ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Première chambre

Audience publique du 30 juin 2009

Pourvoi : n° 096/2006/PC du 05 décembre 2006          

Affaire : HANNA INVESTMENT & CO SA

                       (Conseils : SCPA « Paris Village », Avocats à la Cour)

                                  contre

                BANK OF AFRICA-COTE D’IVOIRE dite BOA-CI 

                (Conseils : -Maître  Jean-François CHAUVEAU, Avocat à la Cour

                                               -SCPA Ahoussou, Konan & Associés, Avocats à la Cour)

 

ARRET N°043/2009 du 30 juin 2009

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 30 juin 2009 où étaient présents :

 

Messieurs Jacques M’BOSSO, Président

Maïnassara MAIDAGI, Juge

Biquezil NAMBAK, Juge, rapporteur

et Maître  ASSIEHUE Acka,  Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 05 décembre 2006 sous le n° 096/2006/PC et formé par SCPA « Paris-Village », Avocats à la Cour, demeurant 11, rue Paris-Village, 01 BP 5796 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de HANNA INVESTMENT & CO, société anonyme dont le siège social est à Abidjan-Plateau, immeuble Ebrien, 3ème étage Escalier B, 08 BP. 152 Abidjan 08, dans une cause l’opposant à la BOA-CI dont le siège est à Abidjan-Plateau, angle de l’avenue Terasson de Fougères et de la rue Gourgas, SERMED-BOA, 01 BP 4132 Abidjan 01, ayant pour conseils Maître Jean-François CHAUVEAU, Avocat à la Cour, demeurant à Abidjan-Plateau, 29 Boulevard Clozel, immeuble TF 4770, 5ème étage, 01 BP 3586 Abidjan 01 et la SCPA Ahoussou, Konan & Associés, Avocats à la Cour, demeurant à Abidjan-Plateau, au 19, boulevard Angoulvant, immeuble Neully, 1er étage, aile gauche, 01 BP 1366 Abidjan 01,en cassation de l’Arrêt civil n° 649 rendu le 02 juin 2006 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, par décision contradictoire, en matière civile et en dernier ressort ;

Reçoit la BOA-CI en son appel ;

L’y dit bien fondée ;

Déclare l’intervention forcée  de la BVE irrecevable ;

Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau ;

Reçoit la BOA-CI en son opposition ;

L’y dit bien fondée ;

Rétracte l’ordonnance d’injonction de payer querellée ;

Met les dépens à la charge de l’intimée. » ;

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur le Juge Biquezil NAMBAK ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que dans le cadre de leurs relations commerciales, la société HANNA INVESTMENT & CO avait, en date des 15, 27, 29 novembre 2002 et des 07 et 10 janvier 2003, donné instruction à la BOA-CI de débiter son compte n°01073760006 ouvert dans ses livres pour créditer son compte n°26282 ouvert dans les livres de la BANK VON ERNST (BVE) de Monaco de la somme totale de 791.231.350 FCFA ; qu’étant apparu que les sommes débitées sur son compte à la BOA n’ont pas été portées au crédit de son compte à la BVE de Monaco et après réclamation et sommation de payer adressés à la BOA-CI restés sans suite, HANNA INVESTMENT & CO avait décidé d’entreprendre le recouvrement judiciaire de sa créance ; que sur requête en date du 06 décembre 2004, le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan–Plateau avait, par Ordonnance d’injonction de payer n°8014/2004 du 15 décembre 2004, condamné BOA-CI à payer à HANNA INVESTMENT & CO la somme principale de 791.231.350 francs CFA ; que sur opposition de la BOA-CI, le Tribunal de première instance d’Abidjan l’avait déclaré mal fondé et condamné à payer à la société HANNA INVESTMENT & CO la somme 791.231.350 francs CFA ; que sur appel relevé dudit jugement par la BOA-CI, la Cour d’appel d’Abidjan avait rendu l’Arrêt n°649 du 02 juin 2006 dont pourvoi ;

 

Sur le premier moyen

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation de l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en ce que la Cour d’appel, pour infirmer l’ordonnance entreprise, a considéré « qu’en raison de la complexité des vérifications qui s’imposent pour retracer la chaîne de toutes les opérations…, la créance de HANNA INVESTMENT ne satisfait pas à l’exigence de certitude contenue dans la disposition de l’article 1er suscité » alors que, selon le requérant, sa créance ne souffre d’aucune contestation au regard des pièces produites au dossier ; qu’il appartenait au juge d’appel de vérifier d’abord si le compte de HANNA INVESTMENT ouvert dans les livres de la BOA-CI avait été débité de la somme de 791.231.350 FCFA et si les pièces versées aux débats prouvent les allégations de BOA-CI tendant à faire croire qu’elle a crédité le compte n°26282 de HANNA INVESTMENT ouvert dans les livres de BANK VON ERNST de la principauté de MONACO ; que pour avoir décidé comme elle l’a fait, la Cour d’appel a méconnu la portée de la notion de certitude de la créance et exposé son arrêt à la cassation ;

 

Mais attendu que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain que la Cour d’appel d’Abidjan, par une décision motivée, a retenu qu’ « en l’espèce, la complexité des vérifications qui s’imposent pour retracer la chaîne de toutes les opérations de transfert est indiscutable puisque les parties ont de leur propre chef décidé de recourir à la science d’un expert dont le rapport n’a été accepté que par l’une d’elles » ; qu’il suit qu’en statuant comme elle l’a fait, ladite Cour d’appel n’a en rien violé l’article visé au moyen, lequel doit être rejeté comme non fondé ;

 

 « Mais » sur le second moyen

Vu l’article 14 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

 

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation de l’article 14 de l’Acte uniforme susvisé en ce que la Cour d’appel énonce que « la Société HANNA INVESTMENT étant ainsi mal fondée à poursuivre le recouvrement de sa créance suivant cette procédure, il convient d’infirmer le jugement entrepris pour rétracter l’ordonnance d’injonction de payer n°8014/2004 du 15 décembre 2004 » alors que, selon le moyen, une telle motivation est contraire à l’article 14 de l’Acte uniforme précité qui dispose que la décision de la juridiction saisie sur opposition se substitue à la décision portant injonction de payer ; que par application de ce texte, le jugement condamnant BOA-CI a fait disparaître l’Ordonnance n°8014/2004 du 15 décembre 2004 et de la sorte, il revenait à la Cour d’appel, non pas de rétracter l’ordonnance entreprise, mais plutôt d’apprécier le dispositif du jugement susvisé et statuer sur la réclamation de HANNA INVESTMENT à partir de preuves produites aux débats ; que pour ne l’avoir pas fait, l’arrêt attaqué a été rendu en violation de l’article 14 susvisé et encourt de ce fait cassation ;

 

Attendu qu’aux termes de l’article 14 de l’Acte uniforme susvisé « la décision de la juridiction saisie sur opposition se substitue à la décision portant injonction de payer » ;

 

 Attendu, en l’espèce, que la Cour d’appel d’Abidjan, statuant sur l’appel relevé du Jugement n°2107/CIV1 rendu, sur opposition à une ordonnance portant injonction de payer, le 10 août 2005 par le Tribunal de première instance d’Abidjan, a infirmé ledit jugement et rétracté l’ordonnance à laquelle il s’était substitué ; que si ladite Cour a, en violation de l’article 14 susénoncé, rétracté l’ordonnance d’injonction de payer à laquelle s’était déjà substitué le jugement qui lui était déféré, elle a, cependant par des motifs pertinents, infirmé celui-ci en retenant que la créance de la société HANNA INVESTMENT& CO ne satisfaisant pas à l’exigence de certitude contenue dans la disposition de l’article 1er de l’Acte uniforme susvisé, celle-ci était mal fondée à en poursuivre le recouvrement suivant la procédure d’injonction de payer ; qu’il y a lieu en conséquence de casser l’arrêt attaqué, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu’il a rétracté l’ordonnance d’injonction de payer querellée ;

 

Attendu que chacune des parties doit supporter ses propres dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse, par voie de retranchement, en sa seule disposition énonçant qu’il « rétracte l’ordonnance d’injonction de payer querellée », l’Arrêt civil n° 649 rendu le 02 juin 2006 par la Cour d’appel d’Abidjan ;

Dit qu’il n’y a pas lieu à évocation ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

                             

 Le Président

Le Greffier