ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

 Première Chambre

Audience publique du 29 juin 2006

Pourvoi : n° 111/2004/PC du 16 novembre 2004

Affaire : Compagnie Bancaire de l’Atlantique Côte d’Ivoire dite COBACI

                (Conseil : Maître François ABONDIO, Avocat à la Cour)

Contre

      1 – Société SHAFTESBURY OVERSEAS LTD

      2 – Société BENATH COMPANY LTD

(Conseils : Maîtres DOGUE, Abbé YAO et Associés, Avocats à la Cour)

ARRET N° 012/2006 du  29 juin 2006

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du  29 juin 2006 où étaient présents :

 

  1. Jacques M’BOSSO,                       Président, rapporteur

Maïnassara MAIDAGI,                    Juge

Biquezil NAMBAK,                       Juge

 

et  Maître OUATTARA Yacouba,     Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 16 novembre 2004 sous le n° 111/2004/PC et formé par maître François ABONDIO, Avocat à la Cour, demeurant à Cocody-Riviera Golf, Immeuble Goyave, 2è étage, porte n° 210, 08 B.P. 99 Abidjan 08, agissant au nom et pour le compte de la Compagnie Bancaire de l’Atlantique Côte d’Ivoire dite COBACI, société anonyme dont le siège social est à l’Immeuble Atlantique, Avenue Noguès, Abidjan, représentée par son Directeur général Monsieur René DELAFOSSE, domicilié ès qualité au siège de ladite société, dans la cause qui l’oppose aux sociétés Shaftesbury Overseas Ltd, société anonyme dont le siège social se trouve au n° 50 Shirley Street, P.O. BOX CB 13937, Nassau, Bahamas et Benath Company Ltd dont le siège social est à Safferey Square, Suite 305, PO BOX 8188, Nassau, Bahamas, lesdites sociétés ayant pour représentant légal Monsieur Auguste HACCANDY, de nationalité ivoirienne, demeurant à Abidjan, Immeuble EBRIEN, Avenue du Général De GAULLE, ayant pour conseils Maîtres DOGUE, ABBE YAO et Associés, Avocats à la Cour, demeurant 23, Boulevard Clozel, 01 B.P. 174 Abidjan 01,en cassation de l’Arrêt n° 496 rendu le 23 avril 2004 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

 

« En la forme :

Déclare la COBACI d’une part, les Sociétés Shaftesbury et Benath d’autre part, recevables en leurs appels principal et incident

Au fond :

Déclare la COBACI mal fondée en son appel principal ;

L’en déboute ;

Dit par contre les Sociétés SHAFTESBURY et BENATH partiellement fondées en leur appel incident, réformant le jugement ;

Condamne la COBACI à payer à chacune desdites intimées la somme de 5.000.000 F CFA.

Confirme le jugement en ses autres dispositions ;

Condamne la COBACI aux dépens ; » ;

 

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à l’Acte de pourvoi annexé au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur Jacques M’BOSSO, Président ;

 

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure que dans le cadre de ses activités commerciales, la Société de Tuyauterie et de Chaudronnerie d’Abidjan dite STCA avait ouvert un compte dans les livres de la Compagnie Bancaire de l’Atlantique Côte d’Ivoire dite COBACI ; que confrontée à des difficultés financières durant l’année 2000, la STCA, à travers ses dirigeants, avait rencontré les responsables de la COBACI pour exposer ses difficultés et tenté de trouver les voies et moyens pour les surmonter ; que c’était ainsi qu’il avait été suggéré à la STCA de procéder à l’augmentation de son capital social, ce qui lui permettrait d’avoir de l’argent frais pour faire face à ses difficultés ; qu’une assemblée générale extraordinaire convoquée à cet effet le 1er décembre 2000 décidait donc, dans sa première résolution, de l’augmentation du capital social en portant celui-ci de cinquante millions de FCFA à « cent millions de FCFA par la création de cinq mille actions nouvelles de dix mille F CFA chacune à souscrire en numéraire avant le 31 janvier 2001 et à libérer entièrement à cette même date » ; que l’assemblée générale extraordinaire précisait à cette occasion que « les fonds apportés durant la période de souscription seront versés dans un compte ouvert spécialement à cet effet par la Société dans une banque de la place. Une fois ces fonds versés et la preuve faite de ces dépôts par le relevé de la banque, ces fonds pourront être utilisés par la Société afin de faire face aux urgences » ; que dans sa seconde résolution, la même assemblée extraordinaire conférait « tous pouvoirs au Conseil d’administration et au Directeur général de la Société qui, porteurs de copies ou d’extraits du procès-verbal constatant ses délibérations, accompliront toutes les formalités légales ou autres s’il y a lieu pour mener à bien cette augmentation de capital » ; que participant à l’opération d’augmentation du capital à laquelle elles avaient été invitées en leurs qualités d’actionnaires de la STCA, les Sociétés SHAFTESBURY OVERSEAS Ltd et BENATH COMPANY Ltd avaient souscrit respectivement pour 24.470.058 francs et 25.250.000 francs complétés de 280.000 FCFA le 30 janvier 2001 ; que le montant desdites souscriptions avait été versé dans un compte spécial à la COBACI qui était désignée pour recevoir les fonds et les garder jusqu’à l’aboutissement de la procédure d’augmentation de capital et l’émission du certificat de notoriété ; que cependant, du fait de la « faillite » de la STCA, la procédure d’augmentation du capital n’avait pas abouti ; qu’ainsi, les deux Sociétés précitées avaient réclamé en vain la restitution des sommes versées avant de saisir le Tribunal de première instance d’Abidjan d’une demande en restitution desdites sommes ; que statuant sur leur demande, ledit Tribunal avait, par Jugement n° 337/Civ.3 du 09 avril 2003, condamné les Sociétés STCA et COBACI à leur payer solidairement en ce qui concerne la Société SHAFTESBURY OVERSEAS Ltd la somme de 24.470.058 francs et celle de 25.000.000 francs en ce qui concerne la Société BENATH COMPANY Ltd et débouté les demanderesses du surplus de leurs prétentions concernant le paiement des dommages-intérêts ; que considérant pour sa part que c’était à tort que le Tribunal l’avait condamnée solidairement avec la STCA au remboursement des sommes susindiquées car n’ayant exécuté que l’ordre qui lui était donné, la COBACI avait interjeté appel dudit jugement devant la Cour d’appel d’Abidjan ; que statuant sur l’appel ainsi interjeté, la Cour d’appel d’Abidjan avait rendu l’Arrêt n° 496 du 23 avril 2004, objet du présent pourvoi ;

 

Sur le moyen unique

 

Vu les articles 615 et 616 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ;

 

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé, par mauvaise interprétation, les articles 615 et 616 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique en ce que « la Cour d’appel, pour rendre sa décision de condamnation s’est livrée à une interprétation stricte et aveugle des articles 615 et 616 du Traité de l’OHADA sur le droit des sociétés sans tenir compte de l’intervention et donc de la responsabilité des autres parties au procès alors que, selon le moyen, la COBACI en l’espèce n’est que simple dépositaire des fonds ; qu’elle donne donc auxdits fonds la destination demandée par les actionnaires et ce par l’intermédiaire de leur Assemblée générale extraordinaire qui a compétence exclusive pour décider des augmentation et réduction de capital ; que cette compétence est d’ordre public et ce conformément à l’article 564 du Traité OHADA sur le droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique » ; qu’il suit qu’en confirmant le jugement entrepris de sa condamnation alors qu’elle n’a fait qu’exécuter les instructions reçues des dirigeants de la STCA, la Cour d’appel a violé les articles précités et exposé son arrêt à la cassation ;

 

Attendu que les articles 615 et 616 de l’Acte uniforme susvisé disposent respectivement que « le retrait des fonds provenant des souscriptions en numéraire ne peut avoir lieu qu’une fois l’augmentation de capital réalisée.

Il est effectué par un mandataire de la Société sur présentation au dépositaire de la déclaration notariée de souscription et de versement » et « l’augmentation de capital par émission d’actions à libérer en numéraire est réputée réalisée à la date de l’établissement de la déclaration notariée de souscription et de versement » ;

 

Attendu qu’il résulte de l’analyse des dispositions susénoncées que les fonds provenant des souscriptions en numéraire faites en vue de l’augmentation du capital d’une société ne peuvent faire l’objet d’utilisation tant que l’augmentation du capital n’est pas réalisée et celle-ci n’est réputée réalisée qu’à la date de l’établissement de la déclaration notariée de souscription et de versement ;

 

Attendu, en l’espèce, que l’opération d’augmentation de capital social de la STCA demandée par l’assemblée générale extraordinaire n’avait pas abouti et qu’aucune déclaration de souscription et de versement n’avait été présentée à la COBACI comme le prescrivent les dispositions de l’article 616 précité avant que celle-ci ne procède au transfert des fonds découlant de ladite augmentation dans le compte courant de la STCA ; qu’il suit qu’en considérant « que la COBACI justifie l’utilisation des sommes versées au titre de la souscription par des instructions qu’elle aurait reçues des dirigeants au cours d’une assemblée générale ; que cette justification n’est pas fondée dans la mesure où la COBACI en sa qualité de professionnel de Banque ne s’est pas conformée aux dispositions des articles 615, 616 et 617 » pour rendre l’arrêt attaqué, la Cour d’appel d’Abidjan n’a en rien violé les dispositions des articles 615 et 616 précités ; que le moyen n’étant pas fondé, il échet de le rejeter ;

 

Attendu que la COBACI ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;

 

 

 

PAR CES MOTIFS

 

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Rejette le pourvoi formé par la COBACI ;

La condamne aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

Le Président

 

Le Greffier