ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Deuxième chambre

Audience publique du 08 décembre 2016

Pourvoi : n° 157/2013/PC du 20/12/2013

Affaire :   Groupe Ivoire Académie                                                                                                                            

               (Conseils : SCPA KAKOU et DOUMBIA, Avocats à la Cour)

 

     Contre

 

  • ESATIC (Ex-ISAPT)

 

  • Monsieur Konaté ADAMA

  (Conseils : SCPA NAMBEYA DOGBEMIN & Associés, Avocats à la Cour)

 

                  

Arrêt N° 175/2016 du 08 décembre 2016

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 08 décembre 2016 où étaient présents :

 

 

Messieurs    Abdoulaye Issoufi TOURE,                           Président

Namuano Francisco DIAS GOMES,                  Juge

Djimasna N’DONINGAR,                              Juge, Rapporteur

 

et Maître     Jean Bosco MONBLE,                                 Greffier,

 

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 20 décembre 2013 sous le n°157/2013/PC et formé par la société d’Avocats Kakou & Doumbia, Avocats à la Cour, demeurant à Abidjan, Cocody Saint Jean, 77, Boulevard de France, Villa n°13, 16 B.P. 153 Abidjan 16, agissant au nom et pour le compte du Groupe Ivoire Académie, SARL, dont le siège est à Abidjan Treichville, Boulevard de Marseille, Km4, 18 BP 2814 Abidjan 18, dans la cause qui l’oppose à l’Ecole Supérieure Africaine des Technologies de l’Information et de la Communication, dite ESATIC (Ex-ISAPT), sise à Abidjan, zone 3, Km4, Boulevard de Marseille, 18 BP 1501 Abidjan 18, d’une part, et d’autre part, à Monsieur Konaté ADAMA, Directeur Général de l’ESATIC, ayant élu domicile en l’Etude de leur conseil, la SCPA NAMBEYA DOGBEMIN & Associés, Avocats à la cour, sise à Abidjan-Cocody, Cité des Arts, 323 Logements, Immeuble D1, 1er étage, porte 6,en cassation de l’Arrêt n°511, rendu le 05 juillet 2013 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

 

En la forme :

Reçoit le Groupe Ivoire Académie en son appel relevé du jugement civil n°48 rendu le 21 janvier 2013 par le tribunal de Première Instance d’Abidjan-Plateau ;

 

Au fond :

L’y dit mal fondé et l’en déboute ;

Confirme le jugement entrepris par substitution de motifs ;

Condamne l’appelant aux dépens »

 

Attendu que le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation, tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur Djimasna N’DONINGAR, Juge ;

 

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que le Groupe Ivoire Académie occupait, en vertu d’un contrat de bail conclu avec la Société de Gestion du Patrimoine Immobilier de l’Etat (SOGEPIE), les locaux de l’ex-ISATP sis boulevard de Marseille à Abidjan ; que, par un Décret présidentiel en date du 18 janvier 2012, ces locaux sont affectés à l’Ecole Supérieure Africaine des Technologies de l’Information et de la Communication dite ESATIC, établissement public d’enseignement nouvellement créé ; qu’en date du 18 juin 2012, la SOGEPIE notifiait au locataire qu’il devait libérer les lieux au plus tard le 31 juillet 2012 ; que, nonobstant un exploit de contestation de cette rupture du bail et ne pouvant plus accéder aux locaux dès le 1er août 2012, le preneur a obtenu du juge des référés une décision ordonnant la cessation des troubles de jouissance ; que la Cour d’appel d’Abidjan confirmait cette ordonnance ; que le Tribunal de première instance d’Abidjan Plateau, sur saisine de l’ESATIC, rendait le jugement n°48 CIV3F ordonnant l’expulsion du locataire ; que, sur appel de celui-ci, la Cour d’appel d’Abidjan a rendu l’arrêt confirmatif n°511, en date du 05 juillet 2013  dont pourvoi ;

 

Attendu qu’en application des articles 29 et 30 du Règlement de procédure de la Cour de céans, le pourvoi a été signifié par courrier n°154/2014/G2 du        14 mars 2014 aux défendeurs, en leur domicile élu à la SCPA NAMBEYA-DOGBEMIN, sans réaction de leur part ; que le principe du contradictoire ayant été respecté, il convient de passer outre et d’examiner le pourvoi ;

 

 

Sur le premier moyen tiré de la violation de l’article 110 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général

 

Attendu que le Groupe Ivoire Académie reproche à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article visé au moyen, en ce qu’il a ordonné son expulsion des lieux loués, motif pris de ce que le Décret présidentiel est un acte administratif à caractère exorbitant qui doit s’appliquer immédiatement, alors, selon le moyen, qu’en application de l’article 110 susvisé, le contrat de bail devait se poursuivre avec l’ESATIC, en sa qualité de nouveau bailleur ;

 

Attendu en effet qu’aux termes de l’article 110 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, « le bail ne prend pas fin par la cessation des droits du bailleur sur les locaux donnés à bail. Dans ce cas, le nouveau bailleur est substitué de plein droit dans les obligations de l’ancien bailleur et doit poursuivre l’exécution du bail » ;

Attendu qu’en l’occurrence, le Décret n°2012-20 du 18 janvier, en affectant les locaux occupés par le Groupe Ivoire Académie à l’ESATIC, n’a eu pour effet que de retirer la gestion de cet immeuble à la SOGEPIE ; qu’en conséquence, le contrat de bail conclu par cette dernière subsiste et les obligations qui en découlent doivent être exécutées par l’ESATIC ; qu’en estimant que le Décret « s’impose à tous y compris au Groupe Ivoire Académie qui ne peut s’y opposer en invoquant quelque droit » pour fonder l’expulsion du locataire, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article 110 et fait encourir la cassation à sa décision ; qu’il échet de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer, sans qu’il soit nécessaire d’analyser le deuxième moyen ;

 

Sur l’évocation

 

Attendu que, par exploit en date du 28 février 2013, le Groupe Ivoire Académie relevait appel contre le jugement n°48/CIV3F rendu le 21 janvier 2013 par le tribunal de première Instance d’Abidjan Plateau dans l’affaire l’opposant à l’ESATIC et à monsieur Konaté ADAMA et dont le dispositif est ainsi conçu : « Statuant publiquement, par décision contradictoire, en matière civile et en premier ressort ;

 

Déclare l’Ecole Supérieure Africaine des Technologies de l’Information et de la Communication dite ESATIC recevable en son action ;

L’y dit bien fondée ;

Ordonne l’expulsion du Groupe Ivoire Académie dite GIA des locaux occupés tant de sa personne, de ses biens que de tous occupants de son chef ;

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision sur minute et avant enregistrement ;

Condamne le Groupe Ivoire Académie, défenderesse, aux dépens » ;

 

Qu’au soutien de son appel, il demande à la Cour d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; qu’il expose qu’il occupait les lieux dans le cadre d’un contrat de bail passé avec la Société de Gestion du Patrimoine Immobilier de l’Etat dite SOGEPIE ; que les deux parties ont décidé de faire courir le contrat de bail au moins jusqu’au 1er septembre 2017 afin d’apurer l’investissement par lui effectué ; que par courrier en date du 18 juin 2012, la SOGEPIE a unilatéralement mis fin au contrat en lui enjoignant d’avoir à libérer les lieux au plus tard le 31 juillet 2012 ; qu’il a contesté ; que c’est suite à cette contestation qu’il a été assigné en expulsion ; que l’échéance du contrat étant fixé au 31 août 2017, le bail s’impose au nouveau bailleur, en l’occurrence l’ESATIC ; qu’il sollicite l’infirmation du jugement querellé, rendu en violation de l’article 110 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général ;

 

Attendu que l’ESATIC, en réplique, soutient que le juge du fond, en vertu de son pouvoir souverain d’appréciation, a fixé la durée du bail ; que le preneur n’ayant point formulé de demande aux fins de renouvellement, c’est à bon droit que le juge a décidé qu’il en est déchu ; qu’elle conclut à la confirmation du jugement déféré ;

 

Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces versées au dossier de la procédure qu’aux termes de l’article 3 de l’avenant du 03 octobre 2011, le contrat de bail entre le Groupe Ivoire Académie et la SOGEPIE, qui expirait au 30 septembre 2012, est « renouvelable par tacite reconduction » ; que dans cette hypothèse où le contrat subsiste, il revient, en application de l’article 125 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, à la partie qui entend le résilier de donner congé au moins six mois à l’avance ; qu’en décidant que « le Groupe Ivoire Académie est déchu de son droit au renouvellement du bail pour ne l’avoir pas demandé dans le délai légal » et que « le contrat a pris fin le 30 septembre 2012 », le tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau a méconnu la loi ; qu’il echet d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement n°48 CIV3 F rendu le 21 janvier 2013 et, statuant à nouveau, de dire il n’y a pas lieu à l’expulsion du locataire ;

 

Attendu que l’ESATIC et Monsieur Konaté ADAMA ayant succombé, seront condamnés aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

 

 

Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;

Casse l’Arrêt n°511, rendu le 05 juillet 2013 par la Cour d’appel d’Abidjan ;

Evoquant et statuant sur le fond :

Infirme, en toutes ses dispositions, le jugement n°48/CIV3F rendu le 21 janvier 2013 par le Tribunal de première instance d’Abidjan Plateau ;

Dit n’y avoir lieu à expulsion du Groupe Ivoire Académie des locaux loués ;

Condamne l’ESATIC et Monsieur Konaté ADAMA aux dépens ;

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

 Le Président

 

Le Greffier