ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Première chambre

 

Audience publique du 29 mars 2018 

Pourvoi : N° 090/2016/PC du 19/04/2016                   

Affaire : ROYAL AIR MAROC

                      (Conseil : Maître Afoh KATAKITI, Avocat à la Cour)

 

                           Contre

 

                 DOSSOU-LIHOUE Claude

                 (Conseils : SCP Eli et Pierre et SCP Martial AKAKPO & Associés, Avocats à la Cour) 

                 

Arrêt N° 071/2018 du 29 mars 2018

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), première chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique 29 mars 2018 où étaient présents :

Madame      Flora DALMEIDA MELE,                             Présidente

Messieurs    Marcel SEREKOISSE SAMBA,                       Juge, rapporteur

Robert SAFARI ZIHALIRWA,                         Juge

 

et Maître     Edmond Acka ASSIEHUE,                           Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 19 avril 2016 sous le n°090/2016/PC et formé par Maître Afoh KATAKITI, Avocat au barreau de Lomé, quartier Atikoumé, 5 BP 840 Lomé 5, agissant au nom et pour le compte de Royal Air Maroc S.A, ayant son siège social à l’aéroport CASA ANFA Hay Hassani, CASABLANCA, RCCM TOGO MOE 2005 E 1033/26 OCT 2005, dans la cause qui l’oppose à monsieur DOSSOU-LIHOUE Claude, demeurant à Lomé, ayant pour Conseils Martial AKAKPO & Associés, société d’avocats au Barreau du Togo, 27, Rue Maréchal Bugeaud, BP 62210 et SCP Eli et Pierre, société d’avocats, quartier Djidjolé, 18 BP 276 Lomé 18,en cassation de l’Arrêt n° 461/2015 rendu le 23 décembre 2015 par la Cour d’appel de Lomé et dont le dispositif est le suivant :

« Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toutes les parties en matière commerciale et en appel ;

EN LA FORME

Reçoit la société ROYAL AIR MAROC, représentée par son représentant local en son appel ;

AU FOND

Le déclare partiellement fondé ;

Infirme le jugement en ce qu’il a fixé le montant des réparations à la somme de cinquante millions (50.000.000) FCFA ;

Le reformant, ramène le montant desdites réparations à la somme de vingt millions (20.000.000) FCFA et condamne la ROYAL AIR MAROC à son paiement ;

Confirme le jugement n°008/2014 en toutes ses autres dispositions non contraires ;

Mets les dépens à la charge de l’appelante » ;

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Juge ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’au début du deuxième trimestre 2010, monsieur DOSSOU-LIHOUE Claude a acheté à la représentation à Lomé de la compagnie aérienne ROYAL AIR MAROC un billet d’avion aller-retour à Milan (Italie) via Casablanca, pour répondre à une invitation de ses partenaires d’affaires ; qu’à l’escale de Casablanca, les autorités policières marocaines, effectuant un contrôle de sécurité aéroportuaire, ont émis des réserves sur l’authenticité du visa italien que détenait Claude DOSSOU-LIHOUE, l’ont débarqué et fait retourner à Lomé le 26 avril 2010 en vue de procéder aux vérifications auprès du Consulat d’Italie à Lomé, alors que son arrivée à Milan était prévue pour le 25 avril 2010 ; que le Consulat confirmera plus tard aux autorités marocaines l’authenticité du visa de monsieur DOSSOU-LIHOUE ; que le 16 juin 2010, DOSSOU-LIHOUE a adressé à la représentation locale de Royal Air Maroc à Lomé une lettre de protestation et de réclamation ; que le 03 août 2010, le Directeur de Marketing de la Royal Air Maroc à Lomé répond pour « regretter les désagréments qui ont été causés ,…. prier DOSSOU-LIHOUE d’accepter des excuses  présentées  au nom de Royal Air Maroc » et faire des offres de réparations, entre autres, le remboursement du prix du billet aller-retour Lomé-Milan ; qu’ayant décliné ces offres, DOSSOU-LIHOUE a attrait La Royal Air Maroc devant le Tribunal de première instance de première classe de Lomé  qui a condamné celle-ci, par le jugement n° 008/14 du 20 janvier 2014, à cinquante millions de dommages et intérêts pour tous les préjudices subis ; que la Cour d’appel de Lomé, statuant sur le recours de La Royal Air Maroc, a rendu l’arrêt sus-énoncé dont pourvoi ;

Sur les deux moyens du pourvoi réunis

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué, d’une part, la violation des articles 121 et 122 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique et, d’autre part, des articles 415 et 494 du même Acte uniforme, en ce que, pour condamner La Royal Air Maroc à payer la somme de vingt millions (20.000.000 ) FCFA à monsieur DOSSOU-LIHOUE, la Cour d’appel de Lomé a considéré que la lettre adressée à celui-ci par la Direction Marketing de la succursale au Togo de la demanderesse au pourvoi, équivaut à une reconnaissance pure et simple par La Royal Air Maroc de sa responsabilité, alors que de la lecture combinée des quatre articles susvisés, il résulte qu’une société, de surcroît anonyme comme en l’espèce, ne peut être engagée que par les actes passés par ses dirigeants qui sont, soit les organes de gestion, de direction et d’administration, soit le Président-Directeur Général, le Président du Conseil d’Administration, le Directeur Général ou l’administrateur général dans le cas de la société anonyme ; que la Direction Marketing ne peut en aucun cas être un organe d’administration de toute la société et ne peut donc pas engager la société anonyme à l’égard des tiers par ses actes, quelle que soit leur nature ; que la lettre envoyée à DOSSOU-LIHOUE n’a été déterminée que par un esprit purement commercial et d’aménagement de la clientèle ;

Mais attendu que depuis sa correspondance du 16 juin 2010 adressée à la société Royal Air Maroc, monsieur DOSSOU-LIHOUE Claude n’a eu comme seul interlocuteur épistolaire que la Direction Marketing de cette société à Lomé ; qu’ainsi, en vertu de la théorie de l’autorité apparente, monsieur DOSSOU-LIHOUE a légitimement cru que la Direction Marketing de la Royale Air Maroc dispose de tous les pouvoirs nécessaires pour gérer leur différend jusqu’à son terme, surtout lorsque cette Direction Marketing a « regretté » par écrit les désagréments, a présenté « les excuses au nom de la Royal Air Maroc » et a fait des offres de réparations qui engagent les ressources financières de la Royal Air Maroc ; qu’il n’apparaît nulle part des pièces du dossier de la procédure, que les dirigeants sociaux de la Royal Air Maroc aient remis en cause, de quelque manière que ce soit, les actes accomplis par la direction marketing à Lomé ; que dans ces circonstances, il y a lieu d’affirmer que la société Royal Air Maroc a agréé les actes posés par sa Direction Marketing à Lomé, qui a agi en son nom, d’autant que ces actes entrent dans l’objet de la société et que la Direction Marketing a eu pour but de servir les intérêts de ladite société en ménageant son client  DOSSOU-LIHOUE Claude ; qu’en retenant la responsabilité de la Royal Air Maroc pour statuer comme elle l’a fait, la Cour d’appel de Lomé n’a en rien commis le grief relevé contre elle ; qu’il y a lieu de déclarer les deux moyens non fondés et, en conséquence, de rejeter le pourvoi ;

Attendu que succombant, la société Royal Air Maroc doit être condamnée aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

 

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Rejette le pourvoi formé par la société Royal Air Maroc ;

La condamne aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

La Présidente

Le Greffier