ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Première chambre

Audience publique du 29 mars 2007                        

Pourvoi : n°107/2004/PC du 27/09/2004

Affaire :   Monsieur EL AB RAFIC

                  (Conseil : Maître BETEL NINGANADJI  Marcel, Avocat à la Cour)

                         contre

                  EDGO TRADING TCHAD S.A.R.L  

                  (Conseil : Maître Mahamat Hassan ABAKAR, Avocat à la Cour)

ARRET N°012/2007 du 29 mars 2007

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 29 mars 2007 où étaient présents :

 

Messieurs Jacques M’BOSSO,                       Président

Maïnassara MAIDAGI,                 Juge

Biquezil NAMBAK,                     Juge, rapporteur

 

et Maître ASSIEHUE Acka,        Greffier ;

 

 Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire EL AB RAFIC contre la société EDGO TRADING TCHAD, par Arrêt n°024/CS/CJ/SC/04 du 08 juillet 2004 de la Cour Suprême du TCHAD, Chambre Judiciaire, Section civile, coutumière et commerciale, saisie d’un pourvoi initié le 11 mars 2003 par Maître BETEL NINGANADJI Marcel, Avocat à la Cour, demeurant BP 589 N’Djamena (TCHAD), agissant au nom et pour le compte de Monsieur EL AB RAFIC, contre l’Arrêt n° 061/03 rendu le 07 mars 2003 par la Cour d’appel de N’Djamena et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort ;

 

En la forme : Déclare recevables les appels principal de EDGO et incident de EL AB RAFIC ;

 

Au fond : Infirme le jugement n°506/02 du 09/10/02 en toutes ses dispositions ;

 

Condamne EL AB RAFIC aux dépens » ;

 

Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur le Juge Biquezil NAMBAK ;

 

Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que pour la prospection du marché tchadien en vue de l’installation de la société Edgo Trading Tchad, des ingénieurs de Edgo Management Group, en abrégé E.M.G, venus de la Jordanie avaient été guidés dans leurs différentes démarches par un ressortissant libanais, Monsieur EL AB RAFIC, qui vit au Tchad depuis longtemps et qui y dirige une société d’import-export dite COGIMO ; que deux années plus tard, la société Edgo s’étant installée, Monsieur EL AB RAFIC réclamait à celle-ci le paiement de 20% du montant des marchés qu’elle obtenait ; que les dirigeants de ladite société ayant opposé un refus catégorique, Monsieur EL AB RAFIC avait assigné celle-ci devant le Tribunal de première instance de N’Djamena qui l’avait condamnée, par Jugement n°506 /02 du 09 octobre 2002, à payer à Monsieur EL AB RAFIC la somme de 1.455.000 dollars américains avec une exécution provisoire à hauteur de 455 000 dollars américains ; que sur appel de la société Edgo, la Cour d’Appel de N’Djaména, par Arrêt n°061/03 du 07 mars 2003, infirmait le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; que sur pourvoi formé le 14 mars 2003 par Monsieur EL AB RAFIC contre l’arrêt précité, la Cour Suprême du Tchad, après avoir relevé que l’affaire soulève des questions relatives à l’application de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général, s’est dessaisie par Arrêt n°024/CS/CJ/04 du 08 juillet 2004 du dossier au profit de la Cour de céans ;

 

      Sur le premier moyen

 

Vu l’article 176 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général ;

 

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation de l’article 176 de l’Acte uniforme susvisé en ce que, pour infirmer le jugement querellé, la Cour d’appel a dénié la qualité de courtier au requérant alors que, selon le moyen, il est constant que les différents responsables et autres émissaires de Edgo Management Group ont reconnu dans leurs différents rapports de mission « les bons rapports et les bons contacts de EL AB RAFIC qui leur a utilement servi dans la création de leur société » ; que « le fait pour EL AB RAFIC d’accompagner les représentants de E.M.G. dans leurs démarches en vue de la création de Edgo constitue bien une opération de courtage, puisqu’elle consiste à rapprocher les représentants de leurs futurs contractants ; que la Cour, qui n’a jamais connu EL AB RAFIC ni d’Adam, ni d’Eve, est mal placée pour affirmer péremptoirement que  EL AB RAFIC n’a pas pour profession de mettre en rapport des personnes en vue de contracter, alors qu’il ne faisait que cela depuis des années » ;

