ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Première Chambre

 Audience Publique du 29 novembre 2012

Pourvoi : n° 038/2008/PC du 16 mai 2008

Affaire : ATTIE FADEL

               (Conseil : Laurent GUEDE LOGBO, Avocat à la Cour)

Contre

Ayants-droit de YAO KOUAME Léon, représentés par

  1. KONAN Michel

                (Conseils : SCPA ALPHA 2000, Avocats à la Cour) 

ARRET N°075/2012 du 29 novembre 2012

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Première Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 29 novembre 2012 où étaient présents :

 

Messieurs  Antoine Joachim OLIVEIRA,  Président

Doumssinrinmbaye BAHDJE Juge, rapporteur

Marcel SEREKOÏSSE SAMBA, Juge

 et   Maître MONBLE Jean Bosco,  Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour  sous le n°038/2008/PC du 16 mai 2008 et formé par  Maître Laurent GUEDE  LOGBO, Avocat à la Cour, demeurant à Abidjan-Plateau, 16 Avenue Daudet Immeuble Daudet, 5è étage 01 B.P. 3469 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de Monsieur ATTIE Fadèl, commerçant, domicilié à Abidjan-Adjamé, 01 BP 1141 Abidjan 01, dans la cause l’opposant aux ayants-droit de feu YAO KOUAME Léon, représentés par Monsieur KONAN Michel ayant pour conseils la SCPA ALPHA 2000, Avocats à la Cour, y demeurant Abidjan-Plateau, Avenue Chardy, immeuble ALPHA 2000,

 

En cassation de l’Arrêt n°627/CIV 5/B rendu le 20 novembre 2007 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

 

Statuant publiquement contradictoirement, en matière civile et commerciale, en référé et en dernier ressort ;

Reçoit les ayants-droit de feu YAO KOUAME Léon en leur appel relevé de l’Ordonnance n°885 rendu le 22 juin 2007 par la juridiction des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan ;

 

Les y dit bien fondés ;

Infirme l’ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau ;

Déboute Monsieur ATTIE Fadèl de sa demande de mainlevée de la saisie litigieuse ;

Condamne Monsieur ATTIE Fadèl aux dépens » ;

Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE ;

Vu les dispositions des articles 13 et  14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que pour les besoins de son commerce, Monsieur ATTIE Fadèl a conclu le 28 novembre 1999 avec Monsieur Moustapha Haida, un contrat de bail portant sur un local à usage commercial sis à Adjamé, boulevard Nangui Abrogoua, lot n°11 ; que depuis lors, l’intéressé exerce ses activités dans ledit local qu’il approvisionne régulièrement en marchandises destinées à la vente ; que cependant le 03 août 2001, à sa grande surprise, s’est présenté à lui un huissier de justice se prévalant de plusieurs décisions judiciaires, et  entreprit de saisir les marchandises dans la boutique sous prétexte que ces marchandises appartiennent à Madame ROLA SAKSOUK épouse de NADJIB qui est redevable envers les ayants-droit de feu YAO KOUAME d’une forte somme d’argent et au nom de qui il opère la saisie ; que malgré les véhémentes protestations de Monsieur ATTIE Fadèl pour prouver que les biens saisis sont sa propriété, l’huissier a fini son travail ; que les jours suivants le juge des référés au Tribunal de première instance d’Abidjan saisi, a, par ordonnance du 31 août 2001, ordonné la mainlevée de cette saisie ; que ladite ordonnance a été rendue définitive par le non enrôlement de l’appel des ayants-droit de feu YAO KOUAME Léon ; que malgré cela, ces ayants-droit ont de nouveau, par exploit d’huissier du 30 mai 2007, saisi les mêmes biens de Monsieur ATTIE Fadèl ; que pour la seconde fois, celui-ci a obtenu la mainlevée de la seconde saisie par Ordonnance de référé n°885 du 22 juin 2007 ; que ne s’avouant pas vaincus, les adversaires de Monsieur ATTIE Fadèl ont, ce même jour, relevé appel contre l’ordonnance susmentionnée ; que la Cour d’appel d’Abidjan, par Arrêt n°627/CIV5/B du 20 novembre 2007 dont pourvoi, a infirmé l’ordonnance entreprise et débouté Monsieur ATTIE Fadèl de sa demande de mainlevée ; que ce dernier a formé un recours contre l’arrêt susmentionnée de la Cour d’appel d’Abidjan ;

 

Sur le troisième moyen

Attendu que le requérant invoque à l’appui de son recours la violation par l’arrêt attaqué des articles 91 alinéa 1er et 95 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

 

Attendu qu’aux termes de l’article 91 alinéa 1er de l’Acte uniforme susvisé, « tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut après signification d’un commandement faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu’ils soient ou non détenus par ce dernier afin de se payer sur le prix » ; que l’article 95 dispose : « tous les biens mobiliers corporels saisissables appartenant au débiteur peuvent faire l’objet d’une saisie-vente, y compris ceux qui ont été antérieurement saisis à titre conservatoire… » ; que lesdits textes précisent bien qu’un créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire pratiquer une saisie-vente sur les biens meubles corporels de son débiteur en quelques mains où ils se trouvent, et rien que les biens  meubles appartenant à son débiteur ; que dans le cas d’espèce, il ressort des productions, notamment des différentes décisions en vertu desquelles la saisie-vente du 31 mai 2007 a été pratiquée, que la personne débitrice des ayants-droit de feu YAO KOUAME Léon est bien la dame ROLA SAKSOU et non Monsieur ATTIE Fadèl ; que les biens mobiliers corporels qui ont fait l’objet de la saisie-vente, comme l’attestent les différents documents produits par ce dernier, sont bel et bien sa propriété et ne peuvent donc pas faire l’objet d’une saisie pour le paiement de la dette d’une autre personne ; que par conséquent, en motivant que le simple fait de trouver sur les lieux de la saisie-vente les enfants de dame ROLA SAKSOU prouve que les biens saisis appartiennent à cette dernière, la Cour d’appel n’a pas fait la preuve de son affirmation et en entrant en condamnation du requérant, elle  a violé les dispositions pertinentes des articles 91 alinéa 1er et 95 de l’Acte uniforme susvisé ; qu’il convient donc de casser l’Arrêt n°627/CIV5/B du 20 novembre 2007 attaqué, d’évoquer et de statuer, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les deux premiers moyens ;

 

Sur l’évocation

Attendu que par exploit en date du 06 juillet comportant ajournement au 17 juillet 2007, les ayants-droit de feu YAO KOUAME Léon ont relevé appel de l’Ordonnance de référé n°885 rendue le 22 juin 2007 par le juge des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan qui a ordonné la mainlevée de la saisie-vente pratiquée le 30 mai 2007 sous astreinte comminatoire de 100.000 francs CFA par jour de retard à compter de la signification de la décision ; qu’il ressort des pièces du dossier que Monsieur ATTIE Fadèl qui a pris en location un local à usage commercial à Adjamé a reçu un huissier de justice qui, sur requête des ayants-droit de feu YAO KOUAME Léon, a pratiqué une saisie-vente sur les biens se trouvant dans son magasin ; qu’estimant que cette saisie est irrégulière, Monsieur ATTIE Fadèl a saisi le juge des référés au Tribunal de première instance d’Abidjan aux fins d’ordonner la mainlevée de la saisie-vente querellée sous astreinte de 100.000 francs CFA par jour de retard à compter du prononcé de la décision ; que la juridiction des référés a fait droit à sa demande aux motifs que les objets saisis appartiennent bien à Monsieur ATTIE Fadèl qui est étranger au litige opposant les ayants-droit de feu YAO KOUAME Léon à Madame ROLA SAKSOUK ; qu’en cause d’appel, les ayants-droit de feu YAO KOUAME Léon exposant qu’en exécution d’un arrêt rendu par la chambre judiciaire de la Cour suprême de COTE D’IVOIRE, Madame ROLA SAKSOUK a été condamnée à leur payer la somme de 6.830.000 francs CFA qui a occasionné des intérêts et des dépens se chiffrant à 12.274.918 francs auxquels s’ajoutent les frais d’huissier qui sont de 935.000 francs CFA ; qu’ils soutiennent que cette Dame leur doit au total 13.209.918 francs CFA et pour le recouvrement, ils ont fait pratiqué une saisie dans le magasin qui est le sien de notoriété publique ; qu’ils précisent que  Monsieur ATTIE Fadèl qui réclame la propriété des biens saisis ne justifie d’aucun titre de propriété sur lesdits biens ; que le jour de la saisie, il a été trouvé sur le lieu le fils de Madame ROLA SAKSOUK à qui le double de la copie de l’acte de saisie a été remis, en présence de Monsieur ATTIE  Fadèl, lequel n’a nullement signifié à l’huissier instrumentaire qu’il est propriétaire des biens saisis dont il a été constitué gardien ; qu’ils concluent que Monsieur ATTIE Fadèl, de connivence avec la dame ROLA SAKSOUK, use de subterfuges pour empêcher cette dernière de les désintéresser ; qu’ils sollicitent dès lors l’infirmation de la décision attaquée et la continuation des poursuites ; qu’en réplique, Monsieur ATTIE Fadèl, par le canal de son conseil, affirme que les ayants-droit de feu YAO KOUAME Léon ont, dès la signification de la décision entreprise, donné mainlevée de la saisie alors qu’ils avaient la possibilité, s’ils la contestent, de solliciter les défenses à exécution ; qu’il ont ainsi acquiescé à la décision, de sorte que leur appel est irrecevable ; qu’il soutient par ailleurs que le magasin litigieux lui a été donné en location depuis 1999 par Monsieur Moustapha Haidar et qu’il y tient des produits destinés à la vente ; qu’il précise qu’il est inscrit au registre de commerce sous le n°14789/99 et paie régulièrement ses loyers et ses taxes ainsi que le prouvent les factures qu’il verse au dossier ; qu’il précise qu’il ne peut être concerné par le litige opposant les ayants-droit de feu YAO KOUAME Léon à Madame ROLA ; qu’il sollicite dès lors la confirmation de la décision entreprise ;

 

Sur la demande de confirmation de l’ordonnance entreprise

Attendu que pour les mêmes motifs que ceux sur les fondements desquels l’arrêt attaqué a été cassé, il y a lieu de confirmer l’Ordonnance n°885 rendue le 22 juin 2007 par le juge des référés au Tribunal de première instance d’Abidjan ;

 

Attendu que les ayants-droit de feu YAO KOUAME Léon ayant succombé, doivent être condamnés aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement après en avoir délibéré ;

Casse l’Arrêt n°627/CIV 5/B rendu le 20 novembre 2007 par la Cour d’appel d’Abidjan ;

Evoquant et statuant sur le fond,

Confirme l’Ordonnance n°885, rendue le 22 juin 2007 par la juridiction des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan ;

Condamne les défendeurs aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et  an  que dessus et ont signé :

 

 

Le Président

Le Greffier