ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Deuxième Chambre
Audience Publique du 07 avril 2005
Pourvoi n° 026/2003/ PC du 06 février 2003
Affaire : BOU CHEBEL MALEC
(Conseils : Maîtres Charles DOGUE, Abbé YAO et Associés, Avocats à la Cour)
Contre
La STATION MOBIL DE YAMOUSSOUKRO
(Conseil : Maître KIGNIMA Charles, Avocat à la Cour)
ARRET N° 026/2005 du 07 avril 2005
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 07 avril 2005 où étaient présents :
- Antoine Joachim OLIVEIRA, Président, rapporteur
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Boubacar DICKO, Juge
et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire BOU CHEBEL MALECK contre la STATION MOBIL DE YAMOUSSOUKRO par Arrêt n°426/02 du 16 mai 2002 de la Cour Suprême de la République de Côte d’Ivoire, Chambre Judiciaire, Formation civile, saisie d’un pourvoi formé le 30 juillet 2001 par BOU CHEBEL MALECK ayant pour conseils Maîtres Charles DOGUE, Abbé YAO et Associés, Avocats près la Cour d’appel d’Abidjan y demeurant, Boulevard CLOZEL, 01 BP. 174 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de celui-ci dans la cause l’opposant à la STATION MOBIL DE YAMOUSSOUKRO, entreprise individuelle, sise à Yamoussoukro, représentée par Monsieur ATTAR Ali, commerçant domicilié à Yamoussoukro, BP 2484, ayant pour conseil Maître KIGNIMA Charles, Avocat à la Cour d’appel d’Abidjan, y demeurant 17, Boulevard ROUME, Résidence ROUME porte 22, 23 BP 1274 Abidjan 23,en cassation de l’Arrêt n° 13/2001 rendu le 24 janvier 2001 par la Cour d’appel de Bouaké au profit de la STATION MOBIL DE YAMOUSSOUKRO et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort ;
Déclare BOU CHEBEL MALECK recevable mais mal fondé en son appel et l’en déboute ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
Condamne BOU CHEBEL MALECK aux dépens.» ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Antoine Joachim OLIVEIRA, Président ;
Vu les articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que par Ordonnance n°15/2000 rendue le 4 février 2000 par le Président de la Section du Tribunal de Toumodi, Monsieur BOU CHEBEL MALECK avait été enjoint de payer à la STATION MOBIL DE YAMOUSSOUKRO la somme de 2.724.964 FCFA ; que Monsieur BOU CHEBEL MALECK, à qui cette ordonnance d’injonction de payer avait été signifiée le 12 février 2000, formait contre celle-ci, le 25 du même mois et de la même année, opposition devant la Section du Tribunal de Toumodi ; que par Jugement n°102 du 22 juin 2000, ladite juridiction, après avoir déclaré mal fondée l’opposition précitée, condamnait Monsieur BOU CHEBEL MALECK à payer à la STATION MOBIL DE YAMOUSSOUKRO les sommes de 2.735.010. FCFA en principal et de 500.000 F CFA à titre de dommages-intérêts, soit au total de 3.235.010 FCFA ; que le 20 juillet 2000 Monsieur BOU CHEBEL MALECK a interjeté appel de ce jugement devant la Cour d’appel d’Abidjan qui l’a confirmé par Arrêt n° 13 en date du 24 janvier 2001, objet du présent pourvoi en cassation ;
Sur le premier moyen
Attendu que ce moyen est pris de la violation de la loi ou erreur dans l’application ou l’interprétation de la loi, notamment les articles 7, alinéa 2, et 8 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en ce que l’arrêt attaqué a retenu que « la conséquence à tirer de la nullité [de l’exploit de signification de l’Ordonnance d’injonction de payer contestée] n’est pas la caducité de l’ordonnance, mais que le délai de 15 jours dans lequel l’opposition doit être formée n’a pu courir et que par voie de conséquence l’opposition formée à l’exécution de l’ordonnance est recevable ; qu’en effet, l’article 8 prescrit que l’exploit de signification de la décision portant injonction de payer contient à peine de nullité, indication du délai dans lequel l’opposition doit être formée, la juridiction devant laquelle elle doit être portée et les formes dans lesquelles elle doit être formée ; qu’il est constant comme résultant tant de la décision du premier Juge que de l’arrêt attaqué, que la Station MOBIL DE YAMOUSSOUKRO n’a pas sacrifié à cette exigence et que l’exploit de signification de l’ordonnance d’injonction de payer dont elle est bénéficiaire est nul et de nul effet ; que l’article 7, alinéa 2, du susdit Acte uniforme dispose que la décision portant injonction de payer est non avenue si elle n’a pas été signifiée dans les trois mois de sa date ; que du 4 février 2000 date à laquelle l’ordonnance d’injonction de payer a été rendue, à la date du jugement rendu sur opposition du concluant, le 22 juin 2000, il s’est passé plus de trois (3) mois ; qu’au lieu d’infirmer le susdit jugement, la Cour d’appel de Bouaké a estimé que la conséquence à tirer de la nullité de l’exploit de signification de l’ordonnance portant injonction de payer n’est pas la caducité de l’ordonnance ; que cependant, elle soutient qu’en pareille situation, le délai d’opposition (15 jours) est réputé n’avoir jamais couru ; que bien évidemment, la décision de la Cour dénote d’une erreur dans l’application ou l’interprétation des articles 7, alinéa 2, et 8 susindiqués ; qu’en effet, la nullité édictée par l’article 8 est une nullité absolue et dont l’exploit de signification déclaré nul comme contraire à cet article 8 est de nul effet ; que c’est d’ailleurs la raison pour laquelle, la Cour elle-même a affirmé que du fait de la nullité de l’exploit de signification, le délai est réputé n’avoir jamais couru.
