ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Troisième Chambre
Audience Publique du 4 décembre 2012
Pourvoi : n° 066/2009/PC du 13/07/2009
Affaire : ATTIOGBE KOSSI
(Conseils : la SCPA Martial AKAKPO, Avocats à la Cour)
contre
Société FAN MILK S.A LAITERIE INTERNATIONALE
(Conseil : Maître Kwadjo F. SESSENOU, Avocat à la cour)
ARRET N° 085/2012 du 4 décembre 2012
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 4 décembre 2012 où étaient présents :
Messieurs Ndongo FALL, Président
Abdoulaye Issoufi TOURE, Juge, rapporteur
Victoriano OBIANG ABOGO, Juge
et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef,
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de Céans sous le n° 066/2009/PC du 13 juillet 2009 et formé par la SCPA Martial AKAKPO, société civile d’Avocats au Barreau du Togo, demeurant au 27, rue du Maréchal BUGEAUD, BP 6210, Lomé, agissant au nom et pour le compte du sieur ATTIOGBE Kossi demeurant à Lomé 87, rue Konda derrière l’hôtel Equateur quartier Bè-Pa de SOUZA, dans une cause l’opposant à la société FAN MILK S.A LAITERIE INTERNATIONALE, ayant son siège social à Lomé, BP 9130, et ayant pour Conseil Maître Kwadjo F. SESSENOU, Avocat à la Cour, Angle Boulevard de victoire, rue Logomé, BP 81139 Lomé.en cassation de l’Arrêt n° 070 rendu le 21 avril 2009 par la Cour d’appel de Lomé et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en appel :
En la forme : Reçoit l’appel
Au fond : Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
Dit qu’aux termes des articles 18 de l’Acte uniforme de l’OHADA relatif au Droit Commercial Général et 2257 alinéa 4 du Code Civil, l’intimé disposait d’un délai de cinq ans à compter du 31 juillet 1996 pour réclamer sa créance.
Constate qu’il n’a introduit sa demande que le 28 août 2006 ;
En conséquence, dit qu’il est forclos.
Rejette, par ailleurs comme non fondées les demandes de l’appelante au titre des dommages-intérêts et celle de l’intimé au même titre.
Condamne l’intimé aux dépens »,
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent pourvoi ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Abdoulaye Issoufi TOURE ;
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il résulte des pièces de la procédure les faits suivants :
Le 03 janvier 1994, un contrat de représentation au Bénin était signé entre le sieur ATTIOGBE Kossi et la Société FAN MILK SA Lomé. Aux termes de ce contrat, le premier s’engageait à réaliser des études de marché, à aider la société à mettre en place ses structures de vente et de distribution, à déterminer toutes les causes pouvant influer sur la vente des produits FAN MILK en République du Bénin. La seconde s’engageait à verser des honoraires mensuels de 120 000 FCFA sur présentation d’une facture. Les factures seront régulièrement payées jusqu’à celle portant les mensualités de juillet 1996 à novembre 2002. Saisi du contentieux, le Tribunal de Lomé par jugement n° 234 du 8 août 2008 accédait à la demande du sieur KOSSI, en condamnant FAN MILK SA à lui payer 12 320 000 FCFA représentant les honoraires du 1er juillet 1996 au 29 novembre 2002 et 5 000 000 FCFA à titre de dommages-intérêts. La Cour d’appel, suivant Arrêt n° 070/2009 du 21 avril 2009, infirmait ce jugement et constatait la prescription dont elle fixait le point de départ au 31 juillet 1996, échéance de la première facture. C’est cet arrêt qui fait l’objet du présent pourvoi ;
Sur le deuxième moyen
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 18 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général en ce que la Cour d’appel a fixé le point de départ du délai de la prescription quinquennale au 31 juillet 1996 ;
Attendu que le contrat du 03 janvier 1994 en stipulant « des honoraires mensuels de cent vingt mille (120 000 FCFA) … sur présentation de sa facture » a clairement entendu fixer l’exigibilité de chaque mensualité à la fin dudit mois et désigner la facture comme simple support matériel en vue du paiement ; que dès lors la date du 31 juillet 1996 retenue dans l’arrêt comme point de départ de la prescription pour l’ensemble de la créance est en fait la date d’exigibilité de la mensualité de ce mois de juillet et ne saurait s’appliquer à l’ensemble de la facture qui comporte plusieurs mensualités et qui, compte tenu de la divisibilité, n’ont pas toutes le même point de départ pour le calcul du délai de prescription ; que dès lors seront prescrites seulement les mensualités qui au 28 août 2006 étaient couvertes par les cinq ans ; que tel n’est pas le cas des quinze mensualités allant de septembre 2001 à novembre 2002 ; que la Cour d’appel en retenant la même date pour toutes les mensualités portées dans la facture du 13 avril 2006, a violé l’article 18 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général qui s’applique aux « obligations nées » et non à leur simple support matériel ; qu’elle expose donc sa décision à cassation sans qu’il soit besoin d’examiner le premier moyen ;
Sur l’évocation
Attendu que par exploit d’huissier du 28 août 2006, le sieur ATTIOGBE Kossi a assigné la société FAN MILK aux fins de l’entendre condamnée à lui payer la somme de 12 320 000 FCFA représentant ses honoraires du 1er juillet 1996 au 30 novembre 2002 et 7 000 000 FCFA à titre de dommages-intérêts ; que le Tribunal de première instance de Lomé a fait droit à la demande principale en ramenant les dommages-intérêts à 5 000 000 FCFA ;
Attendu que suivant acte du 13 octobre 2008, la société FAN MILK SA a relevé appel de cette décision en soutenant que le point de départ du délai de cinq ans prévu à l’article 18 susvisé est le 31 juillet 1996 et que ce délai est couvert au 31 juillet 2001 ; qu’en introduisant sa demande le 28 août 2006, le sieur ATTIOGBE Kossi est forclos ; qu’elle réclame 10 000 000 FCFA de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Attendu que l’intimé a conclu à la confirmation du jugement entrepris en exposant, que le contrat de représentation a été conclu en 1994 et que l’Acte uniforme entré en vigueur en 1998 ne saurait recevoir application ; qu’en admettant même qu’il soit applicable, il existe une condition suspensive qui est la présentation par le créancier d’une facture ; que la facture ayant été présentée le 13 avril 2006, c’est à compter de cette date que devait courir le délai de cinq ans ;
Attendu que si le contrat a été conclu en 1994 antérieurement à l’Acte uniforme, il reste que la réclamation datant du 28 août 2006 a été faite sous l’empire dudit Acte qui y trouve donc application ; que pour les mêmes motifs que ceux ayant conduit à la cassation, il y a lieu de retenir que les quinze mensualités allant de septembre 2001 à novembre 2002 ne sont pas couvertes par la prescription ; que leur montant total s’élève à 2 160 000 FCFA ;
Attendu que la Cour dispose d’éléments suffisants pour apprécier les dommages-intérêts qui seront fixés à 1 000 000 FCFA ;
Attendu que la Société FAN MILK succombant doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’arrêt n° 070/2009 du 21 avril 2009 de la Cour d’appel de Lomé ;
Evoquant et statuant sur le fond,
Reçoit l’appel d’ATTIOGBE Kossi ;
Infirme partiellement le jugement entrepris ;
Dit qu’en application des articles 18 de l’Acte uniforme relatif au Droit commercial général et 2257 alinéa 4 du Code Civil, les quinze mensualités allant de septembre 2002 restent dues ;
En conséquence, condamne FAN MILK SA Laiterie à payer à ATTIOGBE Kossi la somme de 2 160 000 FCFA ; dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2006 ;
La condamne à 1 000 000 FCFA de dommages-intérêts ;
La condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier en chef