ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Première chambre

Audience publique du 12 novembre 2009

Pourvoi : n°030/2006/PC du 03 mai 2006

Affaire : Monsieur DIPLO DJOMAND Ignace

                    (Conseil : Maître Francis Kouamé KOFFI, Avocat à la Cour)

                             contre

       LABOREX-COTE D’IVOIRE S.A

         ( Conseil : Maître Le Prince D. BLESSY, Avocat à la Cour)

ARRET N°045/2009 du 12 novembre 2009 

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 12 novembre 2009 où étaient présents :

 

Messieurs Jacques M’BOSSO,                Président

Maïnassara MAIDAGI,       Juge, rapporteur

Biquezil NAMBAK,               Juge

 

et Maître ASSIEHUE Acka,   Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 03 mai 2006 sous le n°030/2006/PC et formé par Maître Francis Kouamé KOFFI, Avocat à la Cour, demeurant à Abidjan-Plateau, 20-22, Boulevard Clozel, Résidence les ACACIAS, 9ème étage, porte 903, 04 BP 2390 Abidjan 04, agissant au nom et pour le compte de Monsieur DIPLO DJOMAND Ignace,  domicilié à Abidjan-Cocody-Les II Plateaux, 17 BP 79 Abidjan 17, dans une cause l’opposant à LABOREX-COTE D’IVOIRE, société anonyme, dont le siège social est situé en zone industrielle de Yopougon, 01 BP 1305 Abidjan 01, prise en la personne de son Directeur général Monsieur Guillaume KOKORA, demeurant à Abidjan-Riviera Palmeraie-Rosiers I, Villa n°47, 01 BP 1305 Abidjan 01, ayant pour conseil Maître Le Prince D. BLESSY, Avocat à la Cour, demeurant Avenue Jean-Paul II, immeuble CCIA, 9ème étage, 01 BP 5659 Abidjan 01,

 

en cassation de l’Arrêt n°580 rendu le 10 juin 2005 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;

EN LA FORME

Reçoit la Société LABOREX et Monsieur DIPLO DJOMAND IGNACE en leurs appels respectifs ;

AU FOND

Les y dit mal fondés ;

– les en déboute ;

– Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

– Fait masse des dépens ;

– Dit qu’ils seront supportés pour moitié par chacune des parties » ;

 

Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les deux de moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAÏDAGI ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que le 16 août 2000, la société LABOREX-COTE D’IVOIRE et Monsieur DIPLO DJOMAND Ignace signèrent un protocole d’accord en vertu duquel celle-là s’engageait à gérer l’officine de pharmacie « les studios » en vue d’assainir ses finances ; que lors de la signature dudit protocole, la pharmacie « les studios » devait 14.455.909 F CFA à LABOREX-COTE D’IVOIRE ; que dix-huit mois plus tard, estimant que la créance était passée  à 51.765.415 F CFA, LABOREX-COTE D’IVOIRE sollicitait et obtenait du Président du Tribunal de première instance d’Abidjan l’Ordonnance d’injonction de payer n°7769/02 du 18 décembre 2002 condamnant DIPLO DJOMAND Ignace à lui payer la somme dont s’agit ; que sur opposition du condamné, le Tribunal de première instance d’Abidjan, par Jugement n°655/CIV.3 du 18 juin 2003, déclarait l’opposition partiellement fondée et condamnait DIPLO DJOMAND Ignace à payer à LABOREX-COTE D’IVOIRE la somme principale de 18.897.502 F CFA ; que sur appels interjetés aussi bien par LABOREX-COTE D’IVOIRE que par Monsieur DIPLO DJOMAND Ignace, la Cour d’appel d’Abidjan rendait l’Arrêt n°580 en date du 10 juin 2005 dont pourvoi ;

 

Sur l’irrecevabilité du recours alléguée par la défenderesse

Attendu que la société LABOREX-COTE D’IVOIRE, défenderesse au pourvoi, soulève in limine litis l’irrecevabilité du recours au motif qu’à l’examen dudit recours, l’on ne relève aucun texte du Traité OHADA qui aurait été violé par la Cour d’appel, le demandeur au pourvoi prétendant plutôt que l’arrêt a violé les articles 1991 et 1992 du code civil ; qu’il résulte donc de l’article 14 du Traité OHADA que le présent recours doit être déclaré irrecevable ;

Mais attendu, en l’espèce, que l’affaire soumise à l’examen de la Cour de céans est relative à une procédure d’injonction de payer initiée par LABOREX-COTE D’IVOIRE contre Monsieur DIPLO DJOMAND Ignace et qui a abouti à l’arrêt attaqué devant la Cour de céans ; que ladite procédure d’injonction de payer qui a donné lieu à l’arrêt attaqué est régie en COTE D’IVOIRE, depuis le 10 juillet 1998, par l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; que dès lors, la Cour de céans est compétente pour connaître du présent recours ;

Sur les deux moyens réunis

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué aussi bien un manque de base légale résultant de l’absence et de l’insuffisance des motifs qu’une violation des articles 1991 et 1992 du code civil en ce que, respectivement, d’une part, en condamnant le requérant, le juge d’appel n’a pas tenu compte du fait que le mandat de gestion confié à LABOREX visait à obtenir non seulement le remboursement de la somme de 18.897.502 F CFA, mais aussi à permettre à la pharmacie d’atteindre un équilibre financier ; que par suite d’une « mauvaise politique de réapprovisionnement » par LABOREX, la pharmacie a subi, en 09 mois, une perte de 27.211.225 F CFA ; que LABOREX l’a elle-même affirmé dans un courrier adressé au gérant qu’elle avait placé dans la pharmacie ;  qu’il est évident que si le gérant de LABOREX n’avait pas occasionné cette perte de 27.211.255 F CFA, la somme de 18.897.502 F CFA aurait été réglée par l’activité de la pharmacie ; que par conséquent, si la somme n’a pas été réglée, c’est par la faute de LABOREX qui, en vertu de la règle « nemo auditour… » ne peut plus demander au requérant de lui rembourser cette somme ; que pour n’avoir pas vu cet aspect du dossier et pour s’être basée uniquement sur la reconnaissance de dette pour condamner le requérant, la Cour d’appel n’a pas suffisamment motivé sa décision qui manque ainsi de base légale ; que, d’autre part, il résulte de ces textes législatifs que le passif constaté dans la gestion de la pharmacie pendant la période de gestion de LABOREX est imputable à celle-ci ; qu’en effet, la mauvaise politique d’approvisionnement que LABOREX reconnait elle-même, dans sa lettre en date du 05 novembre 2001 adressée au gérant, est une faute au sens des articles 1991 et 1992 du code civil ; que LABOREX doit donc répondre des dommages qu’elle a causés au requérant en supportant seule le passif créé, soit la somme de 51.765.415 F CFA, objet de l’ordonnance d’injonction de payer ; que la Cour d’appel ne devait en aucun cas, en vertu des dispositions du code civil, extraire 18.897.502 F CFA du montant total réclamé par LABOREX et faire partiellement droit à la demande de celle-ci ; que pour l’avoir fait, la Cour d’appel a violé les dispositions des articles 1991 et 1992 du code civil et exposé sa décision à la cassation de ce chef ;

Mais attendu, en l’espèce, que la Cour d’appel d’Abidjan est saisie, en appel, d’une procédure d’injonction de payer initiée par LABOREX-COTE D’IVOIRE contre Monsieur DIPLO DJOMAND Ignace ; qu’à ce titre, la Cour n’avait qu’à  s’assurer  pour entrer en voie de condamnation de Monsieur DIPLO DJOMAND Ignace, d’une part, que la créance remplit les conditions de certitude, de liquidité et d’exigibilité prévues à l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et, d’autre part, que la créance a une cause contractuelle ou si l’engagement résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce, ou d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante ; que contrairement à ce que soutient DIPLO DJOMAND Ignace, la Cour d’appel n’avait à se prononcer ni sur le mandat de gestion confié à LABOREX, ni sur les conséquences dommageables résultant d’une « mauvaise politique de réapprovisionnement » par LABOREX, lesquels relèvent de la compétence du juge du fond et non de celle du juge de la procédure d’injonction de payer  ; qu’en retenant qu’ « il résulte des pièces du dossier que la somme de 18.897.502 F CFA au paiement de laquelle Monsieur DIPLO DJOMAND Ignace a été condamné, a été reconnue par lui dans le document libellé « reconnaissance de dette et plan de remboursement » daté du 11 janvier 2001 et signé par lui,  il est mal venu alors à se prévaloir d’une mauvaise exécution du [mandat] reçu par LABOREX pour remettre en cause cet engagement ; c’est donc à bon droit que le premier juge l’a condamné au paiement de cette somme au profit de la société LABOREX », la Cour d’appel d’Abidjan a suffisamment motivé sa décision et n’a en rien violé les textes visés aux moyens, lesquels doivent être rejetés comme non fondés ;

Attendu que Monsieur DIPLO DJOMAND Ignace ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Se déclare compétente ;

Rejette le pourvoi formé par Monsieur DIPLO DJOMAND Ignace ;

Le condamne aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

Le Président

Le Greffier