ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Audience Publique du 29 avril 2004
Pourvoi n° 053/2002/ PC du 18 octobre 2002.
Affaire : SOCIETE ENERGIE DU MALI dite EDM-SA
(Conseils : SCPA JURIFIS CONSULT, Cabinet d’Avocats)
contre
JEAN IDRISS KOITA
(Conseil : Maître Louis Auguste TRAORE, Avocat à la Cour)
ARRET N°015/2004 du 29 avril 2004
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires ( O.H.A.D.A ) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 29 avril 2004 où étaient présents :
Messieurs Seydou BA, Président
Jacques M’BOSSO, Premier Vice-président
Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-président, rapporteur
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Boubacar DICKO, Juge
Biquezil NAMBAK, Juge
et Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef ;
Sur le pourvoi enregistré le 18 octobre 2002 au greffe de la Cour de céans sous le numéro 053/2002/PC et formé par la SCPA JURIFIS CONSULT, Cabinet d’Avocats, 152, Rue 544 à Bamako (République du MALI) agissant au nom et pour le compte de la Société ENERGIE DU MALI dite EDM-SA ayant son siège dans la même ville, dans une cause l’opposant à Jean Idriss KOITA demeurant à Bamako et ayant pour conseil Maître Louis Auguste TRAORE, Avocat à la Cour, B.P. 1573 Bamako, en cassation de l’Arrêt n° 170 rendu le 19 juillet 2002 par la Cour d’appel de Bamako et dont le dispositif est le suivant :
« EN LA FORME : Reçoit l’appel interjeté ;
Constate la non comparution de la BDM-SA BHM-SA, BNDA et BICIM ;
AU FOND : Infirme l’ordonnance entreprise ;
Statuant à nouveau ;
Ordonne aux banques tierces saisies de vider leur main entre celles des créanciers saisissants jusqu’à concurrence du montant au principal de la condamnation soit la somme de 169.257.842 F CFA sous astreinte de 100.000 F CFA par jour de retard ;
Met les dépens à la charge des intimées ;… »
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-Président,
Vu les dispositions des article 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu, selon les pièces de la procédure, que Jean Idriss KOITA et autres, créanciers de la Société ENERGIE DU MALI (EDM-SA) et de la CNAR-SA en vertu du Jugement n° 43 du 24 février 2000 du Tribunal civil de la Commune III du District de Bamako et de l’Arrêt 169 du 07 mars 2001 de la Cour d’appel de Bamako, ont fait pratiquer des saisies attributions sur les comptes ouverts aux noms des débitrices sus-dénommées dans les livres des banques BNM-SA, BHM-SA et BICIM ;
Qu’à la suite du refus des banques, tiers saisis, de leur payer les sommes saisies au motif qu’elles avaient reçu notification d’une contestation de créance soulevée par EDM-SA auprès du juge des référés du Tribunal de première instance de la Commune III du District de Bamako, par requête en date du 24 décembre 2001, les créanciers saisissants ont déposé « une requête aux fins d’ordonner main-vidange » contre les banques, tiers saisis, devant le même juge qui n’y a pas fait droit par Ordonnance n° 27/PTB du 06 février 2002 au motif que la contestation élevée par EDM-SA était pendante devant le juge du fond devant lequel il l’avait renvoyée par son Ordonnance n° 740 en date du 26 décembre 2001 ;
Que par Arrêt n° 170 du 19 juillet 2002 dont pourvoi, statuant sur appel de l’Ordonnance de référé n° 27/PTB du 06 février 2002, la Cour d’appel de Bamako a ordonné aux banques, tiers saisis, de vider leur main entre celles des créanciers sociaux jusqu’à concurrence du principal de la condamnation, soit la somme de 169.257.842 francs, sous astreinte de 100.000 francs CFA par jour de retard ;
Sur le moyen unique
Vu l’article 164, alinéa 1, de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu que la Société ENERGIE DU MALI dite EDM-SA reproche à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 164, alinéa 1, de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en ce qu’il a ordonné la « main-vidange » contre les banques, tiers saisis, alors que Jean Idriss KOITA et autres n’avaient pas versé au dossier de la procédure les pièces prescrites par cet article que les créanciers saisissants avaient l’obligation de présenter en vue du paiement ;
Attendu qu’aux termes de l’article 164, alinéa 1, susvisé « le tiers saisi procède au paiement sur présentation d’un certificat du greffe attestant qu’aucune contestation n’a été formée dans le mois suivant la dénonciation de la saisie ou sur présentation de la décision exécutoire de la juridiction rejetant la contestation. » ;
Attendu qu’en ordonnant aux banques, tiers saisis, de payer les sommes qu’elles ont reconnu devoir, alors que les parties saisissantes n’avaient présenté ni un certificat du greffe attestant qu’aucune contestation n’avait été formée dans le délai d’un mois, ni une décision exécutoire de la juridiction rejetant la contestation, exigés par l’article 164 précité fixant les conditions de paiement au saisissant par le tiers saisi, la Cour d’appel de Bamako a violé, par refus d’application, ledit article ; qu’il s’ensuit que le moyen étant fondé, il y a lieu de casser l’arrêt attaqué, d’évoquer et de statuer sur le fond ;
Sur l’évocation
Attendu que Jean Idriss KOITA et autres ont, par acte en date du 06 février 2002, interjeté appel de l’Ordonnance de référé n° 27/PTB rendue le même jour par le Président du Tribunal de première instance de la Commune III du District de Bamako et dont le dispositif est ainsi conçu :
« En la forme, recevons la requête de Jean Idriss KOITA et autres ;
Au fond, constatons qu’il y a contestation (cf requête de l’EDM-SA datée du 24 décembre 2001 et notre Ordonnance n° 740 du 26 décembre 2001) portée et pendante devant le juge de fond ; qu’il n’y a pas lieu en conséquence d’ordonner la main-vidange sollicitée. Disons exécutoire sur minute la présente ordonnance. Mettons les dépens à la charge des requérants. » ;
Attendu que les appelants sollicitent l’infirmation de l’ordonnance entreprise et la condamnation des banques, tiers saisis, à vider leur main sous astreinte de 5.000.000 de francs par jour de retard ; qu’au soutien de leur demande, ils prétendent que la contestation de créance, formée par EDM-SA le 24 décembre 2001 et sur laquelle s’appuie le sursis des banques, tiers saisis, à payer les sommes saisies, n’en est pas une au sens de l’article 169 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu que, concluant à la confirmation de la même ordonnance, EDM-SA soutient, d’une part, que ladite décision est conforme aux articles 164 et 169 de l’Acte uniforme précité et d’autre part, que la contestation formée était toujours pendante devant la juridiction compétente et que c’est à bon droit que celle-ci a rejeté la demande en « main-vidange » introduite par les appelants à la suite du refus des banques, tiers saisis, de leur payer les sommes saisies ;
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux ayant conduit la Cour de céans à considérer comme fondé le moyen unique de cassation, est justifié le refus des banques, tiers saisis, de procéder au paiement des créanciers saisissants ; que par suite, il y a lieu de débouter ces derniers de leurs demandes et de confirmer l’ordonnance entreprise ;
Attendu que les appelants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’Arrêt n° 170 rendu le 19 juillet 2002 par la Cour d’appel de Bamako ;
Evoquant et statuant au fond,
Déboute Jean Idriss KOITA et autres de leurs demandes ;
Confirme en conséquence l’Ordonnance des référés n° 27 PTB rendue le 06 février 2002 par le Président du Tribunal de première instance de la commune III du District de Bamako ;
Condamne Jean Idriss KOITA et autres aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :