ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Première chambre
Audience publique du 02 juin 2005
Pourvoi : n° 083/2004/PC du 29 juillet 2004
Affaire : SOCIETE D’IMPORTATION DE PIECES AUTOMOBILES dite SIPA
(Conseils : SCPA BOA, AKRE-TCHAKRE et Associés, Avocats à la Cour)
Contre
Société SHELL-CI
(Conseils : Maîtres FADIKA, DELAFOSSE, KACOUTIE et ANTHONY (FDKA), Avocats à la Cour)
ARRET n° 040/2005 du 02 juin 2005
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 02 juin 2005 où étaient présents :
Messieurs Jacques M’BOSSO, Président
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Biquezil NAMBAK, Juge, rapporteur
et Maître KEHI Colombe BINDE, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré le 29 juillet 2004 au greffe de la Cour de céans sous le n°083/2004/PC et formé par la SCPA BOA, AKRE-TCHAKRE et Associés, Avocats à la Cour, demeurant à Abidjan, immeuble JECEDA, Entré A. 1er étage, agissant au nom et pour le compte de la Société d’Importation de Pièces Automobiles dite SIPA, dont le siège social est à Abidjan Treichville, Boulevard Giscard D’Estaing, 01 BP 2171 Abidjan 01, dans la cause l’opposant à la Société SHELL-CI ayant pour Conseils Maîtres FADIKA, DELAFOSSE, KACOUTIE et ANTHONY (FDKA), Avocats à la Cour, demeurant à Abidjan, Boulevard Carde, Avenue du Docteur Jamot, immeuble Les Harmonies, 01 B.P. 2297 Abidjan 01,
en « cassation » de l’Ordonnance n°069 rendue le 26 juillet 2004 par la Juridiction Présidentielle de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort ;
Ordonnons la suspension provisoire de l’exécution de l’Arrêt n°68 du 16 janvier 2004 rendu par la Cour d’appel d’Abidjan jusqu’à ce que la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême vide sa saisine » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure au recours annexé au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Biquezil NAMBAK ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que la Société d’Importation de Pièces Automobiles dite SIPA, principal fournisseur en pneus réchappés de la plupart des sociétés de transport de marchandises et de transport en commun de passagers en Côte d’Ivoire, a connu depuis le mois de mai 1998, une baisse drastique de son activité du fait de la rupture impromptue et inopinée de nombreux contrats de fourniture passés avec ses clients ; qu’estimant, à la suite des investigations menées, que la Société SHELL-CI était à l’origine de la baisse d’activité pour avoir, sans motif légitime, refusé de servir tout transporteur de ses produits « chaussés » de pneus réchappés, la SIPA, qui s’est en outre vue contrainte de procéder au licenciement pour motif économique de plusieurs employés, a saisi le Tribunal de première instance d’Abidjan pour voir condamner la Société SHELL-CI à lui payer la somme de 75.000.000 FCFA toutes causes de préjudices confondues ; que par Jugement civil contradictoire n°77 rendu le 10 mai 2001, la 3ème chambre civile du Tribunal de première instance d’Abidjan déboutait la SIPA de sa demande ; que sur appel relevé par la SIPA, la Cour d’appel d’Abidjan a, par Arrêt n°68 du 16 janvier 2004, infirmé le jugement querellé en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, condamné la Société SHELL-CI à payer à la SIPA la somme de 30.000.000 FCFA à titre de dommage et intérêts ; que le 17 mars 2004, la Société SHELL-CI a formé pourvoi en cassation contre l’arrêt susvisé ; que le 01 avril 2004 la SIPA a fait pratiquer une saisie-attribution de créances au préjudice de la Société SHELL-CI ; que le 24 mai 2004 la Société SHELL-CI a sollicité de la Juridiction présidentielle de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire le sursis à l’exécution dudit arrêt ; que par Ordonnance n°069 du 26 juillet 2004 dont pourvoi, la Juridiction présidentielle de ladite Cour Suprême a ordonné la suspension provisoire de l’exécution de l’Arrêt n° 68 du 16 janvier 2004 jusqu’à ce que la Chambre judiciaire de la Cour Suprême vide sa saisine ;
Sur l’annulation
Vu l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu qu’il est fait grief à l’Ordonnance n° 69 rendue le 26 juillet 2004 par la Juridiction présidentielle de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire d’avoir ordonné la suspension provisoire de l’exécution de l’Arrêt n° 68 du 16 janvier 2004 jusqu’à ce que la Chambre judiciaire de la Cour Suprême vide sa saisine alors que, selon le moyen, en application de l’article 32 de l’Acte uniforme susvisé, « à l’exception de l’adjudication des immeubles, l’exécution forcée peut être poursuivie jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire par provision.
L’exécution est alors poursuivie aux risques du créancier, à charge pour celui-ci, si le titre est ultérieurement modifié, de réparer intégralement le préjudice causé par cette exécution sans qu’il y ait lieu de relever de faute de sa part » ;
Attendu, en l’espèce, que l’Arrêt n° 68 du 16 janvier 2004 de la Cour d’appel d’Abidjan n’étant pas un titre exécutoire par provision, il y a lieu de relever d’office le moyen tiré de la violation de l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution aux termes duquel, « la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou le magistrat délégué par lui.
Sa décision est susceptible d’appel dans un délai de quinze jours à compter de son prononcé.
Le délai d’appel comme l’exercice de cette voie de recours n’ont pas un caractère suspensif, sauf décision contraire spécialement motivée du président de la juridiction compétente » ;
Attendu que de l’analyse des dispositions susénoncées de l’article 49 de l’Acte uniforme susvisé, lequel acte contient aussi bien des dispositions de fond que de procédure qui, en la matière, ont seules vocation à s’appliquer dans les Etats parties au Traité institutif de l’OHADA, il ressort que tout litige relatif à une mesure d’exécution forcée relève, quelle que soit l’origine du titre en vertu duquel elle est poursuivie, de la compétence préalable du Président de la juridiction statuant en matière d’urgence et en premier ressort ou du magistrat délégué par lui ; qu’ainsi, les éventuelles contestations de la saisie-attribution pratiquée par la SIPA au préjudice de la Société SHELL-CI relèvent de la compétence du Président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou du magistrat délégué par lui ; qu’il suit qu’en statuant sur la requête dont elle était saisie par SHELL-CI et en suspendant par l’Ordonnance entreprise l’exécution forcée déjà entamée de l’Arrêt n° 68 du 16 janvier 2004, la Juridiction présidentielle de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire a violé les dispositions susénoncées de l’article 49 de l’Acte uniforme susvisé ; qu’il échet en conséquence d’annuler ladite ordonnance et de dire que l’exécution forcée entreprise pourra être poursuivie jusqu’à son terme ;
Attendu que la Société SHELL-CI ayant succombé, doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Annule l’Ordonnance n°069 rendue le 26 juillet 2004 par la Juridiction présidentielle de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire ;
Dit que l’exécution forcée entreprise pourra être poursuivie jusqu’à son terme ;
Condamne la Société SHELL-CI aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier