ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Audience Publique du 18 mars 2004

Pourvoi : n°022/2002/PC du 15 mai 2002

Affaire : Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias

                   (Conseil : Maître TEPPI KOLLOKO Fidèle, Avocat à la Cour)                                      

Contre

              Société Générale de Banques au CAMEROUN dite SGBC

             (Conseil : Maître YIKAM Jérémie, Avocat à la Cour)

 

                                              

ARRET N° 013 du 18 mars 2004

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 18 mars 2004 où étaient présents :

 

Messieurs : Seydou BA,                            Président

Jacques MBOSSO,                                     Premier Vice-Président, rapporteur

Antoine Joachim OLIVEIRA,                         Second Vice-Président

Doumssinrinmbaye BAHDJE,                       Juge

Maïnassara MAIDAGI,                                  Juge

Boubacar DICKO,                                    Juge

Biquezil NAMBAK,                                  Juge

et Maître Pascal Edouard NGANGA,          Greffier en chef ;

 

Sur le pourvoi enregistré le 15 mai 2002 au greffe de la Cour de céans sous le n° 022/2002/PC et formé le 24 avril 2002 par Maître TEPPI KOLLOKO Fidèle, Avocat au Barreau du CAMEROUN, B.P. 030 Nkongsamba (CAMEROUN) au nom et pour le compte de Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias, commerçant demeurant à TIKO (CAMEROUN) dans la cause qui l’oppose à la Société Générale de Banques au CAMEROUN S.A. (SGBC) dont le siège est à Douala, 10, Rue Joss B.P. 4042 Douala (CAMEROUN), laquelle a pour conseil Maître YIKAM Jérémie, Avocat au Barreau du CAMEROUN, B.P. 756 Nkongsamba (CAMEROUN), en annulation du Jugement n° 47/Civ. rendu le 21 mars 2002 par le Tribunal de grande instance du Moungo à Nkongsamba et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement et contradictoirement, en matière civile et commerciale et en premier ressort ;

 

– Passe outre le jugement préalable du 03 mai 2001 ordonnant une expertise comptable dans la cause, en raison de l’impossibilité de l’exécuter du fait du sieur FOTOH FONJUNGO Tobias ;

– Rejette comme mal fondés les dires et observations de sieur FOTOH FONJUNGO Tobias ;

– Ordonne la continuation des poursuites ;

– Fixe la vente au 02 mai 2002 par-devant le Tribunal de grande instance de céans ;

– Dit qu’il sera à nouveau procédé à l’apposition des placards prévue par la loi mais sans qu’il y ait lieu à dénonciation ;

– Dépens à la charge de FOTOH FONJUNGO Tobias dont distraction au profit de Maître YIKAM Jérémie, Avocat aux offres de droit ».

 

Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur Jacques M’BOSSO, Premier Vice-Président ;

 

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que le 21 novembre 1985, la Société Générale de Banques au CAMEROUN dite SGBC, Société anonyme au capital de six milliards deux cent cinquante millions (6.250.000.000) de francs CFA dont le siège est situé au n° 10 Rue Joss, BP. 4042 Douala, a conclu par-devant Maître SENGHOR Lankeuh, Notaire, B.P. 36 Nkongsamba (CAMEROUN) une convention d’ouverture de compte courant avec Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias, commerçant demeurant à TIKO, B.P. 9 CAMEROUN ; qu’en sûreté du fonctionnement dudit compte courant, Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias a consenti une hypothèque en premier rang sur un immeuble rural non bâti, objet du titre foncier n° 4765 du département du Moungo, hypothèque destinée à garantir au profit de la SGBC la somme de vingt millions (20.000.000) de francs CFA en principal, plus les intérêts que produirait le solde du compte après clôture ; que par lettre en date à Limbé du 14 février 1993, la SGBC avait dénoncé ladite convention de compte courant la liant à Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias ; que le 05 avril 1999, la SGBC, par le ministère de Maître Blandine SOP FONKOUA, huissier de justice à Limbé, notifia à Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias l’original de la lettre n° NY/REF/TB/JUR n° 5559/P541 en date du 05 janvier 1999 et l’historique des comptes de celui-ci dans ses livres ; que le 08 septembre 1999, la même SGBC, agissant poursuites et diligences de son Directeur général Michel SAUVAGNAC, donna pouvoir à Maître Jean PENDA, huissier de justice à Nkongsamba pour procéder à la saisie de l’immeuble rural précité qui avait été spécialement hypothéqué en vertu de la grosse de la convention d’ouverture de compte courant du 21 novembre 1985 à la garantie des engagements de Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias, lesquels selon le requérant s’élevaient à la date du 5 novembre 1998, sauf erreur ou omission et sous réserve des frais de recouvrement, à soixante dix millions neuf cent cinquante quatre mille deux cent quatorze (70.954.214) F CFA ; qu’exécutant le mandat ainsi reçu, Maître Jean PENDA avait servi le 04 octobre 1999 à Monsieur FOTOH FONJUGO Tobias un commandement aux fins de saisie immobilière par lequel d’une part, il demandait à ce dernier de payer à la SGBC  la somme de 70.954.214 F CFA en principal, 2.135.626 F CFA de TVA sur le droit de recette, 85.582 F CFA de coût d’exploit, soit soixante treize millions cinq cent soixante quatorze mille sept cent quatre vingt quatre (73.574.784) F CFA au total et lui faisait savoir qu’à défaut de s’exécuter dans un délai maximum de 20 jours, il verrait ledit commandement transcrit à la conservation foncière pour valoir saisie à compter de sa publication, et d’autre part, il l’informait de ce que le Tribunal de grande instance du Moungo à Nkongsamba est la juridiction où l’expropriation de son immeuble hypothéqué sera poursuivie ; que dès réception de ce commandement aux fins de saisie immobilière, Monsieur FOTOH FONJUNGO avait saisi le Tribunal de grande instance du Moungo d’une requête en contestation de la créance de la SGBC et en nullité de la procédure de saisie immobilière engagée à son encontre ; que faisant droit à sa requête, le Tribunal saisi a rendu le 03 mai 2001 un jugement avant dire droit par lequel il ordonnait une expertise comptable dans la cause aux fins de déterminer le montant exact de la dette dont le paiement était réclamé à Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias ; que constatant que durant plusieurs mois Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias n’avait pas payé le supplément de consignation nécessaire à la réalisation de l’expertise qu’il avait lui-même sollicitée, le Tribunal saisi décidait de passer outre son jugement préalable du 03 mai 2001 et rendait le Jugement n° 47/Civ. du 21 mars 2002, objet du présent pourvoi ;

 

Sur la recevabilité du pourvoi

 

Vu l’article 32.1 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et  d’Arbitrage ;

 

Attendu que dans son mémoire en duplique reçu au greffe de la Cour de céans le 10 juin 2003, la SGBC, défenderesse au pourvoi, déclare soulever « in limine litis » et à titre principal l’irrecevabilité du présent pourvoi aux motifs qu’aux termes de l’article 28 (2) du Règlement de procédure susvisé, « mention doit être faite de la date à laquelle la décision attaquée a été signifiée au requérant » ; que selon le moyen, le recours de Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias ne contient pas la copie de l’exploit de signification du jugement attaqué ; que conformément à la jurisprudence constante de la Cour, il échet de déclarer ce pourvoi irrecevable ; « que la Cour soulevant d’office cette fin de non-recevoir, il y a lieu d’en déduire qu’elle peut être soulevée en tout état de cause » ;

 

Mais attendu qu’aux termes de l’article 32.1 du Règlement de procédure susvisé, « toute exception à la compétence de la Cour ou à la recevabilité du recours doit être présentée dans le délai fixé pour le dépôt de la première pièce de procédure émanant de la partie soulevant l’exception. La Cour peut statuer distinctement sur l’exception ou la joindre au fond » ;

 

Attendu qu’en l’espèce Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias affirme dans son mémoire en cassation que le jugement attaqué n’avait encore pas fait l’objet de signification à la date de la saisine de la Cour de céans ; que ledit mémoire en cassation a été signifié à la SGBC par le Greffier en chef de la Cour de céans par lettre n° 327/2002/G5 du 27 septembre 2002 en vue de recueillir les observations y relatives que pourrait faire la SGBC ; que dans la lettre susindiquée, le Greffier en chef de la Cour de céans a fait savoir à la SGBC qu’un délai de trois mois à compter de la date de réception de ladite lettre lui était accordé pour présenter, par le ministère d’un avocat, son mémoire en réponse ; qu’à la lumière de ses propres écritures, la SGBC a reçu la lettre dont s’agit le 31 octobre 2002 ; que dès lors, elle avait jusqu’au 1er février 2003, pour, non seulement communiquer à la Cour de céans son mémoire en réponse, mais aussi, faire connaître à celle-ci les exceptions de procédure qu’elle entendait soutenir relativement au pourvoi ; que si le mémoire en réponse est parvenu à la Cour de céans le 20 janvier 2003, soit dans le délai requis, ledit mémoire ne s’est limité qu’à répondre aux moyens du pourvoi sans soulever une quelconque exception de procédure ; que l’exception d’irrecevabilité soulevée ne l’a été que dans le mémoire en duplique datée du 06 juin 2003 et reçu au greffe de la Cour de céans le 10 juin 2003 ;

 

Attendu qu’en application des dispositions susénoncées de l’article 32.1 du Règlement de procédure précité, la SGBC aurait dû présenter l’exception d’irrecevabilité du présent pourvoi qu’elle soulève dans le délai à lui imparti par la Cour de céans pour le dépôt de sa première pièce de procédure ; que faute pour la SGBC d’avoir observé ces prescriptions, l’exception d’irrecevabilité qu’elle a soulevée hors délai doit être déclarée irrecevable ;

 

Sur le premier moyen 

Attendu qu’il est fait grief au jugement attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article 247 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en ce que, selon le moyen, le Tribunal de grande instance du Moungo à Nkongsamba, dans l’espèce en cause a, par Jugement avant dire droit n°41/ADD/CIV du 03 mai 2001, constaté à bon droit « qu’en l’espèce, il apparaît des contestations des parties que la liquidité, c’est-à-dire  la certitude de la créance quant à son montant n’est pas établie » ; que c’est en violation du texte visé au moyen et aux termes duquel « la vente forcée d’immeuble ne peut être poursuivie qu’en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible… » ; que par Jugement de fond n°47/CIV du 21 mars 2002 ce même tribunal a ordonné la continuation des poursuites et fixé la date de la vente alors et surtout que, selon le requérant, l’alinéa 2 du texte visé au moyen édictant que « l’adjudication ne peut être effectuée que sur un titre définitivement exécutoire et après la liquidation », la convention d’ouverture de compte dont se prévaut la SGBC ne peut fonder une poursuite et donc tenir lieu de titre exécutoire que lorsqu’une expertise comptable régulière et contradictoire a déterminé lequel des co-contractants est devenu créancier à la suite des opérations réciproques de débit et de crédit enregistrées dans ledit compte ;

 

Attendu qu’aux termes de l’article 247 de l’Acte uniforme susvisé, « la vente forcée d’immeuble ne peut être poursuivie qu’en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.

La poursuite peut également avoir lieu en vertu d’un titre exécutoire par provision, ou pour une créance en espèce non liquidée ; mais l’adjudication ne peut être effectuée que sur un titre définitivement exécutoire et après la liquidation ».

 

Attendu que par Jugement avant dire droit n°41/ADD/CIV en date du 03 mai 2001, le Tribunal de grande instance du Moungo à Nkongsamba a, après avoir retenu, « qu’en l’espèce, il apparaît des contestations des parties que la liquidité, c’est-à-dire la certitude de la créance quant à son montant, n’est pas établie », ordonné une expertise comptable dans la cause aux fins de déterminer le montant exact de la dette de Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias envers la SGBC, ceci à la date du 04 octobre 1999, date du commandement et pour y procéder, désigné MOMO Jean Marie, expert comptable agréé ;

 

Attendu que par Jugement n°47/CIV du 21 mars 2002 le même tribunal est passé outre le jugement préalable du 03 mai 2001 ordonnant une expertise comptable dans la cause, en raison de l’impossibilité de l’exécuter du fait de Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias, rejeté comme non fondés les dires et observations de Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias, ordonné la continuation des poursuites et fixé la vente au 02 mai 2002  par-devant le Tribunal de grande instance du Moungo à Nkongsamba ;

 

Attendu cependant, qu’en statuant ainsi sans se prononcer sur les contestations relatives à la créance qui l’avaient déterminé à ordonner une expertise comptable, se bornant simplement à affirmer que la « somme d’argent destinée à couvrir les frais d’expertise ne fut jamais consignée et l’expertise comptable jamais faite. Que Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias n’offrait même pas de la verser, il y a lieu de penser qu’il y trouve un moyen dilatoire dolosif de paralyser la procédure », le Tribunal n’a pas permis à la Cour de céans d’exercer son contrôle ; qu’il y a lieu de casser le jugement attaqué et d’évoquer sans qu’il soit utile de se prononcer sur le second moyen ;

 

Sur l’évocation

Attendu qu’après le commandement aux fins de saisie immobilière à lui servi par la SGBC le 04 octobre 1999 et la sommation à lui faite par la même SGBC le 29 octobre 1999 de prendre communication du cahier de charges relatif à la vente de son immeuble, Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias a, dans l’acte du ministère de son Conseil Maître Richard Charley – SONE en date du 26 novembre 1999 par lequel il fait « opposition à la sommation » susindiquée, demandé au Président du Tribunal que soit ordonné l’arrêt immédiat de l’acte exécutoire en attendant qu’une décision de justice établisse son endettement réel vis-à-vis de la SGBC et que le Tribunal de grande instance de Nkongsamba soit déclaré incompétent pour une hypothèque domiciliée à TIKO à Yaoundé ; que le 02 février 2000 par le ministère d’un second Avocat, Maître TEPPI KOLLOKO, Avocat au Barreau du CAMEROUN, Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias a également demandé aux juges du fond de constater que l’hypothèque dont la réalisation est poursuivie n’a pas été renouvelée dans les 10 ans et que dans ces conditions, celle-ci est frappée de caducité et ne peut servir de fondement à une saisie immobilière ; que jusqu’à ce jour, le commandement n’est pas inscrit à la conservation foncière pour valoir saisie ; que conformément aux articles 262 et 259 alinéa 3 de l’Acte uniforme n° 06, ce commandement est également frappé de caducité ainsi que les poursuites subséquentes ; que par conséquent, il convient d’annuler tout le commandement du 04 octobre 1999 ainsi que les présentes poursuites et « d’ordonner par voie de conséquence mainlevée dudit commandement » ;

 

Attendu que, pour sa part, la SGBC, répondant aux dires et observations de Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias, a notamment demandé aux juges du fond  «de dire et juger que la clause d’élection de domicile insérée à l’article 21 de la Convention de compte courant ne saurait s’assimiler à une clause attributive de compétence ;

En conséquence, dire et juger que les parties n’ont pas dérogé aux règles de compétence territoriale édictées par l’article 248 de l’Acte uniforme n° 6 ou par les textes antérieurs à son entrée en vigueur ;

Se déclarer par suite compétent territorialement à connaître de la présente procédure ;

Dire et juger que seule une décision peut suspendre l’exécution d’un acte revêtu de la formule exécutoire ;

En conséquence rejeter la demande du requérant tendant à suspendre la présente poursuite ;

Dire et juger que les contestations relatives au fond du droit, notamment à l’existence de la créance, n’ont pas le caractère d’un incident de saisie immobilière ;

En conséquence, les rejeter comme non fondées ;

Constater que les conditions de remise de la vente de l’article 281 ne sont pas réunies et ordonner la continuation des poursuites » ;

 

Sur la compétence du Tribunal de grande instance du Moungo à Nkongsamba

 

Vu l’article 248 alinéa 1 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

 

Attendu que Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias soutient que « l’hypothèque étant domiciliée à TIKO et à Yaoundé selon l’article XXI de l’hypothèque, seul le Tribunal de [son] lieu est compétent pour statuer sur cette affaire d’endettement » ;

 

Attendu qu’aux termes de l’article 248 alinéa 1 de l’Acte uniforme susvisé, « la juridiction devant laquelle la vente est poursuivie est celle ayant la plénitude de juridiction dans le ressort territorial où se trouvent les immeubles ».

 

Attendu que l’hypothèque dont la réalisation est poursuivie par la SGBC porte sur un immeuble rural non bâti situé à Dibombari au lieu dit Bomono-gare dans le département du Moungo à Nkongsamba et faisant l’objet du titre foncier n° 4765/ Moungo ; qu’ainsi et en application des dispositions susénoncées de l’article 248 alinéa 1 de l’Acte uniforme susvisé, la juridiction devant laquelle la vente de l’immeuble susindiqué peut être poursuivie est celle ayant plénitude de juridiction sur le département du Moungo à Nkongsamba où se trouve situé ledit immeuble, en l’occurrence le Tribunal de grande instance du Moungo à  Nkongsamba ; qu’il y a lieu dès lors de rejeter l’exception d’incompétence ;

 

Sur la demande d’arrêt immédiat du commandement aux fins  de saisie immobilière 

 

Vu les articles 33 et 247 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

 

Attendu que Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias demande que soit ordonné l’arrêt immédiat du commandement aux fins de saisie immobilière à lui servi par la SGBC, le 04 octobre 1999, motif pris de ce qu’il conteste le montant de son endettement tel qu’établi par la SGBC et qui s’élève à 70.954.214 F CFA intérêts compris ;

Attendu que les articles 247 et 33 de l’Acte uniforme susvisé disposent respectivement que « la vente forcée d’immeuble ne peut être poursuivie qu’en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.

La poursuite peut également avoir lieu en vertu d’un titre exécutoire par provision ou pour une créance en espèce non liquidée ; mais l’adjudication ne peut être effectuée que sur un titre définitivement exécutoire et après la liquidation » et « constituent des titres exécutoires : (…) les actes notariés revêtus de la formule exécutoire (…) » ;

 

Attendu qu’en l’espèce, l’examen des pièces du dossier de la procédure révèle que la réalisation de l’hypothèque consentie par Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias est poursuivie en vertu d’un acte notarié revêtu de la formule exécutoire, à savoir la grosse en forme exécutoire de la Convention de compte courant avec affectation hypothécaire conclue le 21 novembre 1985 par la SGBC et Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias par-devant Maître SENGHOR Lankeuh, notaire ; que la convention de compte courant dont s’agit a été dénoncée par lettre en date à Limbé du 14 février 1993 ayant pour objet la « dénonciation du compte courant et déchéance du terme » ; qu’à ladite date les trois comptes de Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias étaient débiteurs de 29.031.528 F CFA non compris les intérêts ; que c’est après deux mises en demeure infructueuses adressées à Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias le 19 février 1998 et le 05 janvier 1999 et tendant à obtenir le remboursement de ses concours financiers, principal et intérêts compris, que la SGBC a décidé de réaliser l’hypothèque consentie par Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias ;

 

Attendu qu’aux termes de l’article 247 susénoncé de l’Acte uniforme susvisé, la vente forcée d’immeuble peut être poursuivie en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible ; que la grosse en forme exécutoire de la convention de compte courant liant la SGBC à Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias est un titre exécutoire au sens de l’article 33 précité de l’Acte uniforme susvisé ; que la créance constatée par ledit titre exécutoire est liquide c’est-à-dire d’un montant déterminé s’agissant d’un solde de compte courant, et exigible conformément à l’article VI de la convention dudit compte qui dispose que « (…) le solde sera exigible aussitôt le compte clôturé » ; qu’ainsi, la procédure de saisie immobilière engagée par la SGBC est, en tous points, conforme aux dispositions des textes précités ; qu’il n’y a donc pas lieu à en suspendre la poursuite ; qu’il échet en conséquence de rejeter la demande comme non fondée  et d’ordonner la continuation des poursuites ;

 

Sur la détermination du montant de la dette de   Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias

Vu la convention de compte courant du 21 novembre 1985 ;

 

Attendu que Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias conteste le montant de son endettement vis-à-vis de la SGBC et demande qu’une décision de justice en établisse le montant exact ;

 

Attendu que les articles II, VII et XIX de la Convention de compte courant susvisé disposent respectivement que « jusqu’à la clôture du compte, les intérêts et commissions dus à la Banque y seront portés et en deviendront des articles.

Après la clôture du compte, les intérêts courront sur le solde et sur tous les accessoires aux derniers taux appliqués lors de la clôture. Ils seront exigibles à tout instant (…).»

« Le montant du solde exigible et, d’une manière générale, toutes les opérations du compte courant pourront être établies, même vis-à-vis des tiers, par tous les moyens de preuve, notamment par correspondance, par toutes pièces comptables et par les livres des parties. »

« Tous impôts ou taxes quelconques présents et à venir sur les intérêts ou le principal des sommes portées au compte courant seront à la charge du client (…).

Il en sera de même de tous frais, droits et émoluments quelconques afférents au présent acte ou à ses suites, notamment de ceux de tous renouvellement d’inscriptions.» ;

 

Attendu qu’il est de règle que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation » ;

 

Attendu que l’examen des pièces du dossier de la procédure révèle que par lettre en date à Limbé du 14 février 1993 ayant pour objet la « dénonciation du compte courant et déchéance du terme », la SGBC faisait savoir à Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias qu’en raison du gel de son compte en dépit de nombreuses correspondances et entretiens, elle se voyait dans l’obligation de dénoncer la convention de compte courant liant leurs deux établissements et de prononcer la déchéance du terme de son crédit à moyen terme ; que ladite lettre indiquait pour chacun des trois comptes mouvementés dans le cadre de la convention de compte courant le solde débiteur dont le total s’élevait à 29.031.528 F CFA non compris les intérêts ; que par une autre lettre en date du 05 janvier 1999 et ayant pour objet les engagements de Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias en ses livres, la SGBC disait constater avec regret « qu’après notre mise en demeure du 19 février 1998 et malgré le long délai de 10 mois que nous avons unilatéralement accordé pour vous organiser, vous n’avez cru devoir effectuer aucun versement en remboursement de vos engagements en nos livres ;

Votre attitude prouve ainsi que vous avez rejeté notre proposition d’un règlement amiable de votre dette.

Nous prenons acte de votre position et vous informons en retour de notre ferme détermination à récupérer la totalité de notre créance, laquelle s’élève à ce jour à F CFA 70.954.214 intérêts compris au 05 novembre 1998 et ainsi décomposée :

  • principal de votre dette :   FCFA 35.649.079
  • intérêts du 01 avril 1993 au 05 novembre 1998 : FCFA 35.305.135

(…) pour le calcul de notre créance telle que ci-dessus, nous avons tenu compte :

  • de tous vos versements

–  des intérêts débiteurs générés par votre dette, calculés aux taux favorable de 14 % à compter du 14 février 1993 (date de clôture juridique de votre compte), jusqu’au 01 novembre 1998 » ; que jusqu’au 26 novembre 1999, date de ses dires et observations formulés à la suite de la sommation à lui faite par la SGBC de prendre communication du cahier des charges relatif à la vente de son immeuble hypothéqué, Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias n’a pas rapporté la preuve de l’extinction de son obligation de rembourser à la SGBC le montant de ses concours financiers ; qu’en outre, accédant à la demande du même Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias de voir évaluer par un expert comptable le montant exact de sa dette, le Tribunal a ordonné une expertise comptable de ladite dette, désigné un expert comptable agréé pour y procéder et fixé une consignation de 1.500.000 F CFA pour ce faire ; que Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias, qui avait intérêt à cette évaluation et qui l’avait sollicitée, n’a point payé la consignation exigée pour cette expertise comptable, rendant la réalisation de celle-ci impossible ;

 

Attendu qu’au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de constater que la contestation par Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias du montant de sa dette ne repose sur aucune pièce contredisant le montant de celle-ci tel qu’arrêté par la SGBC à travers les pièces produites ; qu’il échet en conséquence de rejeter ladite contestation comme étant non fondée ;

 

Sur la caducité de l’hypothèque, la nullité du commandement du 04 octobre 1999 et de la procédure de saisie immobilière initiée par la SGBC

Vu l’article 270 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

 

Attendu que Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias demande également aux juges du fond de constater que l’hypothèque dont la réalisation est poursuivie est frappée de caducité pour n’avoir pas été renouvelée dans les 10 ans et ne peut de ce fait servir de fondement à une saisie immobilière ; qu’en outre le commandement aux fins de saisie immobilière ne peut valoir saisie pour n’avoir pas été inscrit à la conservation foncière ; qu’il est aussi frappé de caducité ainsi que les poursuites subséquentes ; que par conséquent, il convient d’annuler tout le commandement du 04 octobre 1999 ainsi que les présentes poursuites et d’ordonner par voie de conséquence mainlevée dudit commandement ;

 

Attendu qu’aux termes de l’article 270.3) de l’Acte uniforme susvisé, « les dires et observations [sur le cahier des charges] seront reçus à peine de déchéance jusqu’au cinquième jour précédant l’audience éventuelle » ;

 

Attendu qu’en l’espèce, il résulte des productions, notamment de la « sommation de prendre communication du cahier des charges » signifiée à la personne même de Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias le 29 octobre 1999 que dans ladite « sommation… », la SGBC, par le ministère de Maître Jean PENDA, huissier de justice, demandait expressément à Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias d’insérer au cahier des charges « …ses dires et observations qui seront reçus à peine de déchéance jusqu’au cinquième jour précédant l’audience éventuelle prévue pour le 02 décembre 1999 » ; que les dires et observations de Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias relatifs à la caducité de l’hypothèque et du commandement du 04 octobre 1999, ont été formulés le 02 février 2000, soit postérieurement à la date de l’audience éventuelle fixée au 02 décembre 1999 ; qu’ainsi et faute par Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias d’avoir observé les prescriptions de l’article 270.3) susénoncé, il y a lieu de déclarer irrecevables les présents dires et observations de Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias sur la caducité de l’hypothèque, la nullité du commandement du 04 octobre 1999 et de la procédure de saisie immobilière entreprise par la SGBC ;

 

Sur les dépens

Attendu que Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens ;

 

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Rejette l’exception d’irrecevabilité du pourvoi soulevée par la SGBC ;

Casse et annule le Jugement n° 47/Civ. rendu le 21 mars 2002 par le Tribunal de grande instance du Moungo à Nkongsamba ;

Evoquant et statuant sur le fond,

Rejette l’exception d’incompétence soulevée par Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias ;

Le déboute de tous ses chefs de demande ;

Déclare irrecevables les dires et observations formulés par Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias postérieurement à la date de l’audience éventuelle ;

Ordonne la continuation des poursuites et, pour y procéder, renvoie devant le Tribunal de grande instance du Moungo à Nkongsamba ;

Condamne Monsieur FOTOH FONJUNGO Tobias aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et  an  que dessus et ont signé.

 

 

Le Président

Le Greffier en chef