ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Audience Publique du 26 février 2004

 

Pourvoi : n° 018/2002/PC du 17 avril 2002

 

Pourvoi : n° 101/2003/PC du 24 octobre 2003

 

AFFAIRE : Société Banque Commerciale du NIGER (BCN)

 (Conseils : Etude d’Avocats Marc Le BIHAN & Associés, Avocats à la cour)

contre

 

Hamadi Ben Damma

 (Conseils : Cabinet d’Avocats Issaka SOUNA, Moussa COULIBALY, Boureïma M. FODI,

                              Avocats à la Cour)

 

                    

ARRET N°008/2004 du 26 février 2004

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 26 février 2004 où étaient  présents :

 

Messieurs      Seydou BA,  Président

Jacques M’BOSSO, Premier Vice-président

Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-président

Doumssinrinmbaye BAHDJE,Juge

Maïnassara MAIDAGI, Juge

Boubacar DICKO,  Juge, rapporteur

Biquezil NAMBAK, Juge

 

et  Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef ;

 

1°) Sur le pourvoi enregistré le 17 avril 2002 au greffe de la Cour de céans et formé le même jour par Maître Laurent SEBENE, Avocat à la Cour d’appel de  Niamey (République du NIGER), boîte postale 343, agissant au nom et pour le compte de la Société Banque Commerciale du NIGER (BCN) dont le siège est à Niamey, boîte postale 11363, dans la cause l’opposant à Monsieur Hamadi Ben Damma, commerçant, y domicilié et ayant pour conseil Maître Issaka SOUNA, Avocat à la Cour d’appel de Niamey, boîte postale 10269,en cassation de l’Arrêt n°41 rendu le 20 mars 2002 par la Cour d’appel de Niamey et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé et  en dernier ressort ;

 

Reçoit l’appel de la BCN régulier en la forme ;

 

Au fond :

Confirme l’ordonnance attaquée ;

Condamne la BCN aux dépens. » ;

 

2°) Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA), devant la Cour de céans, de l’affaire Société Banque Commerciale du Niger (BCN) contre Hamadi Ben Damma par Arrêt n°02-179/C en date du 19 décembre 2002 de la Cour Suprême, Chambre Judicaire de la République du NIGER, saisie par la même requérante, d’un pourvoi en date du 09 avril 2002 enregistré sous le numéro 189, contre le même Arrêt n°41 rendu le 20 mars 2002 par la Cour d’appel de Niamey ;

 

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO ;

 

Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu que l’affaire, objet du pourvoi formé le 17 avril 2002  est la même que celle renvoyée par la Cour Suprême de la République du NIGER par son Arrêt n°02-179/C en date du 19 décembre 2002 ; qu’il échet en conséquence de joindre les deux procédures pour y statuer par une même décision ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’en exécution des Arrêts n°146 du 30 juin 2000 de la Cour d’appel de Niamey et n°01-185/C du 08 novembre 2001 de la Cour Suprême du NIGER, Monsieur Hamadi Ben Damma a pratiqué le 04 janvier 2002 saisie-attribution de créances au préjudice de la Société Banque Commerciale du NIGER (BCN) sur les avoirs de celle-ci domiciliés à la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ; que pour s’entendre déclarer ladite saisie nulle et en obtenir mainlevée, la BCN assignait par exploit en date du 23 janvier 2002 Monsieur Hamadi Ben Damma devant le juge des référés du Tribunal Régional de Niamey ; que celui-ci, par Ordonnance de référé n°28 en date du 05 février 2002, déboutait la BCN de sa demande ; que cette dernière relevait appel de l’ordonnance précitée devant la Cour d’appel de Niamey laquelle a rendu l’Arrêt confirmatif n°41 en date du 20 mars 2002, objet du présent pourvoi ;

 

Sur le moyen unique

 

Vu l’article 160 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

 

