ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Audience Publique du 17 juin 2004
Pourvoi : n° 001/2003/PC du 20 janvier 2003
Affaire : SDV-CÔTE D’IVOIRE
(Conseil : Maître Michel BOUAH-KAMON, Avocat à la Cour)
Contre
Société RIAL TRADING
(Conseils : SCPA AHOUSSOU, KONAN et Associés, Avocats à la Cour)
ARRET N°021/2004 du 17 juin 2004
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 17 juin 2004 où étaient présents :
Messieurs :Seydou BA, Président
Jacques MBOSSO, Premier Vice-Président
Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-Président
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Boubacar DICKO, Juge, rapporteur
Biquezil NAMBAK, Juge
et Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef ;
Sur le pourvoi enregistré le 20 janvier 2003 au greffe de la Cour de céans sous le n° 001/2003/PC et formé par Maître Michel BOUAH-KAMON, Avocat à la Cour d’appel d’Abidjan, y demeurant 3, avenue Thomasset, Résidence Thomasset, 3ème étage porte 300, 04 B.P. 46 Abidjan 04, agissant au nom et pour le compte de la SDV-CÔTE D’IVOIRE dont le siège social est à Abidjan- Treichville, avenue Christiani, 01 B.P. 4082 Abidjan 01, dans la cause l’opposant à la société RIAL TRADING, dont le siège social est à Paris, France, laquelle a pour conseils, la SCPA AHOUSSOU, KONAN et Associés, Avocats à la Cour d’appel d’Abidjan y demeurant 19, boulevard Angoulvant, Résidence Neuilly, 1er étage, 01 BP. 1366 Abidjan 01,en cassation de l’Arrêt n° 1018 rendu le 20 juillet 2001 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort ;
En la forme : Reçoit la SDV-CÔTE D’IVOIRE en son appel relevé du Jugement n° 34 du 22 février 2001 rendu par le Tribunal de première instance d’Abidjan ;
Au fond :
- L’y déclare partiellement fondée ;
- Déclare les juridictions ivoiriennes compétentes pour connaître du présent litige ;
- Confirme le jugement en ses autres dispositions ;
- Condamne l’appelante aux dépens. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’aux termes d’une « convention de tierce détention et de prestations de services » en date du 21 décembre 1998, la société RIAL TRADING, propriétaire d’un lot de 146.531 sacs de sucre pesant 7.326,55 TM, demandait à la SDV-COTE D’IVOIRE de procéder aux opérations de déchargement, de transit et d’extraportage dans son magasin de ce lot provenant de Corinto (Nicaragua) ; que selon la SDV-COTE D’IVOIRE, à la date du 19 mai 2000, la société RIAL TRADING restait lui devoir, au titre des prestations effectuées pour son compte, la somme de 362.783.042 francs CFA en sus des intérêts de retard estimés à 45.281.718 francs CFA ; que par exploit de « sommation de payer » en date du 25 mai 2000 de Maître BOUAH Williams Hervé, Huissier de Justice à Abidjan, agissant à la requête de la SDV-CÔTE D’IVOIRE, la société RIAL TRADING était invitée à régler lesdits montants ; que la sommation précitée étant demeurée infructueuse, la SDV-CÔTE D’IVOIRE initiait une procédure d’injonction de payer et obtenait de la juridiction présidentielle du Tribunal de première instance d’Abidjan, l’Ordonnance d’injonction de payer n° 4163 rendue le 08 janvier 2000 ; que sur opposition formée par la société RIAL TRADING, le Tribunal de première instance d’Abidjan, par Jugement n° 34/Civ./1ère/ du 22 février 2001, rétractait ladite ordonnance « pour cause d’incompétence territoriale » et déclarait « que la juridiction compétente est le Président du Tribunal de Commerce de Paris » ; que par acte en date du 13 mars 2001, la SDV-CÔTE D’IVOIRE relevait appel du jugement précité devant la Cour d’appel d’Abidjan et celle-ci rendait l’Arrêt n° 1018 en date du 20 juillet 2001, objet du présent recours en cassation ;
Sur le moyen unique
Vu l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article 1er de l’Acte uniforme susvisé en ce que pour débouter la SDV-CÔTE D’IVOIRE de sa demande en paiement initiée contre la société RIAL TRADING suivant la procédure d’injonction de payer organisée par ledit Acte uniforme, la Cour d’appel a estimé que la créance dont le recouvrement est poursuivi par la SDV-CÔTE D’IVOIRE ne remplissait pas l’une des exigences prévues par l’article 1er précité, à savoir, la certitude aux motifs que les factures par elle produites « …varient effectivement dans leur coût sans qu’aucune explication ou mode de calcul ne soit fourni ainsi par exemple, pour un mois d’entreposage de sucre, la facture est de 10.083.438 francs CFA, et pour deux mois elle porte une créance de 16.871.738 francs CFA. » ; et qu’ « aucune pièce du dossier ne permet de vérifier si le paiement d’intérêt de retard est prévu entre les parties et quel est son mode calcul… » ; que la Cour d’appel a conclu péremptoirement au débouté de la SDV–Côte d’Ivoire motif pris de ce que la créance réclamée ne serait en outre ni liquide ni exigible ; qu’en statuant ainsi alors qu’il est établi que la SDV-CÔTE D’IVOIRE et la société RIAL TRADING ont entretenu une relation contractuelle matérialisée par une « convention de tierce détention et de prestations de services » aux termes de laquelle la SDV-CÔTE D’IVOIRE percevrait une rémunération en contrepartie des prestations effectuées pour le compte de la société RIAL TRADING, rémunération dont le mode de calcul en principal et intérêts a été expressément convenu par les parties et, alors encore, qu’il est constant que la SDV-CÔTE D’IVOIRE poursuit le recouvrement de la somme de 362.783.042 francs CFA reliquat d’une créance totale de 411.493.431 francs CFA, la Cour d’appel a mal apprécié les faits, la créance de la SDV-CÔTE D’IVOIRE répondant bien en l’espèce aux exigences de l’article 1er de l’Acte uniforme précité en ce qu’elle est certaine – son existence ne souffre d’aucune contestation puisque tirant son essence d’une relation contractuelle non contestée par les parties -, liquide – son montant est déterminable et a été déterminé en argent – et exigible – en vertu de la convention arrivée à échéance, caractère de surcroît corroboré par les acomptes réglés par la société RIAL TRADING – ; que de ce qui précède, il résulte que l’arrêt attaqué a été rendu en violation de l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et encourt la cassation ;
Attendu que l’article 1er de l’Acte uniforme susvisé dispose que « le recouvrement d’une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer » ;
Attendu que pour confirmer la décision du premier juge qui avait rétracté l’Ordonnance d’injonction de payer n°4163 du 08 juin 2000 prise au profit de la SDV-CÔTE D’IVOIRE par le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan, la Cour d’appel, se prononçant « sur le caractère certain de la créance » de la requérante et ayant considéré notamment que « …la société RIAL TRADING conteste sérieusement [les] factures confectionnées unilatéralement par l’appelante et qui ne lui ont jamais été soumises pour approbation avant le procès », que « ces factures varient effectivement dans leur coût sans qu’aucune explication ou mode de calcul ne soit fourni » et enfin qu’ « …aucune pièce du dossier ne permet de vérifier si le payement d’intérêt de retard est prévu entre les parties et quel est son mode de calcul », a conclu que « les créances poursuivies ne revêtant pas ces trois caractères [la certitude, la liquidité et l’exigibilité] il convient de débouter la SDV-CÔTE D’IVOIRE» ; qu’en statuant par de tels motifs, alors d’une part, qu’une convention de tierce détention et de prestations de services dont les deux parties sont signataires avait prévu que la SDV-CÔTE D’IVOIRE percevrait, suivant des modalités qui y sont définies, une rémunération en contrepartie des prestations accomplies pour le compte de la société RIAL TRADING et, alors d’autre part, qu’en exécution de ses obligations contractuelles, la société RIAL TRADING a procédé à des règlements partiels de ladite créance sur la base de factures établies par la SDV-CÔTE D’IVOIRE, comme l’attestent des pièces versées au dossier de la procédure, règlements qui seraient inconcevables si la créance dont le recouvrement est poursuivi n’était certaine, la Cour d’appel n’a pas mis la Cour de céans en mesure d’exercer son pouvoir de contrôle ; qu’il échet en conséquence de casser l’Arrêt attaqué et d’évoquer ;
Sur l’évocation
Vu l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu que par acte en date du 13 mars 2001, la SDV- Côte d’Ivoire a relevé appel du Jugement n°34/CIV/1 rendu le 22 février 2001 par le Tribunal de première instance d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale sur opposition en premier ressort ;
- Déclare l’opposition formée par la société RIAL TRADING recevable et bien fondée ;
- Rétracte l’Ordonnance d’injonction de payer n°4163 du 08 juin 2000 pour cause d’incompétence territoriale ;
- Dit que la juridiction compétente est le président du Tribunal de commerce de Paris ;
- Condamne la SDV -CI aux entiers dépens » ;
Attendu que dans son « acte d’appel valant premières conclusions » en date du 13 mars 2001, la SDV-CÔTE D’IVOIRE a relevé que la société RIAL TRADING, dans ses écritures prises devant le premier juge, avait soutenu que le Tribunal de première instance d’Abidjan serait incompétent au profit du Tribunal de commerce de Paris (FRANCE) motif pris de ce que ladite société y aurait son siège et ce, sur la base des dispositions de l’article 3 alinéa 1 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution qui prescrit que « … la demande est formée par requête auprès de la juridiction compétente du domicile ou du lieu ou demeure effectivement le débiteur ou l’un d’entre eux en cas de pluralités de débiteurs… » ; que le Tribunal de première Instance d’Abidjan ayant suivi la société RIAL TRADING dans ses affirmations en rétractant l’ordonnance d’injonction de payer ci-dessus mentionnée a manifestement erré ; qu’en effet, s’il est de principe en la matière que le Tribunal compétent est celui du lieu de résidence du débiteur, cette règle toutefois ne trouve plus à s’appliquer dès lors que les parties y ont contractuellement dérogé ainsi qu’il résulte de l’article 3 alinéa 2 de l’Acte uniforme précité, les factures adressées à la société RIAL TRADING ainsi que les pièces produites aux débats mentionnant de façon apparente, explicite et non équivoque la règle de compétence sus-citée ; qu’en tout état de cause, il y a lieu de préciser, que la SDV-CÔTE D’IVOIRE et la société RIAL TRADING étaient liées par un contrat de tierce détention, objet de la créance, qui attribuait, en son article 18, compétence au Tribunal de première instance d’Abidjan ; qu’en matière commerciale, le Tribunal compétent est celui dans le ressort duquel la marchandise a été livrée ou celui dans le ressort duquel le paiement a été ou devrait être fait ; qu’en l’espèce, la marchandise objet de la convention liant la SDV-CÔTE D’IVOIRE à la société RIAL TRADING a été livrée à Abidjan et le paiement effectué en ladite ville comme l’attestent les différents effets tirés par la société RIAL TRAIDING sur des banques ivoiriennes et revenues impayés ; qu’enfin, la société RIAL TRAIDING, dans plusieurs actes de procédure, a expressément déclaré élire domicile au siège des sociétés SIAMCO et CITRADE sises à Abidjan ; que dès lors, la société RIAL TRADING ne saurait denier compétence aux juridictions ivoiriennes ; qu’elle demande en conséquence à la Cour d’infirmer sur ce point la décision querellée et de déclarer les juridictions ivoiriennes compétentes pour connaître dudit litige en application des dispositions de l’article 3, alinéa 2, de l’Acte uniforme précité ; que sur le bien-fondé de sa créance, la SDV-CÔTE D’IVOIRE déclare qu’elle était en relation d’affaires avec la société RIAL TRADING et que dans ce cadre elle a effectué pour le compte de celle-ci diverses opérations de transit, d’entreposage, de transport et de manutention portant sur du sucre ; qu’au 25 mai 2000, la société RIAL TRAIDING restait lui devoir la somme de 362.783.042 francs CFA, augmentée des intérêts de retard arrêtés à cette date à 45.281.718 francs CFA ; qu’estimant que la certitude, la liquidité de même que le caractère exigible de sa créance ne peuvent être sérieusement contestés par la société RIAL TRADING, elle demande de :
« – déclarer son appel recevable ;
- dire et juger que les parties ont contractuellement donné compétence
aux juridictions ivoiriennes ;
- dire et juger que la marchandise objet de la convention liant les parties a été livrée à Abidjan ;
- dire et juger que le paiement relatif à la susdite convention a été et devait être effectué à Abidjan ;
- dire et juger que la créance de la SDV-CI n’est nullement contestée ;
– dire et juger que celle-ci est certaine, liquide et exigible.
En conséquence :
– déclarer compétentes les juridictions ivoiriennes en application des dispositions de l’article 3 alinéa 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
– condamner RIAL TRADING à payer à la SDV-CI la somme en principal de francs CFA 362.783.042 en sus des intérêts de retard arrêtés au 30 mai 2000 à 45.281.718 francs CFA et ceux encourus depuis la susdite date ;
– condamner enfin RIAL TRADING aux entiers dépens distraits au profit de Maître Michel BOUAH-KAMON, Avocat aux offres de droits. » ;
Attendu que pour sa part, dans ses conclusions en réplique en date du 09 mai 2001, la société RIAL TRADING a principalement soulevé une fin de non- recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel de la SDV-CÔTE D’IVOIRE et deux exceptions tirées de la non communication de pièces et de l’incompétence du Tribunal de première instance d’Abidjan ; que sur le premier point, elle soutient que « l’article 15 de l’acte uniforme de l’OHADA sur le recouvrement simplifié des créances dispose que la décision rendue sur opposition est susceptible d’appel dans les conditions du droit national de chaque Etat partie. C’est en application de cette disposition que l’appel doit respecter les règles édictées par les articles 162 et suivant du code de procédure civile sur l’appel. Or, l’article 176 dudit code dispose que les règles édictées pour la procédure en appel devant les tribunaux de première instance sont applicables aux instances en appel tant devant la cour que devant les conseillers chargés de la mise en état. Qu’en application de cet article, les dispositions applicables devant la Cour d’appel doivent être recherchées dans l’acte uniforme de l’OHADA. Que l’article 11 de l’acte uniforme de l’OHADA dispose que l’assignation à comparaître devant la juridiction compétente ne doit pas excéder le délai de 30 jours. En application de l’article 176 du code de procédure civile qui renvoie aux règles applicables devant le tribunal, cette disposition doit s’appliquer en appel. Or, l’appel de la SDV-CÔTE D’IVOIRE a été ajourné à plus de deux mois. Le respect du délai d’ajournement est essentiel car la procédure d’injonction de payer est une procédure de recouvrement simplifié et accéléré des créances. Le juge d’appel est également juge de l’opposition. Il doit respecter les règles qui président à cette procédure.
En conséquence, il est demandé à la Cour de faire une application combinée des articles 15, 11 de l’acte uniforme de l’ OHADA et 176 du code de procédure civile et de déclarer irrecevable en conséquence l’appel de la société SDV pour avoir été ajourné au delà de 30 jours. » ; que sur le deuxième point relatif à l’exception de communication de pièces, la société RIAL TRADING a déclaré que la SDV-CÔTE D’IVOIRE a cité dans son acte d’appel « près de 5 pièces » ; qu’aucune de ces pièces ne lui a été préalablement communiquée comme l’exige l’article 166 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative qui prescrit que les parties doivent déposer leurs pièces et conclusions dans un délai de deux mois à peine de forclusion ; que la société RIAL TRADING ne pouvant conclure valablement que si les pièces citées par la SDV-CÔTE D’IVOIRE lui sont transmises dans ce délai, ne l’ayant pas fait, elle l’a mise dans l’impossibilité d’assurer convenablement sa défense, violant ainsi les droits de la défense ; qu’elle se voit ainsi obligée de conclure sans avoir pris connaissance des pièces qui fondent l’action de la SDV-CÔTE D’IVOIRE, qu’il y a lieu pour respecter les droits de la défense que ces pièces soient retirées du dossier et qu’il n’en soit tenu aucun compte ; que sur le troisième point relatif à l’exception d’incompétence du Tribunal de première instance d’Abidjan, la société RIAL TRADING estime que l’alinéa 2 de l’article 3 de l’Acte uniforme précité sur lequel s’est fondé le Tribunal de première instance d’Abidjan pour se déclarer incompétent dispose que la clause attributive de compétence doit être prévue dans un contrat ; que les factures et les actes de procédure n’étant pas des contrats, il y a donc lieu de confirmer le jugement querellé et dire que ledit Tribunal est incompétent compte tenu de ce que le siège social de la société RIAL TRADING est au 15, rue des Saints Pères 750006 Paris France ;
Attendu que, subsidiairement au fond, concluant sur les caractères de certitude, de liquidité et d’exigibilité de la créance de la SDV-CÔTE D’IVOIRE et sur les intérêts qu’aurait générés ladite créance, la société RIAL TRADING estime, sur le premier point, que la SDV–Côte d’Ivoire fonde sa prétention sur des factures qu’elle ne lui a pas communiquées ; que cependant à partir de celles en sa possession qui n’atteignent pas le montant faramineux de 361.278.042 F CFA, il ressort que les montants y inscrits sont établis de façon unilatérale par la SDV- Côte d’Ivoire sans qu’elle ne justifie ni le mode de calcul ni le tarif de ses interventions ni les diligences faites pour mériter le paiement de telles sommes d’autant que ces factures ont été transmises à une adresse inconnue de la société RIAL TRADING, laquelle est domiciliée au 15, rue des Saint Pères 750006 Paris France et non au 40 rue de la Perouse 75116 Paris France comme indiqué sur lesdites factures ; que, sur le second point, la société RIAL TRADING estime que les intérêts de retard pour faire l’objet d’une procédure d’injonction de payer, doivent être contractuels, à défaut, ils ne sont pas liquides ; que ces intérêts ont donc été abusivement inclus dans l’ordonnance d’injonction de payer ; que de ce qui précède, la société RIAL TRADING demande au principal, de dire et juger que le Tribunal de première instance d’Abidjan est incompétent et, subsidiairement, dire et juger que la créance de la SDV-CÔTE D’IVOIRE n’est pas liquide et certaine et, en conséquence, rétracter l’ordonnance querellée ;
Sur la recevabilité de l’appel
Attendu que l’article 15 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution dispose que « la décision rendue sur opposition est susceptible d’appel dans les conditions du droit national de chaque Etat partie. Toutefois, le délai d’appel est de trente jours à compter de la date de cette décision » ;
Attendu en l’espèce que par exploit en date du 13 mars 2001 la SDV- Côte d’Ivoire a relevé appel du Jugement n°34 rendu le 22 février 2001 par le Tribunal de première instance d’Abidjan saisi de l’opposition formée le 23 juin 2000 par la société RIAL TRADING contre l’Ordonnance d’injonction de payer n°4163 rendue le 08 juin 2000 par le Président dudit Tribunal à son profit ; que l’appel interjeté par la SDV-CÔTE D’IVOIRE le 13 mars 2001, soit moins de trente jours à compter de la date de la décision, était recevable conformément aux dispositions de l’article 15 susénoncées de l’Acte uniforme susvisé, seules applicables en l’espèce pour apprécier la recevabilité de l’appel quant au délai d’appel ; qu’il n’est donc point besoin d’appliquer ni les dispositions des articles 162 et 176 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative qui régissent également cette matière, ni celles de l’article 11 dudit Acte uniforme qui obligent, entre autres, l’opposant, à peine de déchéance, de servir assignation au créancier à comparaître devant la juridiction compétente à une date fixe qui ne saurait excéder le délai de trente jours à compter de l’opposition afin qu’il soit statué sur celle-ci ; que le délai précité ne devant nullement être confondu avec celui de l’appel, il ne saurait être reproché à l’appel de la SDV- Côte d’Ivoire d’avoir été ajourné à plus de deux mois alors, au demeurant, que l’opposition et l’appel n’ont pas le même objet, la première étant la seule voie de droit ouverte au débiteur contre l’ordonnance d’injonction de payer prononcée à son encontre et qui lui permet de faire juger contradictoirement, dans le cadre d’une procédure au fond, les prétentions du créancier qu’il conteste, le second visant à reformer le jugement d’opposition ; qu’il s’ensuit que la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité pour cause de tardiveté de l’appel n’est pas fondée et doit être rejetée ;
Sur l’exception de non communication de pièces
Attendu qu’il ressort des énonciations de l’article 166 du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative que « dans le délai de deux mois à compter de la signification de l’appel, les parties doivent faire parvenir au greffier de la Cour :
1° Les conclusions et pièces dont elles entendent se servir en cause d’appel ;
2° Une déclaration faisant connaître si elles entendent présenter ou faire présenter devant la Cour des explications orales…. » ; qu’il résulte des énonciations dudit article que l’appelante était seulement tenue de transmettre ses pièces et conclusions au greffe de la Cour d’appel et non à l’intimée ; qu’en l’espèce celle-ci n’ayant pas prouvé que ladite transmission n’a pas été faite, il y a lieu de dire que l’exception de non communication de pièces par elle présentée n’est pas fondée et doit être rejetée ;
Sur la compétence du Tribunal de première instance d’Abidjan
Attendu que l’article 18 de la « convention de tierce détention et de prestations de services » signée par les sociétés RIAL TRADING et SDV- Côte d’Ivoire stipule que « pour l’application des présentes, les parties conviennent de faire élection de domicile en leurs sièges respectifs et que la loi applicable et les tribunaux compétents pour régler tout différend qui les opposerait seront ceux d’Abidjan. » ; qu’il en résulte que contrairement aux affirmations de la société RIAL TRADING, ladite convention, qui est la loi des parties et doit à ce titre s’appliquer, a prévu une élection de domicile par laquelle les parties ont entendu déroger aux règles de compétence territoriale relatives à la demande d’injonction de payer, conformément aux dispositions de l’article 3, alinéa 1, de l’Acte uniforme précité qui prescrivent que « les parties peuvent déroger à ces règles de compétence au moyen d’une élection de domicile prévue au contrat. » ; que dès lors, c’est à tort que le premier juge s’est déclaré incompétent au profit du Président du Tribunal de Commerce de Paris ; qu’il échet en conséquence d’infirmer le jugement querellé sur ce point et de dire que le Tribunal de première instance d’Abidjan est celui compétent pour connaître du présent litige ;
Sur les intérêts de retard
Attendu que l’article 11 de la convention précitée se réfère expressément à « tout retard de règlement » donnant « droit à perception complémentaire par SDV-CI d’agios fixés forfaitairement à 1% par mois de retard. » ; que dès lors la demande de la société RIAL TRADING tendant à faire rejeter comme non justifiées les prétentions de la SDV-Côte d’Ivoire relatives aux intérêts de retard qu’elle a estimés à 45.281.718 francs CFA, n’est pas fondée et doit être rejetée ;
Sur la certitude de la créance
Attendu que la SDV-CÔTE D’IVOIRE poursuit le recouvrement d’un montant de 362.783.042 francs CFA en sus des intérêts de retard arrêtés au 30 mai 2000 à la somme de 45.281.718 francs CFA ; que sur cette créance matérialisée par diverses factures, la société RIAL TRADING a effectué des règlements partiels ainsi que l’attestent des pièces versées au dossier de la procédure desquelles il apparaît que les règlements précités correspondent à l’objet de la « convention de tierce détention et de prestations de services » dont les deux parties sont signataires et qui énumère expressément en son article 7.1 les différentes prestations à accomplir d’ordre et pour le compte de la société RIAL TRADING ;
Attendu qu’il est de principe que tout paiement suppose une dette ou une obligation et que le paiement éteint celle-ci, libérant ainsi le débiteur ; qu’en l’espèce, la société RIAL TRADING sans s’expliquer sur les règlements partiels qu’elle a déjà effectués se borne à contester le mode de calcul et d’établissement des factures établies par la SDV-CÔTE D’IVOIRE alors d’ailleurs que c’est sur la base de celles-ci qu’elle a procédé aux règlements précités et qu’il serait illogique qu’elle agisse ainsi si la créance dont le recouvrement est poursuivi n’était certaine ; que dès lors, la société RIAL TRADING n’ayant apporté aucune preuve de ce qu’elle s’est libérée de sa dette, la créance dont le recouvrement est poursuivi par SDV-CÔTE D’IVOIRE doit être considérée comme certaine ;
Sur la liquidité de la créance
Attendu que le quantum de la créance invoquée par la SDV- Côte d’Ivoire est déterminé dans sa quantité, en d’autres termes, chiffré ; qu’elle est donc liquide ;
Sur l’exigibilité de la créance
Attendu qu’une créance est exigible lorsque le débiteur ne peut se prévaloir d’aucun délai ou condition susceptibles d’en retarder ou d’en empêcher l’exécution ; qu’en l’espèce, la société RIAL TRADING ne se prévaut ni d’un terme conventionnel ni d’un moratoire, seuls cas, s’ils existent, pouvant constituer un obstacle à l’exigibilité de la créance, l’article 11 in fine de la « convention de tierce détention et de prestations de services » ayant d’ailleurs prévu qu’«en cas de retard de paiement par RIAL TRADING, la totalité du compte deviendra, si bon semble à SDV-CÔTE D’IVOIRE immédiatement exigible sans qu’il soit besoin, pour ce dernier, de recourir à une quelconque mise en demeure préalable, ni formalité judiciaire ou extrajudiciaire » ; qu’il s’ensuit que la créance dont le recouvrement est poursuivi est exigible ;
Sur les intérêts encourus depuis le 30 mai 2000
Attendu que si cette demande se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant, en raison de sa nature même, l’indication précise et le décompte du montant des intérêts encourus depuis le 30 mai 2000, date de la requête d’injonction de payer, font toutefois défaut ; qu’il échet en conséquence de ne pas faire droit à ladite demande ;
Attendu qu’il résulte de tout ce qui précède que la créance de la SDV-CÔTE D’IVOIRE étant certaine, liquide et exigible, il échet d’infirmer le jugement entrepris et de restituer à l’Ordonnance d’injonction de payer n°4163, rendue le 08 juin 2000 par le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan, son plein et entier effet ;
Attendu que la société RIAL TRADING ayant succombé doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
- Casse l’Arrêt n° 1018 rendu le 20 juillet 2001 par la Cour d’appel d’Abidjan ;
Evoquant et statuant sur le fond,
- Rejette la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel de la SDV – Côte D’Ivoire et les exceptions tirées de la non communication de pièces et de l’incompétence du Tribunal de première instance d’Abidjan présentées par la société RIAL TRADING ;
- Dit que les intérêts de retard ont été, à bon droit, inclus dans la demande d’injonction de payer ;
- Dit que la créance de la SDV-CÔTE D’IVOIRE, en principal, intérêts et frais, est certaine, liquide et exigible ;
- Dit qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande relative aux intérêts encourus depuis le 30 mai 2000, date de la requête d’injonction de payer ;
- Infirme en conséquence, en toutes ses dispositions, le Jugement n° 34/Civ./1ère rendu le 22 février 2001 par le Tribunal de première instance d’Abidjan ;
- Restitue à l’Ordonnance d’injonction de payer n° 4163 rendue le 08 juin 2000 par le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan son plein et entier effet ;
- Condamne la société RIAL TRADING aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :