ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Première chambre
Audience publique du 16 avril 2009
Pourvoi : n° 001/2006/PC du 24 janvier 2006
Affaire : Madame ANE Yoboua
(Conseil : Maître Thomas N’DRI, Avocat à la Cour)
contre
Monsieur AMAN Adou Pierre
(Conseils : SCPA LEBOUATH et KONE, Avocats à la Cour)
ARRET N°017/2009 du 16 avril 2009
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 16 avril 2009 où étaient présents :
Messieurs Jacques M’BOSSO, Président, rapporteur
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Biquezil NAMBAK, Juge
et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans sous le numéro 001/2006/PC du 24 janvier 2006 et formé par Maître Thomas N’DRI, Avocat à la Cour, demeurant à Cocody, 43, Rue de la Canebière, Immeuble JECEDA II, 2ème étage, appartement n°8, 09 B.P. 2726 Abidjan 09, agissant au nom et pour le compte de Madame ANE Yoboua, enseignante demeurant à Abidjan-Cocody, 17 B.P. 1252 Abidjan 17, dans la cause qui l’oppose à Monsieur AMAN Adou Pierre, fondateur d’école, demeurant à Abidjan – Yopougon, 17 B.P. 1252 Abidjan 17, ayant pour conseils la SCPA LEBOUATH et KONE, demeurant à Abidjan, Avenue Jean Paul II, Immeuble CCIA, 8è étage, 20 B.P. 1304 Abidjan 20,en cassation de l’Arrêt n°862 rendu le 29 juillet 2005 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Vu les conclusions du Ministère public en date du 20 mai 2005 ;
EN LA FORME
Déclare Dame ANE Yoboua recevable en son appel relevé du Jugement civil n°1139 rendu le 07 décembre 2004 par le Tribunal de première instance de Yopougon ;
AU FOND
L’y dit mal fondée ;
Confirme le jugement querellé en toutes ses dispositions
La condamne aux dépens.» ;
La requérante invoque au soutien de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Jacques M’BOSSO, Président,
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il résulte de l’examen des pièces du dossier de la procédure que suite à un litige né de leurs relations dans le cadre de la société civile « Ecole Belle Marise » dont ils étaient les associés, Monsieur AMAN Adou Pierre avait, par requête aux fins d’injonction de payer du 19 janvier 2004, saisi le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan – Yopougon pour s’entendre condamner Madame ANE Yoboua au paiement de la somme de trente six millions (36.000.000) FCFA outre les frais et intérêts ; que par Ordonnance n°58/2008 en date du 04 février 2004 dudit Président du Tribunal de première instance de Yopougon, Madame ANE Yoboua fut condamnée au paiement de ladite somme susindiquée outre les frais et intérêts calculés au taux de 11 % ; que sur opposition de Madame ANE Yoboua, le Tribunal de première instance de Yopougon avait, par Jugement n°1139 du 7 décembre 2004, confirmé l’ordonnance précitée ; que par exploit en date du 06 janvier 2005 de Maître GREPPY Clivier, huissier de justice à Abidjan, Madame ANE Yoboua avait interjeté appel du jugement confirmatif susmentionné et par Arrêt n°862 du 29 juillet 2005 dont pourvoi, la Cour d’appel d’Abidjan avait confirmé ledit jugement ;
Sur le premier moyen
Vu l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 1er de l’Acte uniforme susvisé en ce que la Cour d’appel d’Abidjan a considéré, pour rendre son arrêt, qu’« il s’évince des éléments du dossier que la cession des parts à Monsieur AMAN ADOU a fait l’objet d’un engagement écrit assorti de conditions de paiement ; que ce faisant, la non exécution de ce contrat par l’appelante entraîne l’exigibilité des sommes convenues » alors que, selon le moyen, l’engagement auquel se réfère la Cour d’appel est bien la reconnaissance conditionnelle de dette du 12 décembre 2002 ; que la Cour d’appel avait l’obligation de vérifier si la créance de l’espèce était liquide et exigible mais surtout certaine ; qu’elle avait omis de le faire et pourtant selon l’article 1er de l’Acte uniforme visé au moyen, seule une créance certaine, liquide et exigible peut être recouvrée suivant la procédure d’injonction de payer ; qu’ainsi l’arrêt entrepris a violé ledit article 1er de l’Acte uniforme susvisé et encourt cassation ;
Attendu qu’aux termes de l’article 1er de l’Acte uniforme susvisé, « le recouvrement d’une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer » ;
Attendu, en l’espèce, que l’acte sous seing privé du 12 décembre 2002, produit au dossier et par lequel Madame ANE Yoboua reconnaît « devoir légitimement la somme de quarante trois millions de Francs CFA (43.000.000 F CFA) à titre de droits relatifs à la cession de parts dans la société civile dénommée Ecole Belle Maryse à Monsieur AMAN Adou Pierre », a prévu des modalités de paiement de ladite somme ; qu’il énonce notamment l’engagement de Madame ANE Yoboua « à payer ladite somme de la manière suivante sous réserve de la stabilisation de la vie socio- économique :
-six millions de francs CFA (6.000.000 F CFA) dès cet instant après signature des présentes ;
-dans six (6) mois à compter des présentes, une certaine somme (selon mes possibilités) lui sera versée,
-quant au solde restant à payer, un échéancier sera fixé d’accord parties après réception du deuxième acompte » ; que dans un autre document écrit signé par les deux parties le 13 août 2003, Madame ANE Yoboua s’engageait, après un versement à la même date de la somme d’un million (1.000.000) FCFA, « à régler le solde selon des modalités arrêtées dans un protocole d’accord que les deux parties s’engagent à signer en octobre 2003 » ; que ledit protocole d’accord qui devrait contenir le terme du délai de paiement par Madame ANE Yoboua du solde de la créance de Monsieur AMAN Adou Pierre n’est pas produit au dossier et Monsieur AMAN Adou Pierre n’a pas proposé devant les juges du fond d’en rapporter la preuve ; qu’il suit qu’en considérant qu’il s’évince des éléments du dossier que la cession des parts à Monsieur AMAN Adou Pierre a fait l’objet d’un engagement écrit assorti de conditions de paiement et que la non exécution de ce contrat par l’appelante entraîne l’exigibilité des sommes convenues sans démontrer en quoi le débiteur ne pouvait plus se prévaloir d’un autre délai de paiement alors même qu’un protocole d’accord devait intervenir dans ce sens, la Cour d’appel d’Abidjan a violé la disposition légale visée au moyen et exposé son arrêt à la cassation ; qu’il échet de casser ledit arrêt de ce chef et d’évoquer ;
Sur l’évocation
Attendu que par exploit en date du 06 janvier 2005 du ministère de Maître GREPPY CLIVIER, huissier de justice à Abidjan, Madame ANE Yoboua a déclaré interjeter appel du Jugement n°1139 du 07 décembre 2004 par lequel le Tribunal de première instance de Yopougon a confirmé l’Ordonnance n°58/2004 de la juridiction présidentielle dudit Tribunal qui la condamne au paiement de la somme de 36.000.000 FCFA à Monsieur AMAN Adou Pierre ; que par ledit appel, elle demande à la Cour d’infirmer le jugement querellé pour violation des articles 1er et 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu que pour sa part, Monsieur AMAN Adou Pierre, dans ses conclusions en appel, soutient qu’il a recouru à la procédure d’injonction de payer parce que Madame ANE Yoboua n’a pas respecté l’échéancier de paiement établi entre eux ; que c’est à bon droit que le premier juge a rejeté l’opposition de Madame ANE Yoboua ; que le prix de cession a été déterminé dans la reconnaissance de dette établie par Madame ANE Yoboua ; que sa créance remplit les caractères exigés par l’article 1er de l’Acte uniforme précité et en conséquence, il demande la confirmation du jugement entrepris ;
Sur la demande d’infirmation du Jugement n°1139 du 07 décembre 2004
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux sur le fondement desquels l’arrêt attaqué a été cassé, il échet d’infirmer en toutes ses dispositions le Jugement n°1139 du 07 décembre 2004 et par voie de conséquence, annuler l’Ordonnance d’injonction de payer n°58/2004 du 04 février 2004 ;
Attendu que Monsieur AMAN Adou Pierre ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’Arrêt n°862 rendu le 29 juillet 2005 par la Cour d’appel d’Abidjan ;
Evoquant et statuant sur le fond,
Infirme en toutes ses dispositions le Jugement n°1139 rendu le 07 décembre 2004 par le Tribunal de première instance de Yopougon ;
Annule l’Ordonnance d’injonction de payer n°58/2004 rendue le 04 février 2004 par la juridiction présidentielle du Tribunal de première instance d’Abidjan – Yopougon ;
Condamne Monsieur AMAN Adou Pierre aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier