juin 2001 par la Cour d’appel d’Abidjan ;

Evoquant et statuant sur le fond,

Confirme le Jugement n°705 rendu le 31 juillet 2000 par le Tribunal de première instance d’Abidjan ;

Restitue à l’Ordonnance d’injonction de payer n°2702/2000 du 14 avril 2000 du Président du Tribunal de première instance d’Abidjan son plein et entier effet ;

Condamne ENATELCOM aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

Le Président

Le Greffier