ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Première Chambre

Audience publique du 26 octobre 2006

Pourvoi : n° 019/2004/PC du 16 février 2004

Affaire : Entreprise Nationale de Télécommunication

                dite ENATELCOM

     (Conseil : Maître AMANY KOUAME,  Avocat à la cour)

                               contre

    Madame Pierrette Amoin EDAGNE

            (Conseil : Maître OBOUMOU GOLE Marcellin, Avocat à la Cour)

ARRET N° 019/2006 du 26 octobre 2006

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 26 octobre 2006 où étaient présents :

 

Messieurs Jacques M’BOSSO, Président, rapporteur

Maïnassara MAIDAGI, Juge

Biquezil NAMBAK, Juge

et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;

 

 Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire Entreprise Nationale de Télécommunication dite ENATELCOM contre Dame Pierrette Amoin EDAGNE par Arrêt n° 613/03 du 23 novembre 2003 de la Chambre judiciaire de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire saisie d’un pourvoi formé le 11 mars 2003 par Maître AMANY KOUAME, Avocat, demeurant à Abidjan-Treichville, rue 38 – boulevard Nanan Yamousso, escalier C, 1er étage, 04 B.P. 454 Abidjan 04, agissant au nom et pour le compte de ENATELCOM contre l’Arrêt n° 1008 rendu le 26 juillet 2002 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort ;

 

En la forme : Déclare Dame Pierrette Amoin EDAGNE recevable en son appel relevé du Jugement n° 502 rendu le 03 avril 2002 par le Tribunal de première instance d’Abidjan ;

 

Au fond :

 

L’y disant bien fondée, infirme le jugement querellé ;

Restituant à l’Ordonnance d’injonction de payer n° 11140 du 25 octobre 2001 son plein et entier effet ;

Condamne la société ENATELCOM à payer à Dame Pierrette Amoin EDAGNE la somme de 8.878.392 F CFA ;

Condamne l’intimée aux dépens » ;

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à l’exploit aux fins de pourvoi annexé au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur Jacques M’BOSSO, Président ;

Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure qu’au cours de l’année 2002, l’Entreprise Nationale de Télécommunication dite ENATELCOM s’était vue attribuer par Côte d’Ivoire TELECOM le marché de réalisation de plusieurs travaux d’installation de réseaux téléphoniques à Daoukro et dans plusieurs villages environnants ; qu’elle avait, de ce fait, confié par un contrat de sous traitance l’exécution de certains des travaux à l’Entreprise de Bâtiment EDAGNE dite E.B.E. appartenant à Madame Pierrette Amoin EDAGNE ; que tous les travaux devaient s’effectuer sous le contrôle d’un superviseur commis à cet effet par Côte d’Ivoire TELECOM ; que ledit superviseur délivrait des attachements hebdomadaires établissant les différentes tâches exécutées par chacune des entreprises sur le terrain ; qu’à la suite d’un différend né à l’occasion de la production des attachements n° 0017/2000 du 22 au 26 mai 2000 et n° 002927/8 du 17 au 21 juillet 2000 établis par le superviseur des travaux, Madame Pierrette EDAGNE avait obtenu, par Ordonnance d’injonction de payer n° 1140/2001 rendue le 25 octobre 2001 par le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan – Plateau, la condamnation d’ENATELCOM à lui payer la somme de 8.878.302 FCFA correspondant au prix des travaux exécutés ; que sur opposition de ENATELCOM à l’Ordonnance d’injonction de payer précitée, le Tribunal de première instance d’Abidjan avait, par Jugement n° 502/2002 du 03 avril 2002, rétracté ladite ordonnance ; que sur appel de Dame Pierrette EDAGNE, la Cour d’appel d’Abidjan avait, par Arrêt n° 1008 du 26 juillet 2002, infirmé le Jugement n° 502/2002 du 03 avril 2002 et restitué à l’Ordonnance d’injonction de payer n° 1140/2001 du 25 octobre 2001 son plein et entier effet ; que sur pourvoi formé le 11 mars 2003 par ENATELCOM contre l’Arrêt précité de la Cour d’appel d’Abidjan, la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, après avoir relevé que l’affaire soulève des questions relatives à l’application de l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, s’est dessaisie par Arrêt n° 619/3 du 13 novembre 2003 du dossier au profit de la Cour de céans ;

 

Sur le moyen unique

 

Vu l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

 

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué un défaut de base légale résultant de l’insuffisance des motifs en ce que le juge d’appel a considéré au fond que « contrairement à la dénégation de la société ENATELCOM et à la position du jugement querellé, la créance réclamée par Madame Pierrette EDAGNE est bel et bien certaine, liquide et exigible au sens de l’article 1er du Traité OHADA sur le recouvrement simplifié des créances » alors que, selon le moyen,  en basant sa décision sur de telles argumentations, la Cour n’a pas suffisamment motivé son arrêt et qu’il y a lieu de le casser pour défaut de base légale résultant de l’insuffisance des motifs ; qu’en effet, et toujours selon le moyen, il ressort de la sommation interpellative adressée à Monsieur BREGA BI, superviseur des travaux litigieux, agissant pour le compte de Côte d’Ivoire TELECOM que c’est plutôt Monsieur KAMAGATE du département juridique, qui ne sait absolument rien de la supervision sur le terrain, qui a déclaré de manière très équivoque qu’il a « remarqué la présence active de la société E.B.E… qu’il s’agit sûrement d’une sous-traitance » ; que c’est de cette déclaration ambiguë que la Cour prétend tirer la vérité pour conclure à l’existence certaine de la dette ; que par ailleurs, la Cour d’appel fonde sa décision sur la sommation de payer délaissée à ENATELCOM par Dame Pierrette EDAGNE et dans laquelle le chef du personnel d’ENATELCOM a déclaré « prendre acte » alors même que le chef du personnel n’est pas habilité à recevoir les actes au sein de l’entreprise ; que la Cour estime la dette certaine, liquide et exigible parce qu’E.B.E. a adressé des factures à ENATELCOM ; que l’existence d’une facture ne signifie pas forcément l’existence certaine d’une dette ; que la Cour, en s’y appuyant, a manqué de motiver suffisamment son arrêt ; qu’enfin et de coutume, toujours selon le moyen, seul l’entrepreneur principal peut délivrer à l’entreprise sous-traitante les attachements hebdomadaires car lui seul sait quels travaux il a sous-traité ; que contrairement à cette pratique, Dame EDAGNE s’est fait délivrer de manière très obscure lesdits attachements par Côte d’Ivoire TELECOM ; que malgré cela, il ressort desdits attachements que c’est l’entreprise ENATELCOM qui a exécuté les travaux litigieux ; qu’en y fondant son arrêt, la Cour a, une fois encore, manqué de convaincre ; qu’en considération de tout ce qui précède, l’arrêt querellé mérite cassation ;

 

Attendu qu’aux termes de l’article 1er de l’Acte uniforme susvisé, « le recouvrement d’une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer » ;

 

Attendu qu’il résulte de l’examen des pièces du dossier de la procédure que pour juger que « la créance réclamée par Dame Pierrette EDAGNE est bel et bien certaine, liquide et exigible au sens de l’article 1er du Traité OHADA sur le recouvrement simplifié des créances » et infirmer le jugement querellé, la Cour d’appel d’Abidjan a, après appréciation des éléments du dossier, considéré que « les productions faites par Dame Pierrette EDAGNE démontrent à suffisance la certitude, la liquidité et l’exigibilité de la créance de 8.878.392 francs qu’elle réclame à la société ENATELCOM puisqu’aussi bien elle verse aux débats l’attachement n° 002927/03 du 17 au 21 juillet 2002 et celui n° 00741/6 du 22 au 26 mai 2000 qui confirment que les travaux litigieux ont été effectués par l’entreprise de Dame Pierrette EDAGNE d’une part, et une sommation interpellative adressée par voie d’huissier à la CITELCOM, commanditaire des travaux, qui atteste encore que les travaux litigieux ont bel et bien été effectués par Dame Pierrette EDAGNE d’autre part ; qu’en outre, dans l’exploit d’huissier de remise des factures des travaux à la société ENATELCOM, celle-ci ne conteste pas que les travaux litigieux ont été effectués par  Madame Pierrette EDAGNE et ne déclare pas non plus qu’elle lui a payé les frais desdits travaux ; que c’est donc à tort que le jugement querellé a rétracté l’Ordonnance d’injonction de payer n° 1140 du 25 octobre 2001 » ; qu’en statuant ainsi, après une saine appréciation de l’ensemble des éléments du dossier, la Cour d’appel d’Abidjan a suffisamment motivé sa décision ; qu’il suit que le moyen unique n’est pas fondé et doit être rejeté ;

 

Attendu qu’ ENATELCOM ayant succombé, il y a lieu de la  condamner aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Rejette le pourvoi formé par l’Entreprise Nationale de Télécommunication dite ENATELCOM ;

La condamne aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

Le Président

Le Greffier