ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Première Chambre

Audience publique du 07 juin 2012

Pourvoi n° : 005/2009/PC du 27 janvier 2009

Affaire : AMADOU KARIM
(Conseil : Maître Agnès OUANGUI, Avocat à la Cour)
contre
Société ASSURIM
Serge MAGNARD
(Conseil : Maître TANO KOUADIO Emmanuel, Avocat à la Cour)

ARRET N° 043/2012 du 07 juin 2012

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), Première Chambre, de l’OHADA de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 07 juin 2012 où étaient présents :

Messieurs Antoine Joachim OLIVEIRA, Président
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Marcel SEREKOÏSSE SAMBA, Juge, rapporteur

et Maître MONBLE Jean Bosco, Greffier ;

Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire AMADOU KARIM contre Société ASSURIM et Serge MAGNARD par Arrêt n°499/08 du 30 octobre 2008 de la Cour s
uprême de Côte d’Ivoire, Chambre judiciaire saisie d’un pourvoi initié le 12 octobre 2005 par Maître OUANGUI Agnès, Avocat à la Cour, y demeurant, au Plateau, immeuble Sipim, 5è étage, 24 Boulevard Clozel, 01 BP 1306 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de AMADOU Karim, Directeur de Société, demeurant à Abidjan Cocody Danga Nord, villa n°529, 07 BP 309 Abidjan 07, contre la Société ASSURIM et Serge MAGNARD, ayant pour Conseil Maître TANO KOUADIO Emmanuel, Avocat à la Cour, 01 BP. 5806 Abidjan 01,en cassation contre l’arrêt n° 55 rendu le 16 janvier 2004 par la Cour d’Appel d’Abidjan, dont le dispositif est ainsi énoncé :

« En la forme
– Déclare Amadou Karim et la société Assurim recevables en leurs appels principal et incident relevés du jugement n°630/civ/3 rendu le 18 juin 2003 par le Tribunal d’Abidjan ;
Au fond
– Dit Amadou Karim mal fondé en son appel principal
– Déclare Amadou Karim irrecevable en sa demande tendant à constater sa qualité d’actionnaire ;
– Confirme le jugement en ses autres dispositions » ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur le Juge Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA ;

Vu les dispositions des articles 14 et 15 du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu qu’il ressort des pièces de la procédure que par acte en date du 26 Janvier 1967 du répertoire de Maître CHEICKNA SYLLA, Notaire à Abidjan, avait été constituée entre Messieurs Michel MAGNARD, Patrick MAGNARD, Serge MAGNARD et Madame MAGNARD née Cécile Marie CASTA une société à responsabilité limitée dénommée ASSURIM, au capital social de 600 000 FCFA ; que le 22 Avril 1969, intervenait une modification des statuts au terme de laquelle la Société ASSURIM Sarl était transformée en Société Anonyme, après admission au capital social de Messieurs AMADOU KARIM, Alphonse DIBY et Madame Christiane HOUPHOUET BOIGNY suite à la cession à titre gratuit à ces derniers de parts sociales par Michel, Patrick et Serge MAGNARD ; que par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 16 Juillet 1971 adressé à l’Administrateur unique d’ASSURIM SA avec ampliation au Notaire instrumentaire de la société, AMADOU KARIM (KARIM MAHAMANE), DIBY Alphonse et Christiane HOUPHOUET BOIGNY déclaraient se retirer de la société en ces termes : « Nous vous informons qu’à compter de ce jour, nous nous retirons de la Société ASSURIM en vous cédant, à titre gratuit, nos actions, actions que vous nous avez attribuées gratuitement au moment de la création de ladite société. En conséquence, nous ne voudrions plus figurer sur la liste des actionnaires de la Société ASSURIM. Nous transmettons le double de la présente lettre à Maître SYLLA, Notaire de la Société ASSURIM pour l’informer de notre décision. Vous voudriez bien soumettre à nos signatures, le transfert de nos actions… » ;
Que ces cessions n’ont pas été suivies par la signature des actes de transfert, ni par les cédants ni par le cessionnaire ;

Attendu qu’en 2001, soit trente années après la lettre de retrait, AMADOU KARIM revenait solliciter des informations sur le fonctionnement de la société ASSURIM ainsi que les dividendes qui auraient été, le cas échéant, distribuées dans l’intervalle aux actionnaires ; que se heurtant à une fin de non recevoir des dirigeants de la société qui estimaient qu’il n’était plus actionnaire, il a saisi le Tribunal de Première Instance d’Abidjan aux fins de voir reconnaître sa qualité d’actionnaire et entendre condamner ASSURIM à lui payer les dividendes générées par ses actions depuis 1971 ; que par jugement n°630 rendu le 18 Juin 2003, le Tribunal de Première Instance d’Abidjan reconnaissait à Amadou Karim sa qualité d’actionnaire, mais déclarait irrecevable son action tendant au paiement des dividendes pour cause de prescription ; que sur appels conjoints des parties, la Cour d’appel d’Abidjan rendait l’arrêt sus énoncé, déclarant irrecevables aussi bien la demande tendant au paiement des dividendes que celle relative à la reconnaissance de la qualité d’actionnaire pour cause de prescription ; que cet arrêt ayant été frappé de pourvoi en cassation devant la Cour suprême de la Côte d’Ivoire, celle-ci a décliné sa compétence et en a saisi la Cour de céans ;

Sur les deux moyens du pourvoi, pris ensemble

– le premier moyen, tiré des manque de base légale, absence, insuffisance, Obscurité ou Contrariété des motifs (Article 206 du Code de Procédure Civile),
en ce que pour déclarer irrecevables les demandes de AMADOU KARIM, le juge d’appel s’est borné à dire qu’une action introduite plus de 30 ans après est prescrite aussi bien au regard de l’ancien Code de Commerce, du Traité (OHADA) que du droit commun des actions mobilières, sans viser aucun texte précis.

-le second moyen, tiré de la violation de la loi, erreur dans l’application ou l’interprétation de la Loi (Art 18 de l’Acte Uniforme sur le Droit Commercial Général), en ce que l’arrêt attaqué, bien qu’ayant retenu la prescription de la demande relative aux dividendes, aurait dû appliquer à tout le moins le texte susvisé et dire que ladite prescription n’affecte pas la période de cinq ans antérieure à son action.

Mais attendu que l’article 14 du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique édicte que la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) assure dans les Etats Parties l’interprétation et l’application commune des Actes Uniformes et, saisie par voie de recours en cassation, se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats Parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes Uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales, ainsi que dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats Parties dans les mêmes contentieux ;

Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure que l’Acte uniforme relatif au Droit Commercial Général, entré en vigueur le 10 juillet 1998, n’avait pas intégré l’ordre juridique interne de la République de Côte d’Ivoire au moment où, le 22 avril 1969, les consorts MAGNARD transformaient leur société à responsabilité limitée créée le 26 janvier 1967, en société anonyme et en cédaient à titre gratuit des actions à Amadou Karim et autres , et qu’il ne pouvait de ce fait être applicable ; que dans ce contexte spécifique, aucun grief ni moyen relatif à l’application de l’Acte uniforme invoqué n’aurait dû être formulé et présenté devant les juges de fond par le requérant ; que dès lors, les conditions de compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA en matière contentieuse, telles que précisées à l’article 14 susvisé, n’étant pas réunies, il échet de se déclarer incompétent et renvoyer l’affaire devant la Cour suprême de Côte d’Ivoire ;

Attendu qu’il échet de réserver les dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

– Se déclare incompétente ;

– Renvoie l’affaire devant la Cour suprême de Côte d’Ivoire ;

– Réserve les dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

Le Président

Le Greffier