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 160.2) susvisé en ce que ledit article ayant prescrit que l’acte de dénonciation de la [saisie-attribution de créances] doit contenir sous peine de nullité « en caractères très apparents, l’indication que les contestations doivent être soulevées, à peine d’irrecevabilité, dans un délai d’un mois qui suit la signification de l’acte et la date à laquelle expire ce délai ainsi que la désignation de la juridiction devant laquelle les contestations pourront être portées », en l’espèce, l’acte de dénonciation de saisie ne mentionne ni la date à laquelle expire le délai pour élever les contestations ni la désignation exacte de la juridiction compétente pour connaître de celles-ci alors qu’aux termes dudit article l’absence de ces deux mentions doit être sanctionnée par la nullité ; qu’il s’agit d’une nullité de plein droit pour laquelle il n’est pas nécessaire d’apporter la preuve d’un grief causé par l’absence de ces mentions, le juge devant, dès lors qu’il constate leur absence, prononcer la nullité de l’acte ; que le juge ne peut rechercher l’existence d’un grief que dans les cas de nullité limitativement énumérés, lesquels sont relatifs à la saisie immobilière et prévus à l’article 297 de l’Acte uniforme précité ; que dès lors, le juge devant qui sont invoquées ces nullités doit seulement constater l’absence des formalités prescrites et en tirer la conséquence c’est-à-dire prononcer la nullité de plein droit, sans qu’il soit besoin de rechercher un quelconque grief causé par cette nullité ; qu’en ne le faisant pas, « les juges de la Cour d’appel ont nécessairement violé l’article 160.2) précité et l’arrêt attaqué mérite de ce fait d’être censuré » ;

 

Attendu que l’article 160 de l’Acte uniforme susvisé dispose : « Dans un délai de huit jours, à peine de caducité, la saisie est dénoncée au débiteur par acte d’huissier ou d’agent d’exécution.

 

Cet acte contient, à peine de nullité :

 

(…)

 

2) en caractères très apparents, l’indication que les contestations doivent être soulevées, à peine d’irrecevabilité, dans un délai d’un mois qui suit la signification de l’acte et la date à laquelle expire ce délai ainsi que la désignation de la juridiction devant laquelle les contestations pourront être portées.

 

Si l’acte est délivré à personne, ces indications doivent être également portées verbalement à la connaissance du débiteur. La mention de cette déclaration verbale figure sur l’acte de dénonciation.

 

L’acte rappelle au débiteur qu’il peut autoriser, par écrit, le créancier à se faire remettre sans délai par le tiers saisi, les sommes ou partie des sommes qui lui sont dues » ;

 

Attendu en l’espèce qu’il résulte de l’examen des pièces du dossier de la procédure que la saisie-attribution de créances pratiquée le 4 janvier 2002 par Monsieur Hamadi Ben Damma, créancier saisissant, au préjudice de la BCN, débiteur saisi, entre les mains de la BCEAO, tiers saisi, a été dénoncée le même jour au débiteur saisi par acte d’huissier ; qu’il y est indiqué que la BCN, représentée par son Directeur Général, « dispose d’un délai de trente (30) jours pour soulever des contestations ; que celles-ci doivent être portées devant la juridiction compétente par voie d’assignation à compter de la dénonciation » et « peut autoriser, par écrit, le créancier à se faire remettre sans délai par le tiers saisi, les sommes ou une partie des sommes qui lui sont dues » ;

 

Attendu que l’acte de dénonciation de saisie ainsi libellé ne contient ni la mention de la date d’expiration du délai de contestation d’un mois ni celle relative à la désignation de la juridiction devant laquelle les contestations pourront être portées ; que  lesdites mentions étant, selon les termes mêmes de l’article 160 susénoncé, prescrites à peine de nullité, leur absence ou omission dans ledit acte rend celui-ci nul sans qu’il soit besoin pour prononcer cette nullité de rechercher la preuve d’un quelconque grief ou préjudice ;

 

Attendu que pour débouter la BCN de sa demande de mainlevée de saisie-attribution de créances, la Cour d’appel a retenu que « les imprécisions qu’invoque la BCN constituent des vices de forme ; que les nullités de forme y compris substantielles comportent une condition de mise en œuvre à savoir l’exigence de la preuve d’un grief causé à celui qui se prévaut de la nullité… » et qu’ « ayant comparu devant la juridiction compétente dans les délais légaux, la BCN ne peut valablement invoquer une quelconque nullité de l’acte de saisie-attribution qu’autant qu’elle allègue et démontre le préjudice que lui ont causé les vices qu’elle allègue » ; qu’en statuant ainsi alors, d’une part, qu’elle n’a même pas recherché si les omissions relevées par l’appelante dans l’acte de dénonciation de saisie étaient caractérisées au regard des prescriptions de l’article 160.2) susénoncé et alors, d’autre part, que celui-ci n’a assorti la nullité qu’il a prévue d’aucune exigence de preuve d’un grief ou préjudice, la Cour d’appel a violé ledit article ; qu’il échet en conséquence de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer ;

 

Sur l’évocation

 

Attendu que par exploit en date du 06 février 2002 la BCN a relevé appel de l’Ordonnance de référé n°28 rendue le 05 février 2002 par le Président du Tribunal Régional de Niamey ; que le dispositif de cette ordonnance est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en premier ressort ;

 

  • se déclare compétent ;
  • reçoit la BCN en sa requête régulière en la forme ;

 

Au fond :

La déboute ;

Condamne la BCN aux dépens » ;

 

Attendu que la BCN, appelante, conclut à l’infirmation de l’ordonnance entreprise motif pris de ce que la saisie-attribution de créances pratiquée par Monsieur Hamadi Ben Damma à son préjudice a violé les dispositions de l’article 160.2) de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; qu’en effet, selon elle, l’acte de dénonciation de ladite saisie ne fait mention ni de la juridiction devant laquelle les contestations pourront être portées ni de la date à laquelle expire le délai prévu à cet effet ; que l’article 160.2) précité sanctionnant de nullité ces omissions, dès lors l’acte de dénonciation de saisie est nul ainsi que ladite saisie-attribution de créances ; que par ailleurs en exigeant la nécessité d’un grief causé par l’acte de dénonciation de saisie pour le déclarer nul, le premier juge a violé l’article 160.2) de l’Acte uniforme précité ; qu’il échet en conséquence d’ordonner la mainlevée de ladite saisie ;

 

Attendu que pour sa part, Monsieur Hamadi Ben Dama, intimé, conclut à la confirmation de l’ordonnance entreprise aux motifs que la nullité invoquée par l’appelante ne peut être prononcée qu’à charge pour celui qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité alors même qu’il s’agirait d’une formalité substantielle ou d’ordre public ; que selon lui, la BCN, qui s’est fait représenter à l’audience et a même présenté ses moyens de défense, ne peut valablement invoquer la nullité de l’acte de dénonciation de saisie du fait des omissions qu’elle a relevées ; qu’en tout état de cause, selon lui, ni l’Avis n°001/99/JN du 07 juillet 1999 de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA auquel se réfère l’appelante ni l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution n’énumèrent de manière explicite les nullités que le juge doit prononcer « mécaniquement » ;

 

Attendu que pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus développés lors de l’examen du moyen unique de cassation, il y a lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise ; que l’acte de dénonciation de saisie en date  du 04 janvier 2002 étant nul, la saisie-attribution de créances pratiquée par Monsieur Hamadi Ben Damma est également nulle et il y a lieu dès lors d’en ordonner la mainlevée ;

 

Attendu que Monsieur Hamadi Ben Damma ayant succombé, doit être condamné aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

 

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse l’Arrêt n°41 rendu le 20 mars 2002 par la Cour d’appel de Niamey ;

Evoquant et statuant sur le fond,

Infirme l’Ordonnance de référé n°28 rendue le 05 février 2002 par le Président du Tribunal Régional de Niamey ;

Dit que la saisie-attribution de créances pratiquée le 04 janvier 2002 par Monsieur Hamadi Ben Damma au préjudice de la Société Banque Commerciale du NIGER (BCN) est nulle et de nul effet ;

Ordonne en conséquence la mainlevée de ladite saisie ;

Condamne Monsieur Hamadi Ben Damma aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

Le Président

Le Greffier en chef