 

Attendu qu’aux termes de l’article 176 de l’Acte uniforme susvisé, « le courtier est celui qui fait habituellement profession de mettre en rapport des personnes en vue de faciliter ou de faire aboutir, la conclusion de conventions, opérations ou transactions entre ces personnes » ;

 

Attendu qu’il résulte de l’analyse des dispositions susénoncées qu’une opération ponctuelle d’entremetteur ne suffit pas à conférer la qualité de courtier à la personne qui en est l’auteur ; qu’il faut qu’il s’agisse d’une personne dont la profession habituelle est de servir d’intermédiaire ; qu’en l’espèce, en  considérant qu’ « EL AB RAFIC n’a pas pour profession de mettre en rapport des personnes en vue de contracter ; que le fait pour EL AB RAFIC d’accompagner les représentants de EMG dans leurs démarches en vue de la création de Edgo ne saurait être considéré comme un courtage tel que défini par l’article 176 de l’Acte précité ; qu’en effet, le courtier au sens de cet article est celui qui fait habituellement profession de mettre en rapport des personnes en vue de faciliter ou faire aboutir la conclusion de conventions, opérations ou transactions entre ces personnes », la Cour d’appel a sainement apprécié les différents documents produits par EL AB RAFIC en appui de ses prétentions ; que ce faisant, elle n’a en rien violé les dispositions de l’article 176 de l’Acte uniforme précité ; qu’il suit que le premier moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;

 

          Sur le second moyen

 

Attendu qu’il est également reproché à l’arrêt attaqué un manque de base légale résultant de l’absence, de l’insuffisance, de l’obscurité, ou de la contrariété des motifs « en ce que la Cour a retenu l’argumentation erronée de la société EDGO tendant à dire que EL AB RAFIC n’a pas joué le rôle de courtier et qu’il avait simplement accompagné les représentants de Edgo Management Group (EMG) dans leurs diverses courses en vue de créer la société EDGO Trading Tchad Sarl ; qu’ainsi, oubliant de motiver sa décision la Cour s’est contredite lamentablement sur plusieurs points de sa motivation ; … que la Cour a fait une confusion regrettable entre « les demandes des parties » et « la qualification des faits » ; (…) que la contrariété de motifs équivaut à l’absence de motifs ; qu’il échet en conséquence de casser et d’annuler l’arrêt attaqué » ;

 

Attendu que contrairement aux arguments du demandeur au pourvoi, en retenant qu’« il ne ressort nulle part que EL AB RAFIC a mis en contact Edgo et une autre entreprise en vue de la conclusion d’un marché sur lequel il doit prélever une commission de 20% ; qu’or EL AB RAFIC n’a pas pour profession de mettre en rapport des personnes en vue de contracter ; que s’il n’est pas contesté que EL AB RAFIC a accompagné les représentants de EMG dans leurs prospection, il ne peut être rapporté la preuve que l’intimé a joué le rôle d’intermédiaire entre EDGO TCHAD (qui n’était pas encore créée) et une autre personne pour conclure telle convention », la Cour d’appel de N’Djaména a suffisamment motivé sa décision ; qu’il s’ensuit que le second moyen n’est pas davantage fondé et doit être rejeté ;

 

Attendu que Monsieur EL AB RAFIC ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

 

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Rejette le pourvoi formé par Monsieur EL AB RAFIC ;

Le condamne aux dépens.

Ainsi fait jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

                                     

 Le Président

Le Greffier