L’arrêt querellé mérite donc d’être cassé. » ;
Vu les articles 7, alinéa 2, 8, alinéa 2, et 9 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu que les dispositions susvisées prescrivent respectivement que « La décision portant injonction de payer est non avenue si elle n’a pas été signifiée dans les trois mois de sa date ; », « Sous la même sanction (de nullité) la signification indique la juridiction devant laquelle elle (l’opposition) doit être portée… », « Le recours ordinaire de la décision d’injonction de payer est l’opposition. Celle-ci est portée devant la juridiction compétente dont le Président a rendu la décision portant injonction de payer. » ;
Attendu, en l’espèce, qu’il n’est pas contesté, d’une part, que l’exploit de signification de l’Ordonnance d’injonction de payer n° 15/2000 du 4 février 2000 contenait la reproduction intégrale de l’article 9, alinéa 2, de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; que, d’autre part, Monsieur BOU CHEBEL Maleck avait lui-même saisi la juridiction compétente constituée par la Section du Tribunal de Toumodi ; qu’en l’espèce, l’erreur dans la désignation de la juridiction compétente reprochée à l’exploit de signification de l’Ordonnance d’injonction de payer par Monsieur BOU CHEBEL Maleck, a été réparée par les indications contenues dans l’article 9 susénoncé de l’Acte uniforme susvisé, intégralement reproduit dans ledit exploit, lequel est par conséquent conforme aux prescriptions de l’article 8, alinéa 2, susvisé et est régulier ; d’où il suit que l’Arrêt attaqué ayant frappé de nullité l’exploit de signification de l’ordonnance d’injonction de payer doit, quelles que soient les conséquences qu’il a tirées de cette sanction, être cassé ; qu’il y a lieu ensuite d’évoquer ;
Sur l’évocation
Attendu que par exploit du 17 juillet 2000, Monsieur BOU CHEBEL MALECK a interjeté appel du Jugement n° 102 du 22 juin 2000 rendu par la Section du Tribunal de Toumodi et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort ;
Déclare BOU CHEBEL MALECK recevable en son opposition ;
L’y dit cependant mal fondé ;
Le condamne en conséquence à payer à la STATION MOBIL, la somme de 2.735.000 F CFA ;
Le condamne à payer également à la STATION MOBIL, la somme de 500.000 F à titre de dommages et intérêts, soit la somme totale de 3.235.010 F CFA ;
Met les frais de la procédure à la charge de BOU CHEBEL.» ;
Attendu que Monsieur BOU CHEBEL MALECK a demandé dans ses conclusions :
- à titre principal, la caducité de l’Ordonnance n° 15/2000 rendue le 04 février 2000 par le Président de la section du Tribunal de Toumodi ;
- à titre subsidiaire l’irrecevabilité de la requête d’injonction de payer ainsi que l’irrégularité de la procédure d’injonction de payer ;
Attendu que la STATION MOBIL de YAMOUSSOUKRO a demandé dans ses conclusions :
- l’infirmation du jugement entrepris, en ce qu’il a restitué à l’Ordonnance d’injonction de payer querellée son plein et entier effet ;
- la réformation du même jugement, en ce qu’il lui a alloué à titre de dommages-intérêts la somme de 500.000 francs CFA au lieu de celle de 2.000.000 francs CFA demandée ;
Sur la caducité de l’Ordonnance d’injonction de payer n° 15/2000 du 4 février 2000
Attendu que Monsieur BOU CHEBEL MALECK fait valoir :
– que l’exploit de signification de l’ordonnance d’injonction de payer susvisée a indiqué comme juridiction compétente pour connaître de l’opposition le Président de la Section du Tribunal de Toumodi au lieu de la Section du Tribunal de Toumodi, ceci en violation de l’article 9 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, et qu’étant frappée de nullité, ladite ordonnance doit être considérée comme n’ayant jamais été signifiée ;
– que dès lors, en application de l’article 7, alinéa 2, du même Acte uniforme, lequel prévoit que la décision portant injonction de payer est non avenue si elle n’a pas été signifiée dans le délai de trois mois à compter de sa date, l’ordonnance en cause est caduque puisque du 4 février 2000 à la date de sa signification, il s’est écoulé plus de trois mois ;
Attendu que la STATION MOBIL de YAMOUSSOUKRO soutient en réplique que l’ordonnance d’injonction de payer susvisée n’est pas caduque, Monsieur BOU CHEBEL MALECK ayant porté son opposition à ladite décision devant la juridiction compétente, en l’occurrence la Section du Tribunal de Toumodi en dépit des erreurs matérielles reprochées audit exploit ;
