ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Première chambre
Audience publique du 29 juin 2017
Pourvoi : N°127/2014/PC du 22/07/2014
Affaire : Madame MARTINEZ Y. ROYO VANESSA Loli
(Conseil : Maître SANGARE Minata, Avocat à la Cour)
Contre
Monsieur MARTINEZ ROYO Jorge
(Conseil : Maître AKE Raymond, Avocat à la Cour)
Arrêt N°142/2017 du 29 juin 2017
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), première chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 29 juin 2017 où étaient présents :
Madame Flora DALMEIDA MELE, Présidente
Messieurs Marcel SEREKOISSE SAMBA, Juge
Robert SAFARI ZIHALIRWA, Juge, rapporteur
et Maître Edmond Acka ASSIEHUE, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 22 juillet 2014 sous le n°127/2014 /PC et formé par Maître SANGARE Minata, Avocat à la Cour, demeurant à Abidjan-Plateau, immeuble LE MALI, 4ème étage, porte 419, 04 BP 428 Abidjan 04, agissant au nom et pour le compte de madame MARTINEZ Y.ROYO Vanessa Loli, demeurant à Grand-Bassam, dans la cause qui l’oppose à monsieur MARTINEZ ROYO Jorge, demeurant à Grand-Bassam, BP 346, et ayant pour conseil Maître AKE Raymond, Avocat à la Cour, cabinet sis Abidjan-Treichville, avenue 5 rue 5, immeuble le flamboyant, 05 BP 875Abidjan 05,en cassation de l’arrêt n°410 CCIAL rendu par la Cour d’appel d’Abidjan le 20 juin 2014 et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, par décision contradictoire, en matière commerciale, et en dernier ressort ;
En la forme
Déclare Monsieur MARTINEZ Y. ROYO JORGE recevable en son appel ;
Au fond
L’y dit bien fondé ; infirme le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau :
Reçoit Monsieur MARTINEZ Y. ROYO JORGE en sa demande principale ;
L’y dit partiellement fondé ;
Dit qu’une société de fait existe entre sa fille MARTINEZ Y. ROYO Vanessa Loli et lui relativement à l’entreprise « la PLAYA » ;
Le déboute cependant de sa demande en dissolution de ladite société ;
Reçoit Madame MARTINEZ Y. ROYO VANESSA Loli en sa demande en expulsion de Monsieur MARTINEZ Y. ROYO du local occupé au sein de l’hôtel « la PLAYA » ;
L’y dit mal fondée ;
L’en déboute ;
La condamne aux dépens. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Robert SAFARI ZIHALIRWA, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que courant 2006, la nommée MARTINEZ Y. ROYO Vanessa Loli créait, à Grand-Bassam, une entreprise industrielle ayant pour objet l’hôtellerie et la restauration ; que pour ce faire, elle avait bénéficié de l’appui de monsieur MARTINEZ ROYO JORGE, son géniteur, lui-même restaurateur résidant en Espagne ; que ce dernier lui avait fourni un appui en matériel de restauration et en argent ; que cette entreprise individuelle, qui a été immatriculée au nom personnel de MARTINEZ Y. ROYO Vanessa Loli au registre du commerce et du crédit mobilier de Grand-Bassam le 07 février 2007, fonctionne dans un bâtiment objet d’un bail commercial conclu entre la gérante MARTINEZ Y. ROYO Vanessa Loli et les consorts ANZOUAN KACOU ; qu’ayant quitté l’Espagne pour rejoindre sa fille en Côte d’Ivoire, monsieur MARTINEZ fut reçu par celle-ci qui, non seulement l’hébergea au sein même de l’hôtel la PLAYA, mais aussi l’impliqua dans la gestion de l’entreprise pour fructifier ce fonds sur lequel il était entièrement pris en charge ; que par la suite, la collaboration entre les deux s’étant détériorée, MATINEZ ROYO JORGE excipait l’existence d’une société de fait entre lui et sa fille et saisissait la Section de tribunal de Grand-Bassam en vue d’en obtenir la reconnaissance ainsi que la dissolution et la liquidation ; que par jugement n°17 rendu le 15 janvier 2014, cette juridiction le déboutait de son action et ordonnait son expulsion de l’hôtel ; que sur appel de ce dernier, la Cour d’appel d’Abidjan rendait le 20 juin 2014, l’arrêt infirmatif n°410 CCIAL dont pourvoi ;
Sur le premier moyen
Vu les articles 4 et 864 de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique ;
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé les articles 4 et 864 de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique en ce qu’il a jugé que l’entreprise la PLAYA était une société de fait entre la requérante et son père, aux motifs que ce dernier aurait apporté des numéraires et du matériel, qu’il aurait participé à la gestion du fonds de commerce et aurait bénéficié de ses fruits tout en participant aux dépenses, et que ce faisant, l’affectio societatis serait réelle entre les parties, alors, selon le moyen, que d’une part, une entreprise ne peut être considérée comme une société de fait entre deux ou plusieurs personnes que si celle-ci n’est pas reconnue par l’Acte uniforme, et, que d’autre part, il ne peut avoir société de fait que lorsque les conditions d’existence d’une société visée à l’article 4 de l’Acte uniforme susmentionné sont réunies ;
Attendu que l’article 864 de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique dispose : « il y a société créée de fait lorsque deux (2) ou plusieurs personnes physiques ou morales se comportent comme des associés sans avoir constitué entre elles l’une des sociétés reconnues par le présent acte uniforme » ; qu’aux termes de l’article 4 de ce même Acte uniforme : « la société commerciale est créée par deux (2) ou plusieurs personnes qui conviennent, par un contrat, d’affecter à une activité de biens en numéraire ou en nature, ou de l’industrie, dans le but de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui peut en résulter. Les associés s’engagent à contribuer aux pertes dans les conditions prévues au présent Acte uniforme. La société commerciale est créée dans l’intérêt commun des associés » ; qu’il résulte des textes susvisés que l’existence de la société de fait se déduit du comportement des personnes qui, sans en avoir connaissance, se prennent comme associés ; or , en l’espèce, s’il est établi que MARTINEZ ROYO JORGE a transféré des fonds et des mobiliers à sa fille pour lui permettre de créer l’entreprise « la PLAYA », il ne résulte ni de l’arrêt attaqué ni des productions au dossier que ces envois ont été effectués dans l’intention de s’associer, de même, la preuve du partage des bénéfices et de la participation aux pertes n’est pas rapportée ; qu’en concluant à l’existence d’une société de fait entre les parties sur la base de l’apparence et des allégations de sieur MARTINEZ ROYO JORGE en l’absence de la réunion d’éléments constitutifs d’une société en l’occurrence, l’affection societatis, la participation aux bénéfices et pertes résultant d’une comptabilité régulièrement tenue pour en témoigner, la Cour d’appel a commis le grief visé au moyen et a exposé sa décision à la cassation ; qu’il échet, sans qu’il soit besoin de statuer sur le deuxième moyen, de casser l’arrêt et d’évoquer ;
Sur l’évocation
Attendu que madame MARTINEZ ROYO Vanessa Loli demande à la Cour de céans qu’après cassation de l’arrêt attaqué, d’évoquer et, statuant à nouveau, de dire et juger que l’entreprise « la PLAYA » n’est pas une société de fait entre les parties litigantes et d’ordonner en conséquence l’expulsion de monsieur MARTINEZ ROYO Jorge, tant de sa personne, de ses biens que de tous occupants de son chef ;
Qu’elle excipe que suite aux différends l’opposant à son père sur la gestion de l’entreprise susvisée, ce dernier a saisi la Section de tribunal de Grand-Bassam pour obtenir la reconnaissance de l’existence d’une société de fait entre eux ainsi que sa dissolution et sa liquidation ; que le 15 janvier 2014, ce tribunal a rendu le jugement n°17/2014 dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, et en premier ressort :
Reçoit MARTINEZ Y. ROYO JORGE et MARTINEZ Y ROYO Vanessa Loli recevables en leurs demandes principale et reconventionnelle respectives ;
Déclare MARTINEZ ROYO JORGE mal fondé ; l’en déboute ;
Déclare par contre MARTINEZ Y. ROYO VANESSA LOLI bien fondée ;
Dit qu’aucune société de fait n’a existé entre elle et son père MARTINEZ Y. ROYO JORGE ;
Ordonne l’expulsion de celui-ci des chambres qu’il occupe à l’hôtel « la PLAYA» tant de sa personne, de ses biens que de tous occupants de son chef;
Le condamne aux dépens » ; qu’elle demande la confirmation de ce jugement ;
Attendu que monsieur MARTINEZ ROYO JORGE sollicite l’infirmation du jugement susvisé, statuant à nouveau, de dire qu’il y a bel et bien une société de fait entre sa fille et lui conformément à l’article 864 de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique ; de prononcer la dissolution de cette société, la vendre et procéder au partage des fruits entre les parties par un administrateur désigné ;
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux sur le fondement desquels l’arrêt attaqué a été cassé, il échet de confirmer le jugement n°17/2014 du 15 janvier 2014 ;
Attendu que MARTINEZ ROYO JORGE ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Déclare le pourvoi recevable en la forme ;Casse l’arrêt n°410 CCIAL rendu le 20 juin 2014 par la Cour d’appel d’Abidjan ;
Evoquant et statuant sur le fond,
Confirme le jugement n°17/2014 rendu le 15 janvier 2014 par la Section de tribunal de Grand-Bassam ;
Condamne MARTINEZ ROYO JORGE aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
La Présidente
Le Greffier