ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Première chambre                         

Audience publique du 30 juin 2009

Pourvoi : n° 052/2005/PC du 13 octobre 2005           

Affaire : Monsieur YOMI François

                 (Conseil : Maître ZACHARIE FANDIO, Avocat à la Cour)

                             contre

               Banque Internationale du Cameroun pour l’Epargne et le Crédit                       

                dite BICEC

                            (Conseils : Cabinet Maître NYEMB Jacques, Avocat à la Cour)                         

 

ARRET N°038/2009 du 30 juin 2009

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 30 juin 2009où étaient présents :

 

Messieurs Jacques M’BOSSO,                          Président

Maïnassara MAIDAGI,                    Juge

Biquezil NAMBAK,                         Juge, rapporteur

et Maître  ASSIEHUE Acka,             Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 13 octobre 2005 sous le n° 052/2005/PC et formé par Maître ZACHARIE FANDIO, avocat au Barreau du Cameroun, BP 12246 Yaoundé, immeuble WANDJI NKUIMY, agissant au nom et pour le compte de Monsieur YOMI François, demeurant à Douala, dans une cause l’opposant à la Banque Internationale du Cameroun pour l’Epargne et le Crédit dite BICEC au capital de 3.000.000.000 FCFA dont le siège social est à Douala BP 1925, Avenue du Général De Gaulle, ayant pour conseils Cabinet NYEMB, Avocats au Barreau du Cameroun à Douala, BP 4163, au 227, Rue de l’hôtel de ville Bonanjo-Douala,en cassation de l’Arrêt n° 20/REF rendu le 20 décembre 2004 par la Cour d’appel du Littoral à Douala et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toutes les parties en matière civile et commerciale en appel et en dernier ressort en formation collégiale ;

EN LA FORME

Reçoit l’appel ;

AU FOND

Confirme la décision entreprise ;

Condamne l’appelant aux dépens distraits au profit de Me NYEMB, Avocat aux offres de droit » ;

Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur le Juge Biquezil NAMBAK ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que                                                             Monsieur YOMI François avait sollicité et obtenu du Président du Tribunal de grande instance de Douala l’Ordonnance n° 92/01-02 du 17 janvier 2002 faisant injonction à la BICEC de lui payer la somme de 39.955.492 FCFA ; que le 18 février 2002, Monsieur YOMI obtenait un certificat de non opposition délivré par le Greffier en chef du Tribunal de grande instance de Douala et le 01 mars 2002 il faisait pratiquer une saisie attribution des créances entre les mains de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) au préjudice de la BICEC ; que le 07 mars 2002 la BICEC avait formé opposition contre l’ordonnance d’injonction de payer du 17 janvier 2002 et assigné également YOMI François en annulation du procès-verbal de dénonciation de la saisie attribution ; que le 08 mars 2002, Monsieur YOMI dénonçait à nouveau à la BICEC la même saisie attribution pratiquée le 1er mars 2002 ; que par Ordonnance en date du 22 mai 2002, le Juge des référés avait déclaré l’assignation du 07 mars 2002 nulle pour violation de l’article 06 du code camerounais de procédure civile ; que le 07 juin 2002, la BICEC avait réassigné YOMI François en annulation du procès-verbal de dénonciation de la saisie attribution pratiquée le 01 mars 2002 ; que le 02 juillet 2002, le Juge des référés avait, par Ordonnance n°1146, déclaré nul le procès-verbal de dénonciation et ordonné la mainlevée de la saisie attribution ; que sur appel de YOMI François, la Cour d’appel du Littoral avait, par Arrêt n°20/REF du 20 décembre 2004 dont pourvoi, confirmé l’ordonnance du 02 juillet 2002 ;

 

Sur le premier moyen

Vu l’article 170 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

 

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 170 de l’Acte uniforme susvisé en ce qu’il a confirmé le jugement d’instance du 02 juillet 2002 ayant déclaré recevable l’action en nullité de l’acte de dénonciation du 01 mars 2002, initiée par assignation du 07 juin 2002, soit 99 jours après la dénonciation de la saisie alors que, selon le moyen, l’article 170 susvisé dispose qu’à peine d’irrecevabilité, les contestations sont portées devant la juridiction compétente par voie d’assignation dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur ; qu’en effet, il résulte des dispositions susévoquées, que toute action en contestation de la saisie est essentiellement enfermée dans le délai d’un mois pour compter de la dénonciation de la saisie au débiteur et que passé ce délai, il y a automatiquement forclusion quand bien même le grief serait pertinent ; qu’il suit que le moyen est fondé et doit être accueilli ;

 

Attendu qu’aux termes de l’article 170 de l’Acte uniforme susvisé, « à peine d’irrecevabilité, les contestations sont portées, devant la juridiction compétente, par voie d’assignation, dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur.

Le tiers saisi est appelé à l’instance de contestation.

Le débiteur saisi qui n’aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir en répétition de l’indu devant la juridiction du fond compétente selon les règles applicables à cette action. » ;

 

Attendu qu’il est constant comme résultant des pièces du dossier de la procédure que Monsieur YOMI François a procédé à deux dénonciations de la même saisie à la BICEC, l’une le 01 mars 2002 et l’autre le 08 mars 2002 ; qu’en prenant pour point de départ de computation du délai, le 01 mars 2002, date de la première dénonciation, la BICEC pouvait assigner Monsieur YOMI entre le 02 mars et le 02 avril 2002 ; qu’en se situant au 08 mars 2002, la BICEC avait la possibilité d’assigner Monsieur YOMI en contestation entre le 09 mars et le 09 avril 2002 ; que la BICEC ayant assigné le requérant le 07 juin 2002, soit plus d’un mois à compter aussi bien de la première que de la seconde dénonciation, la Cour d’appel du Littoral, en déclarant recevable une telle action, a violé l’article 170 susénoncé de l’Acte uniforme susvisé ; qu’il échet en conséquence, sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens, de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer ;

 

Sur l’évocation

Attendu que par requête en date du 15 juillet 2002 adressée à Monsieur le Président de la Cour d’appel du Littoral à Douala et enregistrée au Greffe de ladite Cour le 16 juillet 2002 sous le n°1278, Monsieur YOMI François a relevé appel de l’ordonnance rendue le 02 juillet 2002 par Monsieur le juge du Tribunal de première instance de Douala-Bonanjo, ordonnance dont le dispositif est ainsi conçu :

 

« – Nous, juge de l’urgence statuant en vertu de l’article 49 de l’Acte uniforme OHADA portant voies d’exécution, contradictoire à l’égard des parties, en matière de saisie-attribution de créances et en premier ressort ;

 

Sur l’irrecevabilité de l’action de la BICEC tirée de l’inobservation des délais de contestation ;

 

– Constatons que contrairement à l’argumentaire du défendeur, l’exploit d’assignation du 07 mars 2002 initié par la BICEC en contestation de la saisie-attribution de créances querellée bien que déclaré nul pour inobservation des formalités de l’article 6 du Code de procédure civile et commerciale interrompe la prescription du délai d’un mois qui lui était imparti pour former des contestations ;

– Constatons dès lors que la nouvelle assignation des 7 et 10 juin 2002 est conforme à l’article 170 de l’Acte uniforme OHADA sus-visé ;

– Rejetons telle fin de non recevoir comme non fondée ;

 

– SUR LE FOND –

 

– Constatons que le second exploit de dénonciation de saisie attribution de créances en date du 08 mars 2002, bien que fait dans le délai de 08 jours pour remplacer celui du 1er mars 2002, est postérieur à l’assignation en contestation du 07 mars 2002 ;

– constatons que le second exploit de dénonciation ne peut valablement remplacer le premier exploit qu’autant qu’il est initié avant toute contestation du débiteur saisi ;

– Constatons dès lors que l’acte de dénonciation du 1er mars 2002, seul valable en l’espèce ne mentionne pas en caractères très apparents les indications de l’article 160 de l’Acte uniforme sus-visé prescrites à peine de nullité ;

– Déclarons par conséquent nul ledit procès-verbal de dénonciation et donnons mainlevée de la saisie-attribution subséquente ;

– Disons notre ordonnance exécutoire par provision ;

– Condamnons le défendeur aux dépens » ;

Attendu qu’à l’appui de son appel, Monsieur YOMI François soutient que le premier juge a , par l’ordonnance attaquée, d’une part, rejeté l’exception d’irrecevabilité de l’action en contestation de la saisie attribution de créances soulevée par le requérant pour cause de forclusion, d’autre part, rejeté comme inopérant le procès-verbal de la deuxième dénonciation de la même saisie attribution de créances à la BICEC servie le 08 mars 2002 et enfin donné mainlevée de celle-ci alors que l’action en contestation initiée par assignation des 7 et 10 juin 2002 est manifestement irrecevable comme tardive au regard des prescriptions de l’article 170 de l’Acte uniforme n°6 OHADA ; qu’il demande à la Cour de sanctionner l’ordonnance querellée pour mauvaise appréciation des faits et violation ou fausse application de la loi ;

 

Attendu que l’intimée (BICEC), pour sa part, soutient qu’elle avait saisi en date du 07 mars 2002 le juge compétent en contestation de la saisie attribution de créances pratiquée par Monsieur YOMI François à son préjudice ; que le deuxième exploit de dénonciation de la saisie attribution de créances dont se prévaut Monsieur YOMI est nul et inopérant en l’espèce puisqu’ayant été délivré après l’introduction de la procédure de contestation devant le juge compétent ; que la créance dont se prévaut Monsieur YOMI est inexistante, le titre en vertu duquel la saisie attribution de créances litigieuse a été pratiqué au préjudice de la BICEC étant l’objet d’une procédure d’opposition pendante devant la chambre civile et commerciale du Tribunal de Grande Instance de Douala ; qu’il demande en conséquence à la Cour de confirmer dans toutes ses dispositions l’ordonnance de référé querellée ;

 

Sur la recevabilité de l’action en contestation de la BICEC ;

Attendu que pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus lors de l’examen du moyen de cassation, il y a lieu de déclarer irrecevable l’action en contestation de la Banque Internationale du Cameroun pour l’Epargne et le Crédit dite BICEC ;

 

Attendu que la BICEC ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse l’Arrêt n° 20/REF rendu le 20 décembre 2004 par la Cour d’appel du Littoral à Douala ;

Evoquant et statuant sur le fond,

Infirme le jugement entrepris ;

Déclare irrecevable l’action en contestation de la Banque Internationale du Cameroun pour l’Epargne et le Crédit (BICEC) ;

La condamne aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

 

Le Président    

Le Greffier