Attendu que l’article 7, alinéa 2, de l’Acte uniforme susvisé dispose que « La décision portant injonction de payer est non avenue si elle n’a pas été signifiée dans les trois mois de sa date. » ;
Attendu, en l’espèce, qu’il ressort de l’exploit intitulé « NOTIFICATION D’INJONCTION DE PAYER AVEC COMMANDEMENT DE PAYER » que celui-ci a été signifié à Monsieur BOU CHEBEL MALECK le 12 février 2000, soit dans le délai de signification de l’Ordonnance d’injonction de payer rendue le 4 février 2000, lequel, par application de l’article 7, alinéa 2, susénoncé de l’Acte uniforme susvisé, expirait le 4 mai 2000 ; que par suite l’appelant n’est pas fondé à soutenir que l’ordonnance d’injonction de payer était caduque ;
Sur la recevabilité de la requête aux fins d’injonction de payer
Attendu que Monsieur BOU CHEBEL MALECK fait valoir, d’une part, que la requête aux fins d’injonction de payer ayant abouti à l’Ordonnance susvisée avait été présentée par la STATION MOBIL de YAMOUSSOUKRO qui n’est ni une personne morale ni une personne physique, que d’autre part, supposer qu’elle soit une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège ne sont pas indiqués dans l’exploit de signification ; qu’il soutient qu’en l’absence de ces indications prévues par l’article 4 de l’Acte uniforme susvisé, la requête est irrecevable ;
Attendu que la STATION MOBIL de YAMOUSSOUKRO soutient en réplique que les griefs formés par l’appelant sont non fondés dans la mesure où, étant une entreprise individuelle, elle emprunte à son exploitant sa personnalité, son nom, son siège, autant d’éléments qui apparaissent dans la requête contestée ;
Attendu que les éléments d’identification prévus par l’article 4 de l’Acte uniforme susvisé, selon lequel la requête contient à peine d’irrecevabilité les noms, prénoms, profession et domiciles des parties… siège social, ne peuvent être, en ce qui concerne une entreprise individuelle, que ceux empruntés à l’exploitant personnel du fonds, en l’occurrence Monsieur ATTAR Ali ; qu’en conséquence, ladite requête est régulière et recevable ;
Sur le montant de la créance
Attendu que Monsieur BOU CHEBEL MALECK fait valoir que la procédure d’injonction de payer a été introduite alors que la créance dont le recouvrement est poursuivi par la STATION MOBIL de YAMOUSSOUKRO n’est ni certaine, ni liquide, ni exigible, comme il est prescrit à l’article 1er de l’Acte uniforme susvisé ; qu’il reconnaît devoir seulement à ladite entreprise la somme de 128.930 francs CFA représentant 23 bons d’un montant de 328.930 francs CFA sur lequel il a payé 200.000 francs CFA et non la somme de 2.735.019 francs CFA établie à partir de factures qu’il ignore.
Attendu que la STATION MOBIL de YAMOUSSOUKRO déclare pour sa part en réplique que la créance dont elle poursuit le recouvrement résulte du solde de factures signées par Monsieur BOU CHEBEL MALECK et établies à l’occasion de livraisons de produits pétroliers ;
Attendu, en l’espèce, que la créance réclamée d’un montant de 2.735.019 Francs CFA résulte suffisamment des factures n° 68 du 02 septembre 1998 d’un montant de 1.087.716 francs CFA, n° 374-42 du 25 décembre 1998 d’un montant de 1.518.310 francs CFA et du bon de commande n° 05 du 18 mai 1999 d’un montant de 128.930 francs CFA ;
Sur les dommages-intérêts
Attendu que la STATION MOBIL OIL de YAMOUSSOUKRO fait valoir que les moyens déloyaux utilisés par Monsieur BOU CHEBEL MALECK pour ne pas s’acquitter de sa dette lui ont causé un préjudice qu’il chiffre à 2.000.000 francs CFA ;
Attendu que c’est après une exacte analyse des éléments de la cause qui lui étaient soumis que la Section du Tribunal de Toumodi a fixé à la somme de 500.000 francs CFA le montant de la réparation du préjudice subi par l’appelant ; qu’il y a lieu de confirmer ledit montant ;
Attendu que Monsieur BOU CHEBEL MALECK ayant succombé, doit être condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’Arrêt n° 13/2000 rendu le 24 janvier 2001 par la Cour d’appel de Bouaké ;
Evoquant et statuant au fond,
Confirme en toutes ses dispositions le Jugement n° 102 du 22 juin 2000 rendu par la Section du Tribunal de Toumodi ;
Condamne Monsieur BOU CHEBEL MALECK aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier