ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Première Chambre
Audience publique du 16 avril 2009
Pourvoi : n° 071/2004/PC du 23 juin 2004
Affaire : COMMERCIAL BANK TCHAD dite CBT
(Conseils : Maîtres NGADJADOUM Josué et DIAWARA Moussa, Avocats à la Cour)
contre
AL HADJ ADAM ADJI
(Conseil : Maître ABAKAR GAZAMBLE, Avocat à la Cour)
ARRET N° 015/2009 du 16 avril 2009
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 16 avril 2009 où étaient présents :
Messieurs Jacques M’BOSSO, Président, rapporteur
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Biquezil NAMBAK, Juge
et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 23 juin 2004 sous le n° 071/2004/PC et formé par Maître NGADJADOUM Josué, Avocat au barreau du Tchad, BP 5554 N’Djaména (TCHAD) et Maître DIAWARA Moussa, Avocat à la Cour, domicilié à Abidjan, 08 B.P. 99 Abidjan 08, agissant au nom et pour le compte de la Commercial Bank Tchad dite CBT, société anonyme dont le siège social est sis Rue du Capitaine OHREL, B.P. 19 N’Djaména (TCHAD), représenté par son Directeur Général Monsieur Georges DJADJO, dans la cause qui l’oppose à AL HADJ ADAM ADJI, commerçant domicilié à N’Djaména, B.P. 5190, ayant pour conseil Maître ABAKAR GAZAMBLE, Avocat au barreau du Tchad, Avenue Paul Trépier 0194, Rue 3025, B.P. 1616 N’Djaména (TCHAD),en cassation de l’Arrêt n°070/04 rendu le 08 avril 2004 par la deuxième Chambre civile et commerciale de la Cour d’appel de N’Djaména et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties en matière civile et commerciale et en dernier ressort ;
EN LA FORME : Reçoit EL HADJ ADAM ADJI en son appel ;
AU FOND : Infirme l’Ordonnance n°590 du 03 novembre 2003 en toutes ses dispositions ;
Evoque : Dit que [la signification de] la saisie attribution a été faite à personne ;
Déclare valable l’Ordonnance n°556/PT/03 du 16/10/03 qui sortira son plein et entier effet ;
Condamne CBT aux dépens liquidés à la somme de 21.230 francs. » ;
La requérante invoque au soutien de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Jacques M’BOSSO, Président ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il résulte de l’examen des pièces du dossier de la procédure qu’en exécution de l’Arrêt civil n°194 rendu le 25 mai 2003 par la première chambre civile de la Cour d’appel de N’Djaména, le nommé AL HADJ ADAM ADJI avait fait pratiquer le 15 août 2003 une saisie attribution des créances au préjudice de la Société Tchadienne d’Eau et d’Electricité dite STEE entre les mains de la Commercial Bank Tchad, tiers saisi ; que ladite CBT, en signant le procès-verbal de saisie, avait répondu « nous aviserons dans le délai » ; que le 20 août 2003, la CBT, tiers saisi faisait savoir dans sa réponse à l’huissier instrumentaire que le compte du débiteur saisi avait fait l’objet d’une saisie conservatoire antérieure ; qu’à la même date susindiquée, l’huissier instrumentaire dénonçait ladite saisie au débiteur saisi à savoir la STEE, laquelle saisissait le juge des référés d’une contestation de saisie ; que pour sa part, le créancier saisissant obtenait du Président du Tribunal de première instance de N’Djaména l’Ordonnance n°556/PT/2003 du 16 octobre 2003 délivrant un titre exécutoire contre la CBT, tiers saisi pour le montant de 86.252.050 francs sous astreinte de 100.000 F CFA par jour de retard ; que par Ordonnance n°590 du 03 novembre 2003, le même Président du Tribunal de première instance de N’Djaména rétractait l’ordonnance précitée du 16 octobre 2003 dans toutes ses dispositions ; que sur appel relevé de l’Ordonnance n°590 précitée, la Cour d’appel de N’Djaména rendait le 08 août 2004 l’Arrêt n°070 dont pourvoi ;
Sur le moyen unique en sa première branche
Vu l’article 156 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé par fausse application les dispositions, entre autres, de l’article 156 alinéa 2 de l’Acte uniforme susvisé en ce que la Cour d’appel a considéré « qu’en application de l’article 156 de l’Acte uniforme sur le recouvrement, le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s’il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures. Il doit communiquer copie des pièces justificatives ; ces déclarations et communications doivent être faites sur le champ à l’huissier ou à l’agent d’exécution et mentionnées dans l’acte de saisie ou au plus tard, dans les 5 jours si l’acte n’est signifié à personne ; toute déclaration inexacte, incomplète ou tardive expose le tiers saisi au paiement des “taxes” de la saisie sans préjudice d’une condamnation au paiement des dommages intérêts (…) ; que la saisie pratiquée le 15 août 2003 a été signifiée à personne où l’huissier étant et parlant au Conseil juridique de la CBT, lequel a mentionné dans l’acte de saisie que “nous vous aviserons dans le délai” ; qu’en application de l’alinéa 2 de l’article 156 suscité, le tiers saisi ne pourra répondre dans le délai de 5 jours que si l’acte n’a pas été signifié à personne ; mais lorsque cette signification lui a été faite à personne, il est fait obligation que ces déclarations doivent être faites sur le champ à l’huissier ou à l’agent et mentionnées dans l’acte de saisie, c’est-à-dire immédiatement ; qu’en conséquence, il [CBT, tiers saisi] n’est pas fondé à invoquer le délai pour justifier les explications données par écrit (…) ; qu’en agissant comme il l’a fait, le tiers saisi n’a pas fait une déclaration exacte et complète sur l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ; que la CBT a fait une déclaration tardive ; qu’en conséquence (…) il échet de la condamner au paiement des causes de la saisie » alors que, selon le moyen, d’une part, l’exploit de saisie attribution des créances n°439 du 15 avril 2003 a été signifié au service juridique, entité abstraite avec la réponse nous aviserons dans le délai ; que la CBT a répondu à l’huissier le 20 août 2003 c’est-à-dire au plus tard dans les cinq jours de sorte que la Cour d’appel était mal venue à en déduire une déclaration tardive ; qu’il est de droit établi que lorsqu’un délai est exprimé en jours, celui de l’acte, de l’évènement ou de la notification qui le fait courir ne compte pas comme le confirme l’article 25.1 du Règlement de procédure de la CCJA ; qu’il suit qu’en raisonnant comme elle l’a fait, la Cour d’appel de N’Djaména a fait une fausse application de l’article 156 alinéa 2 de l’Acte uniforme susvisé et violé ledit article par son Arrêt qui encourt cassation ;
Attendu qu’aux termes de l’article 156 de l’Acte uniforme susvisé, « le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s’il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures. Il doit communiquer copie des pièces justificatives.
Ces déclarations et communication doivent être faites sur le champ à l’huissier ou l’agent d’exécution et mentionnées dans l’acte de saisie ou, au plus tard dans les cinq jours si l’acte n’est pas signifié à personne. Toute déclaration inexacte, incomplète ou tardive expose le tiers saisi à être condamné au paiement des causes de la saisie, sans préjudice d’une condamnation au paiement de dommages-intérêts. » ;
Attendu qu’il ressort de l’analyse des dispositions susénoncées de l’alinéa 2 de l’article 156 de l’Acte uniforme susvisé que lorsque la signification au tiers saisi d’une saisie-attribution de créances est faite à personne, ledit tiers saisi est tenu de faire sur le champ, à l’huissier instrumentaire ou à l’agent d’exécution, une déclaration exacte et complète sur l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur saisi ; que la sanction légale de l’inobservation de cette prescription par le tiers saisi est la condamnation de celui-ci au paiement des causes de la saisie attribution sans préjudice, le cas échéant, d’une condamnation supplémentaire au paiement de dommages-intérêts ;
Attendu, en l’espèce, que l’acte de saisie produit au dossier indique que l’huissier instrumentaire a été accueilli à la CBT par le responsable du service juridique qui non seulement a porté la mention manuscrite « nous aviserons dans le délai », mais a également apposé le cachet dudit service juridique de la CBT et signé l’acte de saisie ; qu’en remettant à plus tard la déclaration, alors qu’en tant que tiers saisi la CBT était tenue de la faire sur le champ à l’huissier instrumentaire, le service juridique agissant au nom de la CBT dont il est un organe n’a pas obéi aux prescriptions de l’article 156 alinéa 2 susénoncées ; qu’ainsi, en le relevant pour statuer comme elle l’a fait par l’arrêt attaqué, la Cour d’appel de N’Djaména n’a point violé le texte visé au moyen ; qu’il échet de rejeter ledit moyen comme étant non fondé ;
Sur le moyen unique en ses deuxième et troisième branches
Attendu qu’il est également fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé par fausse application les articles 164 et 168 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en ce que la Cour d’appel a éludé le vrai débat portant sur les conditions d’application de l’article 168 par le débat sur la déclaration tardive de l’article 156 alinéa 2, alors que, selon le moyen, nulle part dans l’Acte uniforme sur le recouvrement, la déclaration tardive du tiers saisi ne peut donner lieu à la délivrance d’un titre exécutoire de l’article 168 qui est exclusivement réservé au cas de refus de paiement par le tiers saisi ; que selon l’article 164, le tiers saisi procède au paiement sur présentation d’un certificat du greffe attestant qu’aucune contestation n’a été formée dans le mois suivant la dénonciation de la saisie ou sur présentation de la décision exécutoire de la juridiction rejetant la contestation ; que dans le cas d’espèce, il y a eu contestation élevée par le débiteur, la STEE, le 19 septembre 2003, soit dans le mois suivant la dénonciation de la saisie à elle faite le 20 août 2003 ; que ladite contestation n’a été tranchée que le 03 novembre 2003 par l’Ordonnance n° 591 donnant en plus mainlevée de la saisie attribution pratiquée par procès-verbal de saisie attribution des créances n°439/EMEME/2003 du 15 août 2003 ; que dans ces conditions ADAM ADJI ne pouvait déjà le 16 octobre 2003, prouver le refus de paiement du tiers saisi, la CBT, lui permettant d’obtenir contre elle, la délivrance du titre exécutoire de l’article 168 ; qu’ainsi, en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel de N’Djaména a violé l’article 164 visé au moyen et exposé son arrêt à la cassation ;
Mais attendu que contrairement à l’argumentaire de la CBT, le titre exécutoire délivré contre elle par Ordonnance n°556/PT/2003 du 16 octobre 2003 mentionne que la somme de 86.252.050 francs mise à la charge de la CBT résulte du principal, dépens et frais compris, objet de la saisie attribution pratiquée le 15 août 2003 et pour laquelle la CBT a fait une déclaration tardive ; que bien plus, la Cour d’appel de N’Djaména, dans la motivation de l’arrêt attaqué a relevé « qu’en conséquence de tout ce qui précède, il échet de la [CBT] condamner au paiement des causes de la saisie » ; qu’ainsi, il s’agit bien, en l’espèce, de la condamnation du tiers saisi, la CBT, au paiement des causes de la saisie-attribution de créances pratiquée pour déclaration tardive par application de l’article 156 alinéa 2 de l’Acte uniforme susvisé ; qu’il suit que les articles 164 et 168 visés au moyen sont sans rapport avec le cas d’espèce et ne sauraient être violés ; qu’il échet en conséquence de rejeter ces deux dernières branches du moyen unique comme étant non fondées ;
Attendu que la CBT ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette le pourvoi formé par la CBT ;
La condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier