ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Troisième chambre
Audience publique du 29 mars 2018
Pourvois : n°156/2014/PC du 22/09/2014
n°165/2014/PC du 01/10/2014
Affaire : Monsieur Aimable MPORE
(Conseils : Maîtres Hermann SOIGNET-EKOMO et BOA Olivier Thierry,
Avocats à la Cour)
contre
Société MTN Côte d’Ivoire dite MTN-CI S.A
(Conseil : SCPA DOGUE-Abbé YAO & Associés, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 076/2018 du 29 mars 2018
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 29 mars 2018 où étaient présents :
Messieurs César Apollinaire ONDO MVE, Président
Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge, rapporteur
Djimasna N’DONINGAR, Juge
et Maître Alfred Koessy BADO, Greffier,
Sur les pourvois enregistrés au greffe de la Cour de céans le 22 septembre 2014 sous le n°156/2014/PC et le 1er octobre 2014 sous le n°165/2014/PC et formés respectivement par Maître BOA Olivier Thierry Avocat à la Cour d’Appel d’Abidjan, y demeurant, 01 B.P 5465 Abidjan 01 et Maître SOIGNET-EKOMO-Hermann, Avocat à la Cour d’Appel de Bangui, y demeurant, B.P 1491, agissant tous les deux au nom et pour le compte de Aimable MPORE, ex-Directeur Général de la Société MTN Côte d’Ivoire et actuel Directeur Général de la Société TELECEL CENTRAFRIQUE, demeurant à Bangui, Rue Monseigneur GRANDIN B.P 849, dans la cause l’opposant à la Société MTN Côte d’Ivoire, Société Anonyme avec Conseil d’Administration, dont le siège est à Abidjan-Plateau, 12 Avenue Crossons Duplessis, laquelle a pour conseil la SCPA DOGUE, ABBE, YAO & Associés, Avocats à la Cour d’Appel d’Abidjan, y demeurant, 29 Boulevard CLOZEL, 01 BP 174 Abidjan 01,en cassation de l’Arrêt N°265 rendu le 18 avril 2014 par la deuxième Chambre Commerciale de la Cour d’Appel d’Abidjan, dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;
En la forme :
Ordonne la jonction des procédures inscrites au rôle général sous les numéros 240 et 314 de l’année 2014, initiées par la société MTN-CI ;
Déclare la société MTN-CI recevable en son appel principal et en son action en discontinuation des poursuites ;
Déclare M’PORE AIMABLE recevable en appel principal ;
Au fond :
Dit la société MTN-CI bien fondée en son appel principal ;
Dit M’PORE AIMABLE partiellement fondé en son appel principal et incident ;
Infirme en toutes ses dispositions le jugement contradictoire n°1545 rendu le 12 Décembre 2013 par le Tribunal du Commerce d’Abidjan ;
Statuant à nouveau :
Reçoit les écritures de Maitre HERMANN SOIGNET-EKOMO ;
Rejette les exceptions de nullité soulevées par M’PORE AIMABLE ;
Dit que M’PORE AIMABLE a été révoqué et non remplacé ;
Dit que le procès-verbal du 10 Février 2009 fait foi jusqu’à preuve du contraire ;
Constate que la révocation de M’PORE AIMABLE par la société MTN-CI est régulière ;
Déclare M’PORE AIMABLE mal fondé en son action en paiement de dommages-intérêts ;
L’en déboute ;
Ordonne la discontinuation des poursuites engagées sur la base dudit jugement ;
Condamne M’PORE AIMABLE aux dépens. » ;
Le requérant invoque à l’appui de ses deux pourvois les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent dans ses requêtes annexées au présent arrêt ;
Sur le rapport de monsieur Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure qu’ayant été expulsé, sieur M’PORE AIMABLE, Directeur Général de la Société MTN-CI, quittait la Côte d’Ivoire le 09 février 2009 ; que le 10 février 2009, une réunion du Conseil d’Administration de la MTN-CI mettait fin à son mandat en excipant de l’impossibilité pour lui de remplir ses fonctions ; que le 11 mars 2009, cette décision lui était notifiée par courrier électronique ; que le 07 octobre 2013, M’PORE AIMABLE assignait la société MTN-CI en paiement de la somme de 1.000.000.000 F CFA à titre de dommages-intérêts, en réparation de sa révocation qu’il estime abusive ; que par jugement n°1545 du 12 décembre 2013, le Tribunal du Commerce d’Abidjan faisait partiellement droit à cette demande en condamnant la société MTN-CI à lui payer la somme de 200.000.000 F CFA avec exécution provisoire à concurrence de 150.000.000 F CFA ; que sur appel de MTN, la Cour d’Abidjan, par arrêt n°265 rendu le 18 avril 2014, infirmait le jugement attaqué et, statuant à nouveau, déboutait monsieur M’PORE de sa demande de dommages-intérêts comme non fondée ; que c’est contre cet arrêt que les deux pourvois en cassation susvisés sont formés ;
En la forme
Sur la jonction de procédures
Attendu que M’PORE Aimable a constitué Maîtres BOA Olivier Thierry et SOIGNET-EKOMO-Hermann, lesquels avocats ont formé respectivement les pourvois n°156/2014/PC du 22 septembre et n°165/2014/PC du 1er octobre 2014, en cassation de l’arrêt n°265 du 18 avril 2014 de la Cour d’appel d’Abidjan ; que ces deux pourvois concernant la seule et même affaire, il y a lieu, pour cause de connexité, de les joindre aux fins et d’y statuer par un seul arrêt en application de l’article 33 du Règlement de procédure ;
Sur la recevabilité du recours n°156/2014/PC
Attendu que la société MTN-CI soulève l’irrecevabilité du recours de monsieur M’PORE en ce qu’il est fondé sur un moyen vague et imprécis ;
Mais attendu que le caractère vague et imprécis d’un moyen, à supposer qu’il soit avéré, entraine l’irrecevabilité de celui-ci et non du recours ; qu’il y a lieu donc de rejeter cette exception ;
Sur la recevabilité du mémoire en défense dans le dossier n°156/2014/PC
Attendu que le demandeur en son mémoire en réplique, a conclu à l’irrecevabilité du mémoire en duplique de la défenderesse ; que selon lui, la défenderesse n’ayant pas produit dans le délai un mémoire en réponse à son pourvoi n°156/2014/PC, elle ne pouvait pas être autorisée par le Président de la Cour de céans à dupliquer ;
Mais attendu que ledit mémoire a été produit sur autorisation du Président de la Cour de céans, que cette décision souveraine rendue conformément à l’article 31 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA le rend recevable ;
Au fond
Sur le moyen unique, présenté par Maître BOA Olivier Thierry, en ses deux branches réunies tirées de la violation des articles 458 et 459 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, du défaut de base légale, de la contrariété et de l’insuffisance des motifs et complété par Maître SOIGNET-EKOMO-Hermann au deuxième moyen pris en ses quatrième, cinquième et sixième branches réunies tirées de la violation des articles 453, et 461 du même Acte uniforme
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué, d’une part d’avoir affirmé que l’auxiliaire « être » employé dans les textes visés au moyen atteste que les omissions relevées par rapport au procès-verbal ne constituent pas des prescriptions obligatoires dont l’inobservation serait susceptible d’entrainer sa nullité, alors que la signature du président de séance et le sceau du président de la juridiction compétente constituent la preuve de sa régularité ; que d’autre part, il est fait grief à la cour d’appel d’avoir rejeté la demande tendant à l’annulation du procès-verbal du conseil d’administration de MTN-CI au motif que la validité de cette réunion devait s’apprécier non par rapport à la forme du procès-verbal l’ayant sanctionné, mais par rapport aux conditions de quorum fixées par les textes en vigueur, alors que le conseil d’administration ne délibère valablement que si tous les administrateurs ont été régulièrement convoqués ; qu’il est enfin fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir décidé que le procès-verbal du conseil d’administration faisait foi jusqu’à preuve du contraire, alors que la seule production au dossier d’un procès-verbal entaché d’irrégularité ne prouve pas la tenue effective de la réunion du conseil d’administration ; qu’en se déterminant comme ci-dessus la cour a, selon le requérant, violé l’ensemble des textes visés au moyen et manqué de donner de base légale à sa décision, exposant par conséquent celle-ci à la cassation ;
Mais attendu que pour rejeter les moyens développés par le demandeur, la cour d’appel s’est, entre autres, référée à l’article 244 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, aux termes duquel la nullité d’un acte du Conseil d’administration ne peut résulter que d’une disposition impérative dudit Acte uniforme, des textes régissant les contrats ou de la violation d’une clause des statuts ; que ce faisant, elle n’a pas commis les griefs qui lui sont faits ; que le moyen n’est donc pas fondé et sera rejeté ;
Sur le premier moyen et la deuxième branche du deuxième moyen présenté par Maître SOIGNET-EKOMO-Hermann, tirés de la violation de l’article 142-4 du Code de procédure civile ivoirien par omission de statuer sur certains des chefs de demandes
Attendu que le requérant reproche à l’arrêt attaqué d’avoir omis de répondre à des chefs de demandes, en ce qu’après avoir déclaré recevables les écritures de son conseil, il n’aurait pas statué sur certaines de ses demandes liées à la régularité de cette révocation, notamment sur la vérification même de la tenue du Conseil d’administration ; que ces omissions violent l’article visé au moyen et exposent la décision attaquée à la cassation ;
Mais attendu que la Cour ayant statué déjà sur la validité du procès-verbal du Conseil d’administration a nécessairement répondu à la vérification de la tenue effective de la réunion dudit organe ; que dès lors, les moyens sont superfétatoires et il échet de les rejeter comme non fondés ;
Sur le deuxième moyen, présenté par Maître SOIGNET-EKOMO-Hermann, en sa première branche, tirée de la violation des articles 10 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique et 32, 336 et 337 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué de violation des articles visés au moyen, en ce que la Cour a entériné l’ordonnance du 11 février 2014 du président de la Cour d’appel d’Abidjan suspendant l’exécution déjà entamée du jugement ayant condamné MTN-CI ;
Mais attendu qu’en vertu de son pouvoir d’évocation la Cour d’appel avait l’obligation de vider en entier le contentieux ; que la remise en cause de la condamnation met de toute évidence fin à la question de la continuation des poursuites ; que c’est à bon droit qu’après infirmation du jugement entrepris sur ce point, la Cour a ordonné la discontinuation des poursuites ; qu’il échet donc de rejeter cette branche de moyen ;
Sur le deuxième moyen, présenté par Maître SOIGNET-EKOMO-Hermann, en sa troisième branche, tirée de la mauvaise application de l’article 251 alinéa 2 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la mauvaise application de l’article 251 alinéa 2 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, en ce qu’il a déclaré que le délai de prescription de l’action en nullité du procès-verbal du Conseil d’administration courait à compter du jour où l’acte est pris, soit le 10 février 2009, alors que ce délai court à compter du jour où celui qui s’en prévaut a reçu la notification de l’acte ;
Attendu qu’aux termes de l’article visé « Les actions en nullité des actes, décisions ou délibérations de la société se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue … » ; qu’en décidant que le délai de la prescription, court à compter de la date de la prise de l’acte et non celui du jour où celui qui s’en prévaut en a eu connaissance, la Cour d’appel a fait une saine application du texte visé ; qu’il y lieu de rejeter cette branche de moyen ;
Sur le deuxième moyen en sa septième branche, présenté par Maître SOIGNET-EKOMO-Hermann, tirée de la violation de l’article 492 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la mauvaise application de l’article visé au moyen, en ce que la Cour d’appel a invoqué ce texte pour rejeter la demande de dommages-intérêts du requérant fondée sur le caractère abusif de sa révocation, alors que son expulsion ne l’a pas empêché de continuer à servir la société et que cette disposition ouvre la voie à l’octroi de dommages-intérêts à toute révocation non justifiée ;
Mais attendu qu’en l’espèce la révocation est justifiée par la mesure d’expulsion qui a été imposée tant à la société qu’à son Directeur Général ; qu’aucun cas d’abus ne pouvant être relevé, il y a lieu de rejeter cette branche de moyen ;
Attendu qu’en définitive, les deux pourvois formés par M’PORE Aimable n’étant pas fondés, il y a lieu de les rejeter ;
Attendu que M’PORE Aimable ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
En la forme
Ordonne la jonction des procédures n°156/2014/PC du 22 septembre 2014 et n°165/2014/PC du 1er octobre 2014 ;
Rejette les exceptions soulevées ;
Au fond
Rejette les pourvois ;
Condamne M’PORE Aimable aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier