ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Deuxième chambre
Audience publique du 07 juin 2018
Pourvoi : n° 167/2016/PC du 12/08/2016
Affaire : ECOBANK
(Conseil : Maître Jean-Louis Sylvestre WANGO-GBOLO, Avocat à la Cour)
Contre
Société Centrafricaine d’Automobile et de Représentation
(SCAR) SA
(Conseil : Maître Gaston Jonathan FEÏZOUNAM, Avocat à la Cour)
Arrêt N° 134/2018 du 07 juin 2018
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 07 juin 2018 où étaient présents :
Messieurs : Mamadou DEME, Président,
Victoriano OBIANG ABOGO, Juge,
Idrissa YAYE, Juge, rapporteur
Birika Jean-Claude BONZI, Juge,
Fodé KANTE, Juge,
et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 12 août 2016 sous le n° 167/2016/PC et formé par Maître Jean-Louis Sylvestre WANGO-GBOLO, Avocat à la Cour, demeurant à Bangui, à proximité d’Ecobank Port Amont, rue les parents, Nguegoua Jean Marie, agissant au nom et pour le compte de la société Ecobank Centrafrique, dont le siège social est sis à place de la République, BP 910 Bangui, représentée par Monsieur Sylvain PENDI-BISSEYOU, directeur général, dans la cause l’opposant à la société Centrafricaine d’automobile et de Représentation dite SCAR SA, dont le siège social est sis à Bangui, au centre-ville, représentée par son directeur général Monsieur Hervé TENEKO, assisté de Maître Gaston Jonathan FEÏZOUNAM, Avocat à la Cour, demeurant à l’immeuble SOS Santé, en face du Commissariat du 1er arrondissement, derrière la Clinique CHOUAÏB, Bangui, en cassation de l’Arrêt n°089 rendu le 12 avril 2016 par la chambre civile et commerciale de la Cour d’appel de Bangui et dont le dispositif est le suivant :
« PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement en chambre de conseil en matière de référé et en dernier ressort ;
Au principal : Renvoie les parties à mieux se pourvoir ;
Mais d’ores et déjà ;
Vu l’urgence ;
Déclare le juge de l’urgence incompétent pour contestations sérieuses ;
Met les dépens à la charge de ECOBANK CENTRAFRIQUE ; » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Idrissa YAYE, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que par acte sous seing privé en date du 28 mars 2014, accepté par le débiteur le 02 avril 2014 et légalisé par le greffier en chef du Tribunal de commerce de Bangui le 08 août 2016, la banque Ecobank Centrafrique a consenti à la Société Centrafricaine d’Automobile et de Représentation SCAR SA un concours bancaire d’un montant de 714 703 142 de francs CFA, remboursable en 60 mensualités dont le premier est dû au plus tard le 30 avril 2014 ; que pour sûreté de ladite créance en principal, intérêts et frais, le Directeur général de la SCAR SA s’est engagé à consentir au profit de la banque une hypothèque notariée de premier rang sur l’immeuble nouvelle messagerie à hauteur de 173 000 000 de francs CFA ; une hypothèque notariée du second rang à hauteur de 550 000 000 de francs CFA sur l’immeuble qui abrite le siège social de la SCAR SA et un nantissement de stocks actuels de véhicules d’une valeur globale de 410 000 000 de francs CFA ; que la société SCAR SA n’ayant jamais pu parfaire les formalités pour rendre effectives ces différentes sûretés et n’ayant pas honoré les échéances convenues, Ecobank, en exécution de l’article 15 de la convention de prêt les liant, a entrepris la réalisation de la condition suspensive de leur contrat de prêt, en saisissant le Tribunal de commerce pour l’inscription d’une hypothèque provisoire sur l’immeuble objet du titre foncier n°4185 qui abrite le siège social de SCAR SA ; que par Ordonnance sur requête n°110 du 03 août 2015, le Président du Tribunal de commerce de Bangui va accéder à cette requête en autorisant une inscription d’hypothèque provisoire de second rang sur le titre foncier n°4185 appartenant à son débiteur, la SCAR SA, pour garantir le paiement de la somme de 718 595 299 francs CFA ; que ladite ordonnance lui impartissait un délai de 21 jours pour former sa demande en validité et un délai de 45 jours au-delà duquel Ecobank ne pourra plus saisir la juridiction de fond ; que par exploit d’huissier de justice en date du 08 septembre 2015, Ecobank Centrafrique a attrait la société SCAR SA devant le même Tribunal aux fins de validation de cette hypothèque provisoire ; que par Jugement contradictoire n°124 du 17 novembre 2015, le Tribunal de commerce de Bangui a ordonné la validation de l’hypothèque provisoire en hypothèque définitive ; que par requête, reçue au greffe de la cour d’appel le 10 septembre 2015, la société SCAR SA a interjeté appel de l’ordonnance sur requête du 03 août 2015 ; que la Cour d’appel de Bangui, par l’arrêt objet du présent pourvoi en cassation, s’est déclarée incompétente pour contestations sérieuses et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;
Sur le moyen unique du pourvoi
Vu l’article 213 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés
Attendu que la demanderesse invoque à l’appui de son recours un moyen unique de cassation tiré de la violation ou la mauvaise application de l’article 213 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés ;
Attendu en effet que la société Ecobank Centrafrique, fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir par pure méconnaissance des articles 213, 218 et 219 dudit Acte uniforme fait une confusion pour déclarer le juge statuant en matière d’hypothèque provisoire comme étant un juge des référés de l’article 674 du code de procédure civile Centrafricain ; que cette confusion porte un coup à toute la procédure, car l’hypothèque provisoire, qui est le socle de l’hypothèque définitive, étant remise en cause, toute la chaine des actes posés menant à une vente forcée s’écroule d’elle-même ; que l’arrêt querellé encourt cassation de ce chef ;
Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 213 susvisé « Pour sûreté de sa créance, en dehors des cas prévus par les articles 210 à 212 du présent acte uniforme, le créancier peut être autorisé à prendre inscription provisoire d’hypothèque sur les immeubles de son débiteur en vertu d’une décision de la juridiction compétente du domicile du débiteur ou du ressort dans lequel sont situés les immeubles à saisir.
décision rendue indique la somme pour laquelle l’hypothèque est autorisée.
Elle fixe au créancier un délai dans lequel il doit, à peine de caducité de l’autorisation, former devant la juridiction compétente l’action en validité d’hypothèque conservatoire ou la demande au fond, même présentée sous forme de requête à fin d’injonction de payer. Elle fixe, en outre, le délai pendant lequel le créancier ne peut saisir la juridiction du fond.
Si le créancier enfreint les dispositions de l’alinéa précédent, la décision peut être rétractée par la juridiction qui a autorisé l’hypothèque. » ; qu’il résulte des dispositions de cet article que la juridiction compétente, saisie sur requête, peut autoriser, par ordonnance, une inscription provisoire d’hypothèque, à charge pour le créancier, dans le délai fixé par l’ordonnance, à peine de caducité de l’autorisation, de saisir la juridiction de fond d’une demande en validité d’hypothèque conservatoire ou de la demande au fond ;
Attendu qu’il est constant comme résultant des éléments du dossier de la procédure que l’ordonnance critiquée a bien été rendue par la juridiction compétente statuant sur requête en application des dispositions de l’article 213 susvisé, dont elle a scrupuleusement respecté les conditions et qui se suffisent à elle-même et n’ont point besoin de l’appoint d’un texte de droit interne sur le pouvoir du juge des référés, inapplicables en l’espèce ; que, du reste, la société Ecobank Centrafrique a saisi le juge du fond d’une action en validité de l’hypothèque conservatoire, lequel a validé ladite hypothèque ; qu’il échet dès lors de casser l’arrêt critiqué et d’évoquer sans qu’il soit besoin d’examiner les autres branches du moyen unique de cassation ;
Sur l’évocation
Attendu que par requête enregistrée au greffe de la Cour d’appel de Bangui, le 10 septembre 2015 sous le n° 384/15, la société SCAR SA a interjeté appel de l’Ordonnance sur requête n° 124 rendue le 03 août 2015 par le Tribunal de commerce de Bangui, dont le dispositif est le suivant :
« PAR CES MOTIFS
Recevons ECOBANK Centrafrique en sa demande ;
L’autorisons à inscrire une inscription hypothécaire provisoire de second rang sur le Titre Foncier numéro 4185 appartenant à SCAR S.A au bureau des hypothèques de Bangui à l’encontre de SCAR S.A pour garantir la somme de FCFA 718 595 299 ;
Disons que ECOBANK Centrafrique devra former son action en validité dans un délai de 21 jours à compter de la présente ordonnance ;
Disons en outre que ECOBANK Centrafrique ne pourra saisir la juridiction de fond que dans un délai de 45 jours ;
Disons que la présente ordonnance est exécutoire sur minute avant tout enregistrement ;
Mettons les dépens à sa charge. » ;
Sur l’exception d’irrecevabilité
Attendu que la société Ecobank Centrafrique soulève l’exception d’irrecevabilité de l’appel de la société SCAR SA, motif pris de ce qu’un jugement contradictoire du Tribunal de commerce de Bangui en date du 17 novembre 2015 a validé l’hypothèque provisoire en hypothèque définitive du titre foncier n° 4185 ; qu’ainsi, la requête d’appel de SCAR SA dirigée contre l’ordonnance autorisant l’hypothèque provisoire est sans objet ;
Attendu qu’en réplique, la société SCAR SA soutient avoir formulé plusieurs requêtes d’appel préventif, que le jugement validant l’inscription provisoire en hypothèque définitive a été obtenu en fraude et conclut au rejet de cette exception ;
Attendu qu’il est constant qu’une ordonnance rendue sur requête ne peut faire l’objet d’un appel directement, elle ne peut faire l’objet que d’une opposition et c’est la décision contradictoire rendue sur opposition qui est susceptible d’appel ; qu’en l’espèce l’appel litigieux a été relevé contre une ordonnance sur requête insusceptible d’appel ; qu’il échet dès lors de déclarer l’appel relevé contre l’ordonnance critiquée irrecevable et d’ordonner la continuation des poursuites devant le juge de l’exécution ;
Attendu que la société SCAR S.A. ayant ainsi succombé, il y a lieu de la condamner au paiement des dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement après en avoir délibéré ;
Casse l’Arrêt commercial n° 089 rendu le 12 avril 2016 par la Cour d’appel de Bangui ;
Evoquant et statuant sur le fond ;
Déclare irrecevable l’appel formé contre l’Ordonnance sur requête n° 124 rendue le 03 août 2015 par le Tribunal de commerce de Bangui ;
Ordonne la continuation des poursuites et, pour y procéder, renvoie devant le juge de l’exécution du Tribunal de grande instance de Bangui ;
Condamne la société SCAR S.A aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier