ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 Deuxième Chambre

Audience Publique du 22 novembre 2007

Pourvoi : n° 104/2003/PC du 07 novembre 2003

Affaire : Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire dite SGBCI

                (Conseils : Maîtres Charles DOGUE, Abbé YAO et Associés, Avocats à la Cour)

contre

 Société Civile Immobilière Centre Commercial de Treichville

      dite SCI-CCT

        (Conseil : Maître BLESSY Jean Chrysostome, Avocat à la Cour)

 

ARRET N°037/2007 du 22 novembre 2007

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 22 novembre 2007 où étaient présents :

 

  1. Antoine Joachim OLIVEIRA,      Président

Doumssinrinmbaye BAHDJE,      Juge, rapporteur

Boubacar DICKO,                    Juge

 

et Maître ASSIEHUE Acka,         Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 07 novembre 2003 sous le n° 104/2003/PC et formé par Maîtres Charles DOGUE, Abbé YAO et Associés, Avocats à la Cour, y demeurant 29, Boulevard Clozel, 01 B.P. 174 Abidjan 01, au nom et pour le compte de la Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire dite SGBCI, Société anonyme dont le siège social est à Abidjan, 57, Avenue Joseph Anoma, 01 B.P. 1355 Abidjan 01, dans la cause qui oppose cette dernière à la Société Civile Immobilière Centre Commercial de Treichville dite SCI-CCT, dont le siège est à Abidjan, 01 B.P. 2836 Abidjan 01, ayant pour conseil Maître ORE Sylvain et Associés, Avocats à la Cour d’appel d’Abidjan, y demeurant Immeuble GYAM, 7è étage, porte D7,

 

en cassation de l’Arrêt n° 979 rendu le 15 juillet 2003 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, par défaut à l’égard des dames PITAH Antoinette, N’GOH Eliane, Messieurs KOUAKOU Kouassi, Jacques AKRA JAWAD et contradictoirement à l’égard de l’appelante et des autres intimés, en matière de référé et en dernier ressort ;

Déclare la SGBCI recevable mais mal fondée en son appel relevé de l’Ordonnance de référé n° 315 rendue le 23 février 2003 par la juridiction présidentielle du Tribunal de première instance d’Abidjan ;

L’en déboute ;

Confirme ladite ordonnance ;

La condamne aux dépens distraits au profit de Maître ORE Sylvain et Associés, Avocats aux offres de droit  » ;

 

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE ;

 

Vu les articles 13 et 14  du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure qu’en exécution du Jugement n° 3461/02 rendu le 18 novembre 2002 par le Tribunal de première instance d’Abidjan qui a condamné la Société Civile Dounia à lui payer la somme de 15.000.000 de francs CFA, la Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire dite SGBCI a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains des locataires de l’immeuble « Treich Center » à Treichville ; qu’estimant qu’elle n’était pas débitrice de la SGBCI mais plutôt seule propriétaire de l’immeuble « Treich Center » à Treichville et que par conséquent la saisie-attribution pratiquée sur les loyers provenant de cet immeuble était nulle, la Société Civile Immobilière Centre Commercial de Treichville dite SCI-CCT a obtenu du Juge des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan l’Ordonnance n°316 du 23 janvier  2003 déclarant nulle ladite saisie-attribution et en prescrivant la mainlevée ; que sur appel de la SGBCI, la Cour d’appel d’Abidjan a, par Arrêt n° 979 du 15 juillet 2003 dont pourvoi, confirmé l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

 

Sur la recevabilité du pourvoi

 

Attendu que la SCI-CCT soulève l’irrecevabilité du recours de la SGBCI au double motif que celui-ci ne respecte pas, d’une part, les exigences prescrites par les articles 28 et 29 du Règlement de procédure de la Cour de céans ; que, d’autre part, le mandat spécial donné à ses avocats Maître DOGUE Charles et Associés n’a pas été délivré par un représentant légal qualifié à cet effet ; que pour s’en défendre, la SGBCI soutient la recevabilité de son pourvoi en produisant aux débats une déclaration aux fins d’inscription modificative en date du 28 mars 2000 qui prouve bel et bien, selon elle, la qualité de représentant légal de la SGBCI de Monsieur Michel MIAILLE ;

 

Mais attendu que contrairement aux affirmations de la SCI-CCT, défenderesse au pourvoi, il ressort des productions, d’une part, notamment d’une copie d’un document dénommé « Refonte des Statuts nomination Président du conseil et Directeur général » qu’aux termes de la délibération du Conseil d’Administration du 17 décembre 1999, Messieurs TIEMOKO YADE COULIBALY et Michel MIAILLE ont été nommés respectivement Président du Conseil d’Administration et Directeur Général de la SGBCI avec tous les pouvoirs prévus par les statuts et, d’autre part, d’une copie du mandat spécial délivré par le Directeur Général, Monsieur Michel MIAILLE, à Maîtres Charles DOGUE et Associés pour représenter la SGBCI devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage que les prescriptions des articles 28 et 29 du Règlement de procédure ont bien été observées par la SGBCI en ce que le mandat de représentation devant la Cour de céans donné par Monsieur Michel MIAILLE Directeur Général aux Avocats susnommés est régulier ; d’où il suit que l’irrecevabilité du recours de la SGBCI soulevée par la SCI-CCT n’est pas fondée et doit être rejetée ;

 

Sur le premier moyen

Vu l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

 

Attendu que le pourvoi reproche à l’arrêt déféré d’avoir violé la loi, notamment l’article 172 de l’Acte uniforme susvisé, en ce que la requérante estime qu’elle a invoqué devant la Cour d’appel que c’est à tort que le Juge des référés avait cru pouvoir faire courir l’astreinte qu’il prononçait à partir du prononcé de la décision alors que l’article 172 dudit Acte uniforme prévoit que le délai d’appel et l’acte d’appel sont suspensifs de toute exécution ; qu’elle relève ainsi que c’est à tort que la Cour d’appel d’Abidjan, pour décider comme elle l’a fait, a considéré que les décisions de référé étaient exécutoires par provision et de plein droit, et échappaient à l’application de l’article 172 susvisé ; que toujours selon la requérante, il est constant que le juge des difficultés d’exécution est le Président du Tribunal de première instance statuant selon la procédure de référé, de sorte que toute décision rendue en matière de contestation de saisie-attribution sera assortie de l’exécution provisoire sans même apparemment que le juge ait à le dire ; qu’ainsi, la règle selon laquelle les décisions de référé sont exécutoires par provision est une règle de procédure, alors que l’article 172 susvisé est une disposition particulière s’appliquant uniquement en matière de contestation de saisie-attribution ; que dans ces conditions, conclut la SGBCI, l’application de cet article 172 s’imposait d’autant que son alinéa 2 précise que « le délai d’appel, ainsi que la déclaration d’appel sont suspensifs d’exécution, sauf décision spécialement motivée de la juridiction compétente » ; que toujours selon la requérante, tel ne fut pas le cas en l’espèce, l’arrêt de la Cour d’appel attaqué, encore moins l’ordonnance qu’il confirme, ne contiennent aucune motivation spéciale justifiant la dérogation de l’article 172 susvisé, encore que le juge des référés n’a même pas expressément prononcé l’exécution provisoire de sa décision ; que dès lors, soutient la SGBCI, il apparaît que la Cour d’appel a violé les dispositions de cet article 172 et que son arrêt encourt de ce fait la cassation ;

 

Attendu que l’article 172 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution dispose : « La décision de la juridiction tranchant la contestation est susceptible d’appel dans les quinze jours de sa notification.

Le délai pour faire appel ainsi que la déclaration d’appel sont suspensifs d’exécution sauf décision contraire spécialement motivée de la juridiction compétente » ;

 

Attendu que les modalités d’appel prescrites audit article ne s’appliquent, en cas d’exercice de cette voie de recours, qu’aux décisions rendues en matière de contestation de saisie-attribution des créances opposant le créancier saisissant au débiteur saisi ; qu’en l’espèce, la SCI-CCT n’étant pas considéré par les parties elles mêmes comme débiteur saisi, c’est légitimement qu’elle a demandé et obtenu du juge des référés une ordonnance de mainlevée, sous astreinte, des loyers saisis par la SGBCI, lesquels lui étaient dûs par des locataires de son immeuble ; que dans ces circonstances, en décidant, d’une part, que « c’est à bon droit que le premier juge a fait courir l’astreinte comminatoire à compter du prononcé de sa décision » et, d’autre part, « que cela ne contredit nullement les dispositions de [l’article 172 susvisé…] », alors que celui-ci ne pouvait trouver application en la cause, la Cour d’appel a violé ledit article ; qu’il échet en conséquence de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer sans qu’il soit besoin de statuer sur le second moyen ;

 

Sur l’évocation

Attendu que par exploit en date du 18 au 24 décembre 2002, la SGBCI a fait pratiquer une saisie-attribution de créances entre les mains des locataires des magasins situés dans l’immeuble Treich center pour avoir paiement de la somme de 17.598.176 F CFA résultant d’une lettre de change tirée par la SCI DOUNIA sur la société HES qui l’a acceptée et qui est revenue impayée à l’échéance ; que selon la SCI-CCT, cette saisie-attribution litigieuse a été pratiquée à son détriment car elle n’est nullement débitrice de la SGBCI et, par ailleurs, les saisies pratiquées entre les mains de la BICICI, ECOBANK, BIAO-CI et certains locataires desdits magasins sont devenues caduques ;

 

Attendu que le Juge des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan a, par Ordonnance n° 316 du 23 janvier 2003, décidé de ce qui suit :

 

« Au principal renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent vu l’urgence et par provision ;

Déclarons les saisies-attributions de loyers nulles ;

En ordonnons la mainlevée sous astreinte comminatoire de 1.000.000 de francs par jour de retard à compter du prononcé de la décision ;

Mettons hors de cause la CITIBANK » ;

 

Attendu que par exploit du 18 février 2003 avec ajournement au 04 mars 2003, la SGBCI a relevé appel de l’ordonnance susindiquée ; qu’elle fait valoir que les loyers saisis n’appartiennent pas à la SCI-CCT qui n’a aucune qualité ni intérêt à demander la mainlevée d’une saisie qui ne la concerne pas puisque le débiteur peut seul demander la mainlevée de la saisie ; qu’en outre, le juge des référés assortit sa décision de mainlevée d’une condamnation sous astreinte de 1.000.000 de francs CFA par jour de retard à compter du prononcé de la décision, ce qui est inacceptable ; qu’elle conclut à l’infirmation de la décision entreprise ;

 

Attendu que la SCI-CCT, intimée, déclare ne pas être concernée par la saisie-attribution effectuée par la SGBCI sur des loyers lui appartenant ; que les différents tiers saisis sont des locataires de l’immeuble Treich Center et que les loyers saisis sont sa propriété et non celle de la SCI Dounia et la Société Hes ; qu’entre outre, la SGBCI fait une mauvaise lecture de l’article 172 de l’Acte uniforme susvisé, car si le juge des difficultés de l’exécution rend une décision qu’il assortit de l’exécution provisoire, cette décision, par l’effet de cette exécution provisoire est exécutoire nonobstant appel ; que c’est bien le cas en l’espèce, la décision attaquée étant assortie de l’exécution provisoire ;

 

Attendu qu’il est de principe que tout juge peut assortir d’astreinte ses propres décisions en vue de garantir l’exécution diligente de celles-ci ;

 

Attendu en l’espèce que la décision prononçant, d’une part, la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 18 décembre 2002 par la SGBCI sur les loyers dûs à la SCI-CCT et, d’autre part, l’astreinte, est une ordonnance de référé exécutoire par provision ; que du fait de la nature et des caractères spécifiques de celle-ci, l’appel est sans effet sur le cours de l’astreinte et la date retenue comme point de départ est le jour du prononcé de ladite décision déjà exécutoire ;

 

Attendu au demeurant que l’article 33-1 de l’Acte uniforme susvisé mentionne limitativement comme titres exécutoires, les décisions juridictionnelles qui sont exécutoires sur minute comme en l’espèce ; que c’est par suite à bon droit, que le juge des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan a ordonné « la mainlevée sous astreinte comminatoire de 1.000.000 de francs CFA par jour de retard à compter du prononcé de la décision de la saisie-attribution de créance litigieuse » ; qu’il suit que l’Ordonnance de référé n° 316 du 23 janvier 2003 doit être confirmée, en toutes ses dispositions ;

 

Attendu que la Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire dite SGBCI ayant succombé, doit être condamnée aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la SCI-CCT, défenderesse au pourvoi ;

Casse l’Arrêt n° 979 rendu le 15 juillet 2003 par la Cour d’appel d’Abidjan ;

Evoquant et statuant au fond,

Confirme en toutes ses dispositions l’Ordonnance de référé n° 316 du 23 janvier 2003 ;

Condamne la Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire dite SGBCI aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et  an  que dessus et ont signé :

 

Le Président

Le Greffier