ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 PREMIERE CHAMBRE

Audience publique du 26 octobre 2006

Pourvoi : n° 045/2003/PC du 29 avril 2003

Affaire : Société Africaine de Crédit Automobile dite SAFCA

                (Conseils : Maîtres Charles DOGUE, Abbé YAO et Associés, Avocats à la Cour)

                                                     contre

  1. Société Climatisation Technique Satellite dite CTS Sarl

                    (Conseils : Cabinet KONATE et Associés, Avocats à la Cour)

 

  1. MONFORT Michel Roger Abel
  2. PORCHER MONFORT Lydie Nicole Danielle

                    (Conseils : Cabinet KONATE et Associés, Avocats à la Cour) 

ARRET N°018/2006 du 26 octobre 2006

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 26 octobre 2006 où étaient présents :

 

  1. Jacques M’BOSSO, Président, rapporteur

Maïnassara MAIDAGI, Juge

Biquezil NAMBAK, Juge

et Maître ASSIEHUE Acka,   Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré le 29 avril 2003 au greffe de la Cour de céans sous le n° 045/2003/PC et formé par Maîtres Charles DOGUE, Abbé YAO et Associés, Avocats à la Cour, demeurant 29, Boulevard Clozel, 01 B.P. 174 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la Société Africaine de Crédit Automobile dite SAFCA, société anonyme dont le siège social est sis à Abidjan, 1, Rue des Carrossiers, Zone 3, Treichville, 04  B.P. 27 Abidjan 04, représentée par son Président Directeur Général Monsieur Philippe COUVREUR, de nationalité française, demeurant ès qualité au siège de ladite société, dans la cause qui l’oppose, d’une part, à la Société Climatisation Technique Satellite dite CTS dont le siège social est à Abidjan, Zone 4C, 51, Rue du Docteur Calmette, prise en la personne de son gérant, Monsieur Michel MONFORT, de nationalité française, demeurant ès qualité au siège de ladite société ; d’autre part, à Monsieur Michel MONFORT Roger Abel, de nationalité française, Directeur de société domicilié à Abidjan – Biétry et enfin à Madame PORCHER MONFORT Lydie Nicole Danielle, de nationalité française, Directrice de société, domiciliée à Abidjan – Biétry, lesquels ont fait élection de domicile en l’étude de Maître N’fa Kaba Fakhy KONATE, Avocat à la Cour, demeurant 12, Ancienne route de Bingerville, Rue B 32, Vieux Cocody, 01 B.P. 3926 Abidjan 01 ; en cassation de l’Arrêt n° 1316 rendu le 27 décembre 2002 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

 

« En la forme :

Déclare la Société CTS Sarl et les époux MONFORT recevables en leur appel relevé du Jugement civil n° 62 rendu par le Tribunal de première instance d’Abidjan – Plateau le 30 janvier 2002 ;

Au fond :

Les y dit fondés ;

Infirme le jugement querellé en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau ;

Déboute la SAFCA de sa demande ;

La condamne aux dépens ; » ;

 

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à l’acte de pourvoi annexé au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur Jacques M’BOSSO, Président ;

 

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il résulte des productions des parties que le 10 septembre 1999, la SAFCA avait consenti un crédit à la société CTS d’un montant de 12.664.332 francs CFA pour l’achat  d’un véhicule automobile ; que ce crédit pour lequel Monsieur et Madame MONFORT s’étaient portés cautions solidaires et indivisibles au profit de la CTS était remboursable en 36 mensualités de 351.787 francs CFA échelonnées du 20 septembre 1999 au 20 août 2002 ; que le contrat prévoyait en outre que le non paiement d’une seule échéance entraînerait la déchéance du terme et l’exigibilité immédiate de toutes les sommes restant dues ; qu’estimant que la société CTS n’avait pas honoré l’échéance du 20 mars 2001 d’un montant de 351.787 francs CFA, augmenté des intérêts de retard au taux de 2% par mois (taxe en sus) et ceux du terme prévu par celle-ci au jour du règlement, des frais de rejet à concurrence de 10.000 francs CFA (taxe en sus) par échéance impayée et de la clause pénale en vertu de l’article 7 du contrat liant les parties,  la SAFCA avait sollicité et obtenu du Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, l’Ordonnance d’injonction de payer n°8234/01 du 29 juin 2001 condamnant la société CTS et ses cautions à lui payer la somme de 5.683.225 francs CFA outre les intérêts et frais ; que sur opposition de la société CTS et des époux MONFORT, le Tribunal de première instance d’Abidjan avait rendu le 30 janvier 2002, le Jugement n°62/2002 déboutant la société CTS et les époux MONFORT de leur contestation et restituant à l’Ordonnance d’injonction de payer n°8234/2001 son plein et entier effet ; que sur appel de la société CTS et des époux MONFORT, la Cour d’Appel d’Abidjan avait rendu l’Arrêt n°1316 en date du 27 décembre 2002, objet du présent pourvoi ;

 

Sur les deux moyens réunis

Vu l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation de procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir retenu, pour infirmer le jugement entrepris, d’une part, « qu’il est constant comme résultant des pièces du dossier de la procédure que la traite sur laquelle s’est fondée la SAFCA pour obtenir la condamnation des appelants a été présentée en paiement avant son terme » c’est-à-dire avant la date de son exigibilité alors que, selon le moyen, l’avis de prélèvement du 14 mars 2001 n’est pas une traite et la date du 14 mars 2001 est celle à laquelle la BICICI, banque domiciliataire de l’avis de prélèvement, a reçu celui-ci des mains de la SAFCA ; que la pratique veut que quelques jours avant la date prévue, le bénéficiaire dépose à la banque domiciliataire, l’avis en question afin de permettre à ladite banque de prendre ses dispositions pour que le prélèvement s’effectue à bonne date ; que l’avis de prélèvement a été présenté à l’encaissement le 20 mars 2001, date de son échéance, et non le 14 mars 2001, date de réception dudit avis par la BICICI ; qu’en commettant cette regrettable confusion des dates, l’arrêt attaqué pê che par insuffisance, obscurité et contrariété de motifs et ne repose sur aucune base légale ; que d’autre part, la créance de la SAFCA n’était pas exigible et qu’en conséquence la procédure d’injonction de payer ne pouvait être suivie contre elle alors que, selon le moyen, l’avis de prélèvement a été bel et bien présenté à l’encaissement le 20 mars 2001 comme démontré dans le premier moyen et non à une autre date, notamment celle du 14 mars 2001 ; que l’avis litigieux ayant été présenté en paiement le 20 mars 2001, date de son échéance, la créance de la SAFCA remplissait parfaitement le caractère d’exigibilité, d’autant plus que l’échéance du 20 mars 2001 a été rejetée avec la mention « la situation du compte ne permet pas le paiement » ; qu’il suit qu’en retenant que la créance de la SAFCA n’était pas exigible, la Cour d’appel a erré et sa décision encourt cassation de ce chef ;

 

Attendu qu’aux termes de l’article 1er de l’Acte uniforme susvisé, « le recouvrement d’une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer » ;

 

Attendu qu’il ressort de l’analyse des dispositions susénoncées de l’article 1er de l’Acte uniforme susvisé que seules les créances réunissant les trois caractères de certitude, de liquidité et d’exigibilité peuvent être recouvrées selon la procédure d’injonction de payer ; que le défaut de l’un quelconque desdits caractères dans une créance suffit à interdire le recours à ladite procédure d’injonction de payer pour en obtenir le paiement ;

 

Attendu, en l’espèce, que l’examen des pièces du dossier de la procédure révèle que la traite litigieuse de 351.787 F CFA dont le recouvrement était poursuivi par la SAFCA avait pour échéance la date du 20 mars 2001 ; qu’elle avait été cependant présentée au paiement à la BICICI, banque domiciliataire, à la date du 14 mars 2001 ; qu’à cette dernière date, la traite litigieuse susindiquée n’était pas exigible et ne pouvait de ce fait faire jouer la déchéance du terme, conformément à la clause contractuelle prévoyant que le non paiement d’une seule échéance entraînerait la déchéance du terme et l’exigibilité immédiate de toutes les sommes restant dues ; qu’une créance n’est exigible que lorsque le débiteur ne peut se prévaloir d’aucun délai ou condition susceptible d’en retarder ou d’en empêcher le paiement ; que ne réunissant pas de ce fait l’ensemble des caractères énumérés à l’article 1er de l’Acte uniforme susénoncé, ladite créance ne pouvait faire l’objet d’une procédure d’injonction de payer en vue de son recouvrement ; qu’il suit qu’en considérant « qu’il est constant comme résultant des pièces de la procédure que la traite sur laquelle s’est fondée la SAFCA pour obtenir la condamnation des appelants a été présentée en paiement avant son terme, que la SAFCA sur ce fondement ne peut donc bénéficier de la procédure d’injonction de payer car sa créance n’était pas exigible » pour statuer comme elle l’a fait, la Cour d’appel d’Abidjan a suffisamment motivé sa décision et ne viole en rien l’article 1er de l’Acte uniforme précité ; que les deux moyens réunis invoqués à l’appui du pourvoi n’étant pas fondés, il échet de les rejeter ;

 

Attendu que la SAFCA ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Rejette le pourvoi formé par la Société Africaine de Crédit Automobile dite SAFCA ;

La condamne aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

Le Président

Le Greffier