ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Deuxième chambre
Audience publique du 23 mars 2017
Pourvoi : n°181/2014/PC du 24/10/2014
Affaire : Dame MANGADJI Rachidatou épouse BAKARY
(Conseils : SCPA ITCHOLA & AGBANRIN, Avocats à la Cour)
Contre
- ANGOUE Hassan
- TOMO Ernest
(Conseils : Cabinet NDIMINE & SANGALA, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 046/2017 du 23 mars 2017
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 23 mars 2017 où étaient présents :
Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE, Président
Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge
Djimasna N’DONINGAR, Juge, rapporteur
Diéhi Vincent KOUA Juge,
César Apollinaire ONDO MVE Juge,
et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier,
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 24 octobre 2014 sous le n°181/2014/PC et formé par la SCPA ITCHOLA & AGBANRIN, Avocats au Barreau du Gabon, cabinet sis à la rue Waterman, BP 8286, Libreville, agissant au nom et pour le compte de Madame MANGADJI Rachidatou épouse BAKARY, entrepreneure individuelle demeurant à Libreville, BP 12466, d’une part, et son époux, d’autre part, dans la cause qui les oppose à messieurs ANGOUE Hassan et TOMO Ernest, demeurant à Libreville, BP 6163, ayant pour conseil le cabinet NDIMINE & SANGALA, avocats au Barreau du Gabon, BP 14585 Libreville, en cassation de l’arrêt n°69/2013-2014, rendu le 25 février 2014 par la Cour d’appel Judiciaire de Libreville et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort :
En la forme :
Déclare l’appel des époux BAKARY MOUTIOU et RACHIDA recevable ;
Au fond :
Infirme l’ordonnance du 19 juillet 2013, en ce que le premier juge s’est déclaré incompétent ;
Statuant à nouveau :
Déboute les parties de leurs demandes ;
Condamne les époux BAKARY MOUTIOU et RACHIDA aux dépens » ;
Attendu que le requérant invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation, tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Djimasna N’DONINGAR, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que Dame MANGADJI Rachidatou et son époux BAKARY exploitaient un fonds de commerce dans un entrepôt sis au marché Mont Bouet, en vertu d’un bail non écrit conclu avec le sieur ANGOUE Hassan ; que le 01er février 2013, celui-ci leur faisait servir « un avis de préavis de libérer les lieux » dans un délai de soixante (60) jours, en raison de ce que l’immeuble a été vendu et que « depuis le 05 janvier 2013, le loyer n’a pas été payé » ; que par courrier en date du 04 février 2013, les locataires ont déclaré s’opposer à ce congé ; qu’en date du 06 mai 2013, les locaux furent scellés par le bailleur ; que le 24 mai, le bailleur, ayant obtenu sur requête une ordonnance gracieuse du Président du Tribunal de première instance de Libreville qui l’autorise à faire l’inventaire des marchandises scellées, en profitait pour procéder à leur enlèvement afin de libérer les lieux ; que saisi par les locataires d’une action en cessation de trouble de jouissance des locaux loués, le juge des référés du tribunal de première instance de Libreville, par ordonnance n°612/12-13 du 19 juillet 2013, se déclarait incompétent ; que la Cour d’appel judiciaire de Libreville, sur saisine des locataires, rendait le 25 février 2014 l’arrêt n°69/13-14 dont pourvoi ;
Sur le moyen unique, tiré de la violation de l’article 133 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, par application erronée, violé l’article 133 visé au moyen en ce que, pour refuser la réintégration des locataires, la Cour d’appel judiciaire de Libreville a estimé que « le seul fait de ne pas payer les loyers suffit pour les débouter » alors que, selon le moyen, la résiliation d’un bail commercial à durée indéterminée ainsi que l’expulsion du locataire ne peuvent intervenir qu’au travers des délais et procédures stricts prévus à cet effet par l’article susmentionné ;
Attendu en effet qu’en application de l’article 133 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, même en cas de non-paiement du loyer, la résiliation du bail commercial et l’expulsion corrélative du preneur ne peuvent être prononcées que suivant une procédure judiciaire ; qu’en l’espèce, il est établi qu’aucune juridiction n’a été saisie aux fins de résiliation du bail et d’expulsion du preneur ou de tout occupant de son chef ; que l’ordonnance gracieuse sur requête excipée par le bailleur n’a fait qu’ordonner l’ouverture de l’entrepôt afin de procéder à l’inventaire des effets s’y trouvant ; que, dès lors, en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article 133 susvisé et expose sa décision à la cassation ; qu’il échet d’évoquer ;
Sur l’évocation
Attendu que les époux BAKARY ont relevé appel de l’ordonnance n°612/12-13 du 19 juillet 2013 rendue par le juge des référés du Tribunal de première instance de Libreville dans l’affaire les opposant à monsieur ANGOUE Hassan dont le dispositif est ainsi conçu :
« Statuant par ordonnance contradictoire et en premier ressort ;
Tous droits et intérêts des parties préservées quant au fond ;
Mais dès à présent, vu l’urgence ;
- Déclinons notre compétence ;
- Laissons les dépens à la charge du couple BAKARY » ;
Qu’au soutien de leur appel, ils demandent à la Cour d’infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance querellée ; qu’ils exposent que, tirant motif de ce que l’immeuble abritant leur fonds de commerce avait été vendu, le bailleur ANGOUE Hassan leur notifiait un préavis de libérer les locaux dans un délai de soixante jours ; qu’ils s’opposent à ce congé et souhaitent qu’on leur fasse, à tout le moins, application des articles 123 et suivants de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général relativement au droit au renouvellement du bail et à l’indemnité d’éviction ; qu’en date du 07 mai, le bailleur fermait l’entrepôt, leur interdisant ainsi l’accès à leurs marchandises évaluées à des centaines de millions ; qu’ils estiment qu’un tel comportement est constitutif d’une voie de fait qu’il convient de faire cesser en ordonnant l’ouverture de l’entrepôt et la remise des clés ; qu’ils soutiennent que l’ordonnance sur requête obtenue par le bailleur a été rendue sans respecter le principe du contradictoire et qu’il y’a bien trouble à faire cesser ;
Attendu qu’en réplique, sieur ANGOUE Hassan allègue que l’entrepôt était la propriété de monsieur Ernest TOMO, son propre bailleur et que lui, n’a fait que sous-louer ; que le propriétaire a vendu son immeuble ; que depuis le 18 décembre 2012, les locataires ont failli à leur obligation de payement du loyer, ce qui a motivé la sommation de libérer les lieux ; que le non-paiement des loyers justifie la résiliation du contrat de bail ; qu’il conclut au rejet des prétentions des époux BAKARY ;
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux développés lors de l’examen du moyen de cassation, tirés de la méconnaissance de l’article 133 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, il y’a lieu d’infirmer l’ordonnance n°612/12-13 du 19 juillet 2013 rendue par le juge des référés du Tribunal de première instance de Libreville, et statuant à nouveau, d’ordonner la cessation du trouble sous astreinte ;
Attendu que le sieur ANGOUE HASSANE succombant, sera condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’Arrêt n°69/13-14 rendu le 25 février 2014 par la Cour d’appel Judiciaire de Libreville ;
Evoquant et statuant sur le fond :
Infirme l’ordonnance n°612/12-13 du 19 juillet 2013 rendue par le juge des référés du Tribunal de première instance de Libreville ;
Ordonne la cessation du trouble de jouissance des locaux loués, sous astreinte de 50.000 FCFA/jour de retard ;
Condamne Monsieur ANGOUE HASSAN aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier