ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Première Chambre                                              

Audience publique du 22 février 2018                                                                

Pourvoi : N°266/2016/PC du 30/11/2016

Affaire : Monsieur GAGOU KOSSIVI SETIWU

                                   (Conseil : Maître EKOUEVI AMAZOHOUN, Avocat à la Cour)

 

Contre

 

           SOCIETE ECOBANK TOGO SA

(Conseil : Maître Tiburce MONNOU, Avocat à la Cour)

 

Arrêt N° 041/2018 du 22 février 2018

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), première chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 22 février 2018 où étaient présents :

 

Madame      Flora DALMEIDA MELE,                             Présidente

Messieurs    Marcel SEREKOISSE SAMBA,                       Juge

Robert SAFARI ZIHALIRWA,                          Juge, rapporteur

 

et Maître     Edmond Acka ASSIEHUE,                           Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 30 novembre 2016 sous le n°266/2016/PC et formé par Maître Ferdinand EKOUEVI AMAZOHOUN, Avocat à la Cour, 05 rue Oulita, avenue des hydrocarbures, 14 BP 64 Lomé 14, agissant au nom et pour le compte de monsieur GAGOU KOSSIVI SETIWU, gérant de  société demeurant à Lomé, quartier Bè-Kpéhénou, dans la cause qui l’oppose à la société ECOBANK TOGO S.A, dont le siège est sis n°20 avenue Sylvanus olympio à Lomé, représentée par son Directeur Général Monsieur Mamady DIAKITE, demeurant à Lomé et domicilié en cette qualité au siège de la société, ayant pour  conseil Maître Tiburce MONNOU, Avocat à la Cour, Angle 1294, rue Santigou et rue Abougou, 06 BP 62296 Lomé 06, Togo,en cassation de l’arrêt n°248 rendu le 27/07/2016 par la Cour d’appel de Lomé et dont le dispositif est le suivant :

« Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toutes les parties en matière commerciale et en appel ;

En la forme

Reçoit l’appel de la Société ECOBANK-TOGO S.A prise en la personne de son Directeur Général ;

Au fond

La déclare fondée en son action ;

Infirme en toutes ses dispositions l’ordonnance n°0020/2016 du 25 juin 2016 ;

Statuant à nouveau

Dit que les dispositions de la loi n°88-02 du 20 avril 1988 modifiée par la loi n°89-30 du 28 novembre 1989 reçoivent application dans le cas d’espèce ;

Confirme donc en toutes ses dispositions l’ordonnance n°2105/2015 prise le 08 octobre 2015 par le juge des requêtes du Tribunal de Première Instance de Lomé ;

Met les dépens à la charge de l’intimé » ;

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur Robert SAFARI ZIHALIRWA, Juge ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que par convention de crédit en date du 15 juin 2010 modifiée par avenant en date du 09 décembre 2010, la Société ECOBANK-TOGO accordait divers concours financiers à la Société GROUPEMENT DE TRANSACTION ET DE COOPERATION Sarl (GTC Sarl), qui à la date de clôture du compte, le 05 Août 2015, s’élevaient à 413 688 174 FCFA ; que pour sûreté et garantie de paiement de cette créance, Monsieur GAGOU donnait à ECOBANK TOGO-S.A, sous condition suspensive de l’inexécution des obligations de la société GTC Sarl, un immeuble bâti, objet du titre foncier n°9906 RT, sis à Lomé, quartier Tokoin Dogbéavou ; que l’avenant à la convention du compte courant en date du 09 décembre 2010 incluait en outre, la dation en paiement sous condition suspensive comme garantie de remboursement de ladite créance ; que faute de paiement de cette créance par GTC Sarl, ECOBANK-TOGO S.A mettait en œuvre la réalisation de la dation en paiement suivant les dispositions de l’article 32 de la loi n°88-02 du 20 avril 1988 complétée et modifiée par la Loi n°89-30 du 28 novembre 1989 instituant une procédure simplifiée de recouvrement de créances civiles et commerciales au TOGO ; que par exploit d’huissier de justice, Maître Remy YAWO M. EKOU en date du 18 septembre 2015, ECOBANK-TOGO S.A faisait notifier la grosse de la convention de compte courant à Monsieur GAGOU KOSSIVI SETIWU avec sommation de s’exécuter ; que sur requête de la même banque, le Président du Tribunal de première instance de Lomé constatait, par ordonnance n° 2105/2015 du 08 octobre 2015, la dation en paiement et le transfert de l’immeuble bâti, objet du titre foncier n°9906 RT au profit d’ECOBANK-TOGO S.A en réalisation de la dation en paiement contenue dans la convention de compte courant conclue entre les parties le 15 juin 2010 ; que sur assignation en date du 16 octobre 2015 de monsieur GAGOU KOSSIVI SETIWU, le juge des référés du Tribunal de Première Instance de Lomé, rétractait par ordonnance n°0020/2016 du 25 janvier 2016, l’ordonnance n°2105/2015 du 08 octobre 2015 ; que sur appel d’ECOBANK TOGO S.A, la Cour d’appel de Lomé rendait, le 27 juillet 2016, l’arrêt infirmatif n°248/2016 dont pourvoi ;

Sur le premier moyen

Vu l’article 4 alinéa 2 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés ;

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 4 alinéa  2  de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés en ce que, pour statuer comme elle l’a fait, la Cour d’appel de Lomé a retenu la dation en paiement sous condition suspensive contenue dans la convention de compte courant liant ECOBANK-TOGO S.A à la Société GTC Sarl, comme une sûreté en garantie du remboursement de la créance d’ECOBANK-TOGO,  alors que, selon le moyen, les Actes uniformes étant obligatoires et d’application immédiate dans les Etats parties au Traité de l’OHADA, seuls les sûretés prévues par l’Acte uniforme susvisé sont valables dans ces Etats comme indiqué à l’article 4 alinéa 2 dudit Acte uniforme ;

Attendu, selon l’article 10 du Traité de l’OHADA, que « les Actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieur ou postérieur » ; qu’il résulte de l’article 4 alinéa 2 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés que « sauf disposition contraire du présent Acte uniforme, les seules sûretés réelles valablement constituées sont celles qui sont régies par cet acte … » ; qu’ainsi, d’une part, en faisant application des dispositions de droit interne instituant la dation en paiement sous condition suspensive portant sur un immeuble, en sûreté réelle susceptible de garantir le paiement d’une créance, alors qu’une telle sûreté n’est nullement prévue par l’Acte uniforme susvisé et ne peut, de ce fait, être valablement constituée et, d’autre part, en invoquant la loi nationale précitée pour valider une procédure de recouvrement de créances, alors que l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution qui, selon son article 336, « abroge toutes les dispositions relatives aux matières qu’il concerne dans les Etats parties »,  contient aussi bien des dispositions de fond que de procédure qui ont seule vocation à s’appliquer aux procédures de recouvrement engagées après son entrée en vigueur, la Cour d’appel a violé les textes susvisés par refus d’application ; qu’en conséquence, il y a lieu de casser l’arrêt n°248/2016 rendu le 27 juillet 2016  par la Cour d’appel de Lomé et d’évoquer ;

Sur l’évocation

Attendu que, par exploit en date du 12 février 2013, la Société ECOBANK-TOGO S.A représentée par son Directeur Général et ayant pour conseil Maître MONNOU, Avocat à la Cour, a relevé appel contre l’ordonnance n°0020/2016 rendue le 25 janvier 2016 par le juge des référés du Tribunal de première instance de Lomé dont le dispositif est ainsi conçu :

« PAR CES MOTIFS

Renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront ;

Mais à présent, et vu l’urgence ;

  • Rétractons purement et simplement l’ordonnance à pied de requête n°2105/2015 du 08 octobre 2015 ;
  • Condamnons ECOBANK-TOGO S.A aux dépens ; » ;

Attendu qu’à l’appui de son appel, ECOBANK-TOGO S.A soutient que le juge des référés a rétracté l’ordonnance n°2105 du 08 octobre 2015 constatant la dation en paiement donnée par monsieur GAGOU SETIWU KOSSIVI à son profit sous le prétexte que le législateur togolais a fait de la dation en paiement dans la loi n°88-02 du 20 avril 1988 instituant une procédure simplifiée de recouvrement de créances civiles et commerciales modifiée et complétée par la loi n°89-30 du 28 novembre 1989, une véritable sûreté, alors qu’en même temps, il a reconnu dans sa décision que l’Acte uniforme portant organisation des sûretés n’a pas retenu, au rang des sûretés, la dation en paiement avant de conclure paradoxalement, par application du Traité OHADA, que c’est à tort que l’ordonnance attaquée a visé l’alinéa 6 de l’article 32  ladite loi pour lui attribuer par voie de dation en paiement la propriété de l’immeuble de monsieur GAGOU SETIWU KOSSIVI ; qu’elle demande à la Cour de dire et juger que l’alinéa 6 de l’article 7 de la loi susvisée n’est pas contraire aux dispositions de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés ni à celles de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et de constater, en outre, que GAGOU SETIWU KOSSIVI n’a relevé aucune contestation ni de forme ni de fond dans le délai de 15 jours imparti par l’article 7 alinéas 4 et 5 de ladite loi ;

Attendu qu’en réplique, l’intimé soutien que la dation en paiement  n’ayant pas été retenue par l’Acte uniforme portant organisation des sûretés comme une sûreté ou une garantie d’exécution des obligations, c’est en violation dudit Acte uniforme qu’elle a été insérée à la convention de compte courant du 15 juin 2010 comme une garantie de remboursement du crédit alloué à la Société GTC Sarl, et c’est à bon droit que le premier juge a rétracté l’ordonnance n°2105 du 08 octobre 2015 qui constatait la réalisation d’une garantie contraire à la loi ; qu’elle soutient par ailleurs, qu’aucune disposition de la loi vantée ne peut être invoquée pour soutenir une procédure de recouvrement de créances civiles et commerciales après l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, sans heurter l’article 336 de celui-ci et sollicite la confirmation de l’ordonnance attaquée ;

Attendu que pour les mêmes motifs que ceux sur le fondement desquels l’arrêt attaqué a été cassé, il y a lieu de restituer à l’ordonnance de référés n°0020/2016 rendue le 25 janvier 2016 par le juge des référés du Tribunal de première instance de première classe de Lomé ayant rétracté l’ordonnance à pied de requête n°2105/2015 du 08 octobre 2015 son plein et entier effet ;

Attendu qu’ECOBANK-TOGO S.A ayant succombé, doit être condamnée aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse l’arrêt n°248/2016 rendu le 27 juillet 2016 par la Cour d’appel de Lomé ;

Evoquant et statuant au fond,

Restitue à l’ordonnance de référé n°0020/2016 rendue le 25 janvier 2016 par le juge de référés du Tribunal de première instance de première classe de Lomé son plein et entier effet ;

Condamne ECOBANK-TOGO S.A aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé aux jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

La Présidente

Le Greffier