ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Première chambre             

Audience publique du 07 juillet 2005 

Pourvoi : n° 034/2004/PC du 15 mars 2004

Affaire : Etablissements SOULES & Cie

                              (Conseil : Maître ROBERT DOSSOU, Avocat à la Cour)                          

                                Contre

               Société NEGOCE & DISTRIBUTION dite N & D

 

                           CONTINENTAL BANK BENIN (Ex Crédit Lyonnais Bénin)

                           (Conseil : Maître Maximin E. CAKPO-ASSOGBA, Avocat à la Cour)

   

 ARRET n° 046/2005 du 07 juillet 2005

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 07 juillet 2005 où étaient présents :

 

Messieurs Jacques M’BOSSO, Président

Maïnassara MAIDAGI, Juge

Biquezil NAMBAK, uge, rapporteur

et Maître KEHI Colombe BINDE, Greffier ;

 

Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans, de l’affaire Etablissements SOULES & Cie contre Société NEGOCE & DISTRIBUTION dite N & D et CONTINENTAL BANK BENIN, par Arrêt du 18 avril 2003 de la Cour Suprême du Bénin, Chambre Judiciaire, saisie d’un pourvoi initié le 07 août 2002 par Maître Robert M. DOSSOU, avocat à la Cour, demeurant 17, Boulevard St Michel 01 BP 3407 Cotonou (Bénin), agissant au nom et pour le compte des Etablissements SOULES & Cie, renvoi enregistré sous le n° 034/2004/PC du 15 mars 2004,en cassation de l’Arrêt n°174 rendu le 28 juin 2001 par la Cour d’appel  de Cotonou et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale, en appel et en dernier ressort ;

 

    En la forme :

 

Déclare la Société Négoce & Distribution et la Continental Bank recevables en leurs appels respectifs.

 

    Au fond :

Confirme la jonction des procédures 017/98 et 066/98 ;

 

Dit que l’acte notarié en date du 14 avril 2000 par lequel la Société NEGOCE & DISTRIBUTION a remis sa dette à la Continental Bank Bénin constitue un désistement d’action ;

 

Dit que ledit désistement d’action rend sans objet la procédure par laquelle la Société NEGOCE & DISTRIBUTION entendait se faire payer sa créance ;

 

Condamne la Société NEGOCE & DISTRIBUTION aux dépens ».

 

Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent au mémoire ampliatif du 07 août 2002 annexé au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur le Juge Biquezil NAMBAK ;

 

Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que depuis 1986, les Etablissements SOULES & Cie entretenaient des relations commerciales avec la Société Négoce & Distribution dite N & D ; que les demandes d’ouverture de trois crédits documentaires introduites le 28 décembre 1993 n’auraient été exécutées et notifiées aux bénéficiaires, les Etablissements SOULES & Cie que les 12 et 13   janvier 1994 ; que la dévaluation du FCFA intervenu le 11 janvier 1994 avait eu pour conséquence le doublement de tous les paiements qui devaient être effectués en francs français ; qu’estimant que le Crédit Lyonnais Bénin  n’avait pas fait preuve de diligence dans la mise en place et la notification des crédits documentaires, la Société Négoce & Distribution avait assigné ce dernier le 26 juillet 1994 devant le Tribunal de première instance de Cotonou aux fins de constater, d’une part, l’ouverture tardive desdits crédits au 10 janvier 1994, et d’autre part, de dire et juger que le Crédit Lyonnais Bénin était mal venu à débiter les comptes de la Société N & D de 164.464.477 F CFA au lieu de 89.000.000 F CFA selon la parité arrêtée d’un commun accord le 30 novembre 1993 de 1 F CFA égal 0,02 FF ; que par lettre en date du 26 septembre  1995, la Société Négoce & Distribution informait le Crédit Lyonnais Bénin de ce qu’elle cédait aux Etablissements SOULES & Cie à titre irrévocable « toutes sommes en  principal et accessoires auxquels » il serait condamné ; que sur la base de la créance qu’ils détenaient sur la Société Négoce & Distribution et de cette cession, les Etablissements Soulés & Cie s’étaient portés intervenants volontaires dans la procédure initiée contre le Crédit Lyonnais Bénin ; que statuant tant sur la demande principale que sur celle formulée par voie d’intervention, le Tribunal de première instance de Cotonou avait, par Jugement n°532 du 20 novembre 1997, notamment renvoyé les Etablissements SOULES & Cie à mieux se pourvoir et  condamné le Crédit Lyonnais à payer à la Société Négoce & Distribution les sommes de 75.461.477 FCFA et 275.812 F CFA aux titres de frais indûment perçus et des intérêts au taux légal pour compter du 16 janvier 1994, date de l’assignation ; que la Société Négoce & Distribution et la Continental Bank Bénin avaient respectivement relevé appel les 8 et 13 janvier 1998 et les Etablissements SOULES avaient formé appel incident de cette décision par conclusions du 25 avril 2000 ; que le 14 avril 2000, par acte notarié, la société Négoce & Distribution avait consenti « une remise de dette » au profit de la Continental Bank Bénin ; que la Cour d’appel de Cotonou avait, par Arrêt n°174 du 28 juin 2001, indiqué que l’acte notarié en date du 14 avril 2000 par lequel la Société Négoce & Distribution avait remis sa dette à la Continental Bank Bénin constituait un désistement d’action et qu’en conséquence, la procédure par laquelle la Société Négoce & Distribution entendait se faire payer sa créance devenait sans objet ; que les Etablissements SOULES & Cie avaient formé pourvoi en cassation contre l’arrêt précité devant la Cour Suprême du Bénin ; que cette dernière, ayant estimé que l’affaire soulève des questions relatives à l’application des Actes uniformes,  s’est déclarée incompétente et s’est dessaisie du dossier au profit de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA par Arrêt du 18 avril 2003 ;

Sur la compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage

Vu l’article 14, alinéas 3 et 4 du Traité susvisé ;

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les articles 36 et 154 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, « les règles gouvernant les  jugements » et le principe d’inopposabilité de l’acte frauduleux en ce que la saisie attribution qui a eu lieu le 13 janvier 2000 a été dénoncée le 14 janvier 2000, alors que la prétendue « remise de dette » à laquelle l’arrêt querellé a, à tort, accordé effet est intervenu le 24 avril 2000, soit trois mois et onze jours après ladite saisie ; que le Jugement n°531 du 20 novembre 1997, assorti de l’exécution provisoire et dont l’exécution était entreprise avait condamné « le Crédit Lyonnais Bénin à effectuer le transfert en payant aux  Etablissements SOULES & Cie la somme de 255.000.000 FCFA et à débiter le compte de la Société Négoce & Distribution de la somme de 127.500.000 FCFA selon l’ancienne parité » alors que la Continental Bank Bénin prétend, quatre ans après ledit jugement, bénéficier non pas de la part des Etablissements  SOULES & Cie mais de celle de la société Négoce & Distribution d’une prétendue remise de dette ; que dès le prononcé du Jugement n°531, la société Négoce & Distribution a perdu, ne serait-ce que provisoirement, tout droit sur cette somme et ne peut plus en disposer ; que le prétendu acte notarié de cession du 14 avril 2000 revêt toutes les apparences d’un acte régulier mais constitue à l’évidence un acte délibérément fait en fraude des droits des Etablissements SOULES & Cie, alors qu’une telle « fraude vêtue » est sanctionnée par son inopposabilité aux tiers, donc par l’inefficacité ; que de ces chefs, l’Arrêt n° 174/2001 du 28 juin 2001 appelle cassation ;

 

Attendu qu’aux termes de l’article 14, alinéas 3 et 4 du Traité susvisé, « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité, à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales.

Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats parties dans les mêmes contentieux » ;

 

Attendu, en l’espèce, qu’il est constant comme résultant de l’examen des pièces du dossier de la procédure que le Jugement n°5321 du 20 novembre 1997 du Tribunal de première instance de Cotonou, tout comme l’Arrêt n°174 du 28 juin 2001, objet du présent pourvoi, ne sont fondés sur aucun Acte uniforme ou règlement prévu au Traité institutif de l’OHADA ; qu’en effet, aucun grief, ni moyen tiré de la violation ou de l’erreur dans l’application ou l’interprétation d’un Acte uniforme ou règlement prévu au Traité de l’OHADA n’a été invoqué ni devant le premier juge, ni devant le juge d’appel par l’une ou l’autre des parties ; que l’évocation par le requérant des  articles 36 et 154 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution dans l’argumentaire accompagnant l’exposé de son moyen de cassation ne saurait changer ni le sens, ni la motivation de l’arrêt attaqué, lequel a dit que l’acte notarié du 14 avril 2000 constitue un désistement  d’action et a conclu que ledit désistement rend sans objet la procédure par laquelle la Société N & D entendait se faire payer sa créance ; qu’il s’ensuit que les conditions de compétence de la Cour de céans, telles que précisées par l’article 14 susénoncé du Traité susvisé, ne sont pas réunies et qu’il échet en conséquence, nonobstant l’arrêt d’incompétence de la Cour Suprême du Bénin qui ne lie pas la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, de se déclarer incompétent et de renvoyer l’affaire devant ladite juridiction pour qu’il y soit statué ;

Attendu qu’il y a lieu, en l’état, de réserver les dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Se déclare incompétente ;

Renvoie l’affaire devant la Cour Suprême du Bénin ;

Réserve les dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

Le Président

Le Greffier