ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 Deuxième chambre

Audience Publique du 24 février 2005

Pourvoi n° 031/2003/PC du 14 mars 2003                

Affaire : 1) SABBAH Afif Youssef

              2) MAHMOUD Mohamed Rozz

              3) SABBAH Abdallah

              4) SABBAH Akrah

 (Conseil : Maître YOBOUET Konan Jacques, Avocat à la Cour)

Contre

  • Madame GUITY née Karidjatou TASSABEDO
  • Société de Commerce Général du Centre SARL dite CGC

ARRET N°016/2005 du 24 février 2005

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ( C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires ( O.H.A.D.A ), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 24 février 2005 où étaient présents :

 

  1. Antoine Joachim OLIVEIRA, Président, rapporteur

Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge

Boubacar DICKO, Juge

et Maître ASSIEHUE Acka,      Greffier ;

 

Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire SABBAH Afif Youssef, MAHMOUD Mohamed Rozz, SABBAH Abdallah et SABBAH Akrah contre Madame GUITY née Karidjatou TASSABEDO, par Arrêt n° 778/02 du 12 décembre 2002 de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE, Chambre Judiciaire, Formation Civile, saisie d’un pourvoi formé le 30 août 2001 par les requérants désignés ci-dessus, ayant pour conseil Maître YOBOUET Konan Jacques, Avocat à la Cour, demeurant à Toumodi, B.P. 640,en cassation de l’Arrêt n°52 rendu le 21 mars 2001 par la Cour d’appel de Bouaké, Chambre civile et commerciale, au profit des défendeurs à la cassation désignés ci-dessus, et dont le dispositif est le suivant :

« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en premier ressort ;

 

Déclare les demandeurs recevables en leur action ;

Les y dit partiellement fondés ;

Ordonne la distraction à leur profit des objets mobiliers ci-après :

  • 1 voiture de marque ACCOR immatriculé 1650 CK01 ;
  • 1 voiture de marque SUNNY immatriculé 2870 CA 01 ;
  • 1 camion de marque DAF immatriculé 5519 AX 07 ;
  • 2 congélateurs de marque GRAM ;
  • 5 chambres froides de marque BONNET ;

Ordonne la continuation des poursuites en ce qui concerne les autres objets saisis ;

Met les frais de la procédure à la charge des demandeurs ; » ;

Les requérants invoquent à l’appui de leur pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent Arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur Antoine Joachim OLIVEIRA, Président ;

Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu que Madame GUITY née Karidjatou TASSABEDO, à qui le Greffier en chef de la Cour a notifié la lettre n° 209/2003/G du 2 mai 2003, l’informant de ce que, en application de l’article 23 du Règlement de procédure susvisé, le ministère d’Avocat est obligatoire devant la Cour de céans, n’a pas constitué d’avocat dans le délai d’un mois qui lui avait été imparti pour le faire ;

Qu’il en est de même pour la Société de Commerce Général du Centre à laquelle avait été notifiée par le Greffier en chef, à la même date, la lettre n° 212/2003/G ayant la même teneur que celle visée ci-dessus ; que toutes ces diligences prescrites ayant été accomplies, il y a lieu d’examiner le recours ;

Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que Madame GUITY née Karidjatou TASSABEDO a, en vertu de l’Arrêt n° 25 du 02 février 2000, rendu en matière sociale par la Cour d’appel de Bouaké, infirmatif en partie du Jugement n° 83 du 20 mai 1999, du Tribunal du Travail de Bouaké, ayant condamné la Société de Commerce Général du Centre à lui payer diverses sommes d’argent à la suite de son licenciement, fait procéder le 25 avril 2000 à une saisie vente des biens meubles corporels se trouvant dans les locaux occupés par ladite société ; que par Jugement n° 151 du 16 novembre 2000, la Section du Tribunal de Toumodi, saisi d’une demande en distraction de biens saisis de la part des requérants, a ordonné la restitution à leur profit de certains biens ainsi que la continuation des poursuites sur les autres objets saisis ; que sur les appels, principal de SABBAH Afif Youssef et autres, et incident de Madame GUITY née Karidjatou TASSABEDO, la Cour d’appel de Bouaké, par Arrêt n° 52 du 21 mars 2000, objet du présent pourvoi en cassation, a infirmé en partie le Jugement n° 151 susvisé en ce qu’il a ordonné la distraction de certains biens, et statuant à nouveau, débouté SABBAH Afif Youssef et autres de leur demande en distraction de biens saisis ;

Sur le moyen unique

Vu l’article 141, alinéa 1, de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

Attendu qu’aux termes de cette disposition, « Le tiers qui se prétend propriétaire d’un bien saisi peut demander à la juridiction compétente d’en ordonner la distraction.» ;

Attendu que le tiers visé par cette disposition s’entend de toute personne étrangère à la saisie-vente ;

Attendu que SABBAH Afif Youssef et autres reprochent à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré mal fondée leur demande en distraction de biens saisis, au motif qu’ils n’étaient pas tiers au sens de l’article 141 de l’Acte uniforme susvisé, alors que « la Société CGC, étant une personne morale, les personnes physiques fussent-elles des associés, ont une personnalité juridique distincte. Qu’elles demeurent tiers à la personne morale pendant le temps que celle-ci existe » ; qu’en statuant ainsi la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Attendu, en l’espèce, que pour écarter l’action en distraction des biens formée par SABBAH Afif Youssef et autres, la Cour d’appel de Bouaké s’est bornée à relever « qu’en l’espèce aucun tiers n’a initié une telle action » ; qu’en se déterminant ainsi sans rechercher si l’Arrêt n° 25 du 02 février 2000 constituant le titre exécutoire sur le fondement duquel Madame GUITY née Karidjatou TASSABEDO a pratiqué la saisie-vente à l’encontre de la Société CGC avait également condamné SABBAH Afif Youssef et autres au paiement de la créance, cause de la saisie, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ; qu’il y a lieu de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer ;

Sur l’évocation

Attendu que SABBAH Afif Youssef et autres ont, le 13 décembre 2000, interjeté appel du Jugement civil contradictoire n° 151 rendu le 16 novembre 2000 par la Section du Tribunal de Toumodi et dont le dispositif est le suivant :

« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en premier ressort ;

Déclare les demandeurs recevables en leur action ;

Les y dit partiellement fondés ;

Ordonne la distraction à leur profit des objets mobiliers ci-après :

  • 1 voiture de marque ACCOR immatriculé 1659 CK 01 ;
  • 1 voiture de marque SUNNY immatriculé 2870 CA 01 ;
  • 1 camion de marque DAF immatriculé 5519 AX 07 ;
  • 2 congélateurs de marque GRAM ;
  • 05 chambres froides de marque BONNET ;

Ordonne la continuation des poursuites en ce qui concerne les autres objets saisis ;

Met les frais de la procédure à la charge des demandeurs ; » ;

Attendu que SABBAH Afif Youssef et autres, appelants à titre principal,  poursuivent l’infirmation du jugement querellé sur le chef des dispositions ayant ordonné la distraction des biens saisis et demandent la distraction, à leur profit, de tous les biens saisis ; qu’ils font valoir au soutien de leur appel que les biens sur lesquels a été ordonnée la continuation des poursuites ne font pas partie du fonds de commerce de la Société de Commerce Général du Centre ; qu’ils ont été acquis par SABBAH Afif Youssef et autres ;

Attendu que Madame GUITY née Karidjatou TASSABEDO, intimée et appelante incidente demande, dans ses conclusions du 2 février 2001, de condamner la Société CGC à lui payer des dommages-intérêts pour préjudices subis du fait de la mauvaise foi de ladite société, de débouter les appelants de toutes leurs prétentions, et d’ordonner la continuation des poursuites ainsi que l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;

Attendu qu’elle fait valoir au soutien de son appel incident que la demande de SABBAH Afif Youssef et autres est dictée exclusivement par leur volonté de retarder la vente des objets saisis et qu’elle repose sur des titres de propriété et d’écrits qu’ils se sont empressés de réunir, de façon douteuse, pour les besoins de la cause et auxquels il ne peut, par conséquent, être accordé de crédit ;

Sur la demande de distraction de biens saisis

Attendu que l’Arrêt n° 25 du 02 février 2000 constituant le titre exécutoire en vertu duquel Madame GUITY née Karidjatou TASSABEDO a pratiqué la saisie-vente des biens à l’encontre de la Société CGC dispose que c’est cette dernière qui est condamnée au paiement de la créance, cause de ladite mesure d’exécution forcée ; qu’en l’absence, dans cette décision, de disposition condamnant SABBAH Afif Youssef et autres au paiement de la même créance, il y a lieu de les considérer comme étant des tiers par rapport à la procédure d’exécution forcée initiée par la partie saisissante susnommée, motif pris de ce qu’ils ne sont pas débiteurs de la créance réclamée ;

Attendu que la distraction des biens saisis ne peut être ordonnée au profit du tiers revendiquant que si celui-ci rapporte la preuve que les biens saisis étaient sa propriété ;

Attendu que SABBAH Afif Youssef et autres ont produit des cartes grises attestant que des véhicules automobiles, dont ils réclament la distraction, sont immatriculés en leur nom ;

Attendu qu’il y a lieu par conséquent d’ordonner d’une part au profit  des susnommés la distraction des véhicules automobiles saisis, et d’autre part, la continuation des poursuites de la procédure de saisie vente sur les autres biens saisis ;

Sur la demande de dommages-intérêts

Attendu que Madame GUITY née Karidjatou TASSABEDO ne rapporte pas la preuve que l’action initiée par SABBAH Afif Youssef et autres avait un objet autre que la distraction des biens saisis ; qu’il y a lieu de la débouter de sa demande  de dommages-intérêts ;

Attendu qu’il y a lieu, vu les circonstances de la cause, de laisser la charge des dépens à SABBAH Afif Youssef et autres ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse l’Arrêt n° 52 du 21 mars 2001 rendu par la Cour d’appel de Bouaké, Chambre civile et commerciale ;

Evoquant et statuant au fond,

Infirme, mais seulement en ce qui concerne le chef du dispositif ayant pour objet la distraction des biens saisis, le Jugement n° 151 rendu le 16 novembre 2000 par la Section du Tribunal de Toumodi ;

Ordonne en conséquence la distraction au profit de SABBAH Afif Youssef et autres des biens saisis ci-après :

  • 1 voiture de marque ACCOR immatriculée 1659 CK 01 ;
  • 1 voiture de marque SUNNY immatriculée 2870 CA 01 ;
  • 1 camion de marque DAF immatriculé 5519 AX 07 ;

Ordonne la continuation des poursuites en ce qui concerne les autres biens saisis ;

Déboute Madame GUITY née Karidjatou TASSABEDO de sa demande de dommages-intérêts ;

Condamne SABBAH Afif Youssef et autres aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

Le Président
Le